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L'aquilon en fureur gronda sur les montagnes [a].
Alors, pour se couvrir durant l'âpre saison,

Il fallut aux brebis dérober leur toison.

La peste en même temps, la guerre et la famine
Des malheureux humains jurèrent la ruine;
Mais aucun de ces maux n'égala les rigueurs
Que la mauvaise honte exerça dans les cœurs.
De ce nid à l'instant sortirent tous les vices.
L'avare (1), des premiers en proie à ses caprices,
Dans un infame gain mettant l'honnêteté,
Pour toute honte alors compta la pauvreté (2).

quefois, la liaison des mots chardon importun. Comment n'a-t-il pas vu, ou plutôt comment n'a-t-il pas voulu voir que Despréaux a ménagé la rencontre des nasales on et im, pour mieux peindre l'objet désagréable qu'il avoit à décrire?

[a] Tum primùm siccis aër fervoribus ustus

Canduit, et ventis glacies astricta pependit.

(Ovide, Métamorph., liv. I, vers 119–120.)

Alors l'air s'alluma de chaleurs dévorantes,

Et le froid aiguisa ses fleches pénétrantes.

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(Saint-Ange.)

(1) Le poëte confond ici, dit Saint - Marc, l'amateur de richesses avec l'avare. Ce sont deux caractères absolument diffé

« rents. » ( Essais philologiques, tome V, page 474.)

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(2) Un prélat, qui d'ailleurs avoit du mérite, dit Brossette, avoit pris le caractère exprimé dans ce vers, etc. » Une note, trouvée par Cizeron-Rival dans les manuscrits de ce commentateur, confirme l'opinion où l'on étoit que le poëte avoit en vue l'archevêque de Reims, Charles - Maurice Letellier, frère du ministre Louvois. (Lett. famil. de MM. Boileau-Despréaux et Brossette, tome III, page 185.) Despréaux disoit que ce prélat « l'avoit une fois plus estimé, depuis qu'il savoit qu'il étoit riche. » ( Bolæana, n. LXVI. )

L'honneur et la vertu n'osèrent plus paroître [a];
La piété chercha les déserts et le cloître.
Depuis on n'a point vu de cœur si détaché
Qui par quelque lien ne tînt à ce péché.

Triste et funeste effet du premier de nos crimes!
Moi-même, Arnauld, ici, qui te prêche en ces rimes,
Plus qu'aucun des mortels par la honte abattu,
En vain j'arme contre elle une foible vertu.
Ainsi toujours douteux, chancelant et volage,
A peine du limon, où le vice m'engage,

J'arrache un pied timide, et sors en m'agitant (1),
Que l'autre m'y reporte et s'embourbe à l'instant.
Car si, comme aujourd'hui, quelque rayon de zéle
Allume dans mon cœur une clarté nouvelle,
Soudain, aux yeux d'autrui s'il faut la confirmer,
D'un geste, d'un regard, je me sens alarmer;
Et, même sur ces vers que je te viens d'écrire,
Je tremble en ce moment de ce que l'on va dire.

[a] Depuis très long-temps on prononce paraître, et ce mot par conséquent ne rime plus à l'oreille avec cloître.

(1) L'auteur avoit ainsi exprimé sa pensée :

A peine du limon, où le vice m'engage,

J'arrache un pied timide,

Que l'autre m'y reporte, et s'embourbe à l'instant.

La difficulté étoit d'achever le second vers. Il consulta M. Racine, qui trouva la chose très difficile. Cependant M. Despréaux lui dit le lendemain la fin du vers:

Et sors en m'agitant.

Cette fin est d'autant plus belle, qu'elle fait une image qui n'est pas dans le vers d'Horace :

Nequicquam cœno cupiens evellere plantam.

(Liv. II, sat. VII, vers 27.)

(Brossette.)

AU LECTEUR (@.

Je ne sais si les rangs de ceux qui passèrent le Rhin à la nage devant Tholus (1) sont fort exactement gardés dans le poëme que je donne au public; et je n'en voudrois pas être garant, parceque franchement je n'y étois pas, et que je n'en suis encore que fort médiocrement instruit. Je viens même d'apprendre en ce moment que M. de Soubise[b], dont je ne parle point, est un de ceux qui s'y est le plus signalé (2). Je m'imagine qu'il en est ainsi de beaucoup d'autres, et j'espère de leur faire justice dans une autre édition. Tout ce que je sais, c'est que ceux dont je fais mention ont passé des premiers. Je ne me déclare donc caution que de l'histoire du fleuve en colère, que j'ai apprise d'une de ses naïades, qui s'est réfugiée dans la Seine. J'aurois bien pu

[a] Cet avertissement parut avec ce seul titre dans l'édition de l'épitre IV, publiée séparément en 1672. L'auteur ne l'a point inséré dans ses œuvres.

(1) Tolhuis, en langage flamand, signifie un bureau où l'on reçoit les péages.... (Brossette.) * Tholus est un village.

[b] François de Rohan, prince de Soubise, traversa le Rhin à la tête des gendarmes de la garde, dont il étoit capitaine-lieutenant. Il mourut en 1712, dans sa quatre-vingt-unième année. Le cardinal de Rohan étoit son fils. Voy., sur ce dernier, le tome IV, p. 471, ́ lettre du 3 juillet 1703.

(2) Qui s'y sont le plus signalés; cette expression seroit plus correcte. ( Brossette.) * On l'emploieroit à présent; mais l'ancienne locution étoit très usitée, et les académiciens d'Alembert et Marmontel la regrettent. Voyez le tome III, page 265, note a.

aussi parler de la fameuse rencontre qui suivit le passage; mais je la réserve pour un poëme à part. C'est là que j'espère rendre aux mânes de M. de Longueville [a] l'honneur que tous les écrivains lui doivent, et que je peindrai cette victoire qui fut arrosée du plus illustre sang de l'univers; mais [b] il faut un peu reprendre haleine pour cela [c].

[a] Charles-Paris, dernier duc de Longueville, né en 1649, tiroit l'un de ses prénoms de la capitale du royaume, parceque le prevôt des marchands de cette ville l'avoit tenu sur les fonts de baptême. Il avoit des vues sur le trône de Pologne, quand il fut victime d'une imprudence, qui entraîna la perte d'un grand nombre de François, et faillit coûter la vie au grand Condé, son oncle maternel, qui le vit périr sous ses yeux. On sait avec, quelle énergie madame de Sévigné a peint la douleur de la mère de ce jeune guerrier, qui, d'après les mémoires de l'abbé de Choisy, étoit le mieux fait, le plus aimable, le plus magnifique de son temps.

[b] Quelques éditeurs suppriment ce mais.

[c] Rien n'annonce que l'auteur ait entrepris l'exécution de ce projet. Il est à présumer qu'il a voