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Que ma vue à Colbert inspiroit l'alégresse (1);
Qu'aujourd'hui même encor, de deux sens [a] affoibli,
Retiré de la cour [b], et non mis en oubli,

Plus d'un héros, épris des fruits de mon étude,
Vient quelquefois chez moi goûter la solitude (2).
Mais des heureux regards de mon astre étonnant
Marquez bien cet effet encor plus surprenant,
Qui dans mon souvenir aura toujours sa place:
Que de tant d'écrivains de l'école d'Ignace [c]
Étant (3), comme je suis, ami si déclaré,

Ce docteur toutefois si craint, si révéré,

Condé, le maréchal de Vivonne, le premier président de Lamoignon, Daguesseau le combloient de prévenances.

(1) M. Colbert mena un jour dans sa belle maison de Sceaux M. Despréaux et M. Racine. Il étoit seul avec eux, prenant un extrême plaisir à les entendre, quand on vint lui dire que M. l'évêque de..... demandoit à le voir. « Qu'on lui montre tout, hormis moi, dit M. Colbert. ( Brossette. )* Voyez, dans le volume de correspondance, page 9, la fin de la note a.

[a] De la vue et sur-tout de l'ouie.

[b] Il n'y alloit plus assiduement depuis 1690. Après la mort de Racine, il s'y rendit pour demander au roi de lui associer Valincour dans le travail de l'histoire. Voyez le tome IV, page 327, lettre du 9 mai 1699.

(2) A Auteuil. (Despréaux, édit. de 1713.) * M. le duc et M. le prince de Conti l'honoroient souvent de leurs visites.

[c] Il étoit lié avec les pères Rapin, Bourdaloue, Bouhours, et long-temps après il le fut avec le père Thoulier, connu depuis sous le nom de l'abbé d'Olivet. Voyez le volume de correspondance, depuis la page 642.

(3) Que de tant et étant. Ces vers deviennent lourds sonnance de l'adverbe et du participe. (Le Brun.)

par

la con

Qui contre eux de sa plume épuisa l'énergie,
Arnauld, le grand Arnauld, fit mon apologie (1).
Sur mon tombeau futur, mes Vers, pour l'énoncer,
Courez en lettres d'or de ce pas vous placer :

Allez, jusqu'où l'Aurore en naissant voit l'Hydaspe (2),
Chercher, pour l'y graver, le plus précieux jaspe :
Sur-tout à mes rivaux sachez bien l'étaler.

Mais je vous retiens trop. C'est assez vous parler.
Déja, plein du beau feu qui pour vous le transporte,
Barbin impatient chez moi frappe à la porte [a]:

Il vient pour vous chercher. C'est lui: j'entends sa voix. Adieu, mes Vers, adieu, pour la dernière fois.

(1) M. Arnauld a fait une dissertation, où il me justifie contre mes censeurs. (Despr., édit. de 1713.) * Dans les cahiers de 1698, après ces mots, on lit ceux-ci : et c'est son dernier ouvrage ; » dans l'édition de 1701, la note de 1698 est conservée, et se termine ainsi : « on le trouvera à la fin de ce volume. » L'apologie dont le poëte parle avec enthousiasme est la lettre 57, insérée dans le IV volume, page 216. Cette apologie n'est point le dernier écrit du célebre docteur, comme le croyoit Despréaux. Voyez à cet égard le tome IV, page 278, note a.

(2) Fleuve des Indes. (Despréaux, édit. de 1713.)

[a] Le Brun trouve que ce vers exprime l'impatience du libraire.

ÉPITRE XI [a].

A MON JARDINIER.

Laborieux valet du plus commode maître
Qui pour te rendre heureux ici-bas pouvoit naître,
Antoine [b], gouverneur de mon jardin d'Auteuil,
Qui diriges chez moi l'if et le chevrefeuil [c],

[a] Cette pièce fut, suivant Brossette, composée en 1695. Horace adresse également une épître à son fermier: c'est la XIVe du Ier livre; mais Despréaux ne lui emprunte que fort peu de détails. Le but des deux poëtes est différent : le latin oppose son amour pour la campagne au goût que son fermier a pour la ville; le françois compare ses travaux, comme poëte, à ceux de son jardinier.

[b] Antoine Riquié étoit déja dans cette maison, lorsque Despréaux l'acheta en 1685. On le félicitoit de l'honneur que Despréaux lui avoit fait; mais il trouvoit, dit-on, que le mot valet dégradoit sa profession de jardinier. « N'est-il pas vrai, maître Antoine, lui dit d'un air « railleur le père Bouhours, que l'épître que votre maître vous a « adressée est la plus belle de ses pièces? — Nenni-dà, mon père, « répondit maître Antoine, c'est celle de l'amour de Dieu.» Cette réponse épigrammatique lui fut sans doute suggérée. On sait que la XII épître attaque la doctrine attribuée à quelques jésuites.

[c] Chèvrefeuil pour chevrefeuille. Voltaire relève cette licence que la rime nécessite ; et nous apprend qu'il avoit connu maître Antoine. Voici comment il s'exprime :

Je vis le jardinier de ta maison d'Auteuil,

Qui, chez toi, pour rimer, planta le chevrefeuil.
(Épître à Boileau. )

Clément de Dijon affecte de louer les deux vers de Despréaux, et

Et sur mes espaliers, industrieux génie,
Sais si bien exercer l'art de La Quintinie (1);
Oh! que de mon esprit triste et mal ordonné,
Ainsi que de ce champ par toi si bien orné,
Ne puis-je faire ôter les ronces, les épines,
Et des défauts sans nombre arracher les racines [a]!
Mais parle: raisonnons. Quand, du matin au soir,
Chez moi poussant la bêche, ou portant l'arrosoir,
Tu fais d'un sable aride une terre fertile,

Et rends tout mon jardin à tes lois si docile;

de trouver inintelligibles ceux de Voltaire. « L'expression de gouver« neur de mon jardin amène très heureusement, dit-il, celle de diri▪ger, qui convient on ne peut pas mieux au chèvrefeuil qui suit toutes les directions qu'on veut lui donner, et encore plus à l'if « auquel on faisoit prendre autrefois toutes sortes de formes singulières. Qu'est-ce que c'est, dans la parodie, qu'un jardinier qui « plante pour rimer? La plaisanterie n'est pas fine. Boileau étoit-il « embarrassé de rimer? Est-il fort rare de voir du chèvrefeuil dans « un jardin? » ( Quatrième lettre à M. de Voltaire, page 82.)

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(1) Célèbre directeur des jardins du roi. (Despr., édit. de 1713.) * Jean de La Quintinie, né en 1626 près de Poitiers, mort à Paris en 1700, étoit destiné au barreau, mais un penchant irrésistible l'appeloit à la culture des jardins. Il érigea cette culture en un art, qu'il enseigna sous le titre d'Instructions pour les jardins fruitiers et potagers, ouvrage que l'on estime encore.

[a] Certemus spinas animone ego fortius, an tu
Evellas agro; et melior sit Horatius, an res.

(Horace, liv. I, ép. XIV, vers 4—5.}
Viens, et voyons qui de nous deux enfin
Saura le mieux arracher les épines,
Moi de mon cœur, ou toi de ton jardin,
Et qui vaut mieux du maître ou du terrain.
(M. Daru.)

Que dis-tu de m'y voir rêveur, capricieux,
Tantôt baissant le front, tantôt levant les yeux,
De paroles dans l'air par élans envolées
Effrayer les oiseaux perchés dans mes allées [a]?
Ne soupçonnes-tu point qu'agité du démon,
Ainsi que ce cousin (1) des quatre fils Aimon
Dont tu lis quelquefois la merveilleuse histoire,
Je rumine en marchant quelque endroit du grimoire?
Mais non: tu te souviens qu'au village on t'a dit
Que ton maître est nommé pour coucher par écrit [b]

[a] Despréaux travaillant à l'Ode sur la prise de Namur, se livroit à l'enthousiasme lyrique dans les allées de son jardin. Il s'aperçut qu'Antoine, l'observant à travers le feuillage, ne savoit à quoi attribuer ses transports, et il s'amusa des postures qui marquoient tout son étonnement. Le poëte et le jardinier furent pendant quelque temps un spectacle l'un pour l'autre : cette scène plaisante fit naître au premier l'idée de composer l'épître XI.

(1) Maugis. (Despréaux, cahiers de 1698.) Preux et vaillant chevalier, surnommé l'enchanteur; personne ne l'égaloit dans la nécromancie, c'est-à-dire dans l'art prétendu d'évoquer les ames des morts, pour en savoir quelque chose. Il joue un grand rôle dans les vieux romans de chevalerie, sur-tout dans la merveilleuse histoire des quatre fils Aimon.

[b] Ce vers et les deux suivants, dit Brossette, étoient ainsi dans la première composition:

Que ton maître est gagé pour mettre par écrit
Les faits de ce grand roi vanté pour sa vaillance,
Plus qu'Ogier le Danois, ni Pierre de Provence.

Les changements que donne Brossette dans cette épître doivent être antérieurs à l'impression: ils ne se trouvent pas dans l'édition de 1698. Coucher par écrit est une vieille locution, usitée sur-tout parmi les villageois; mais Despréaux s'en sert moins pour ce motif, que

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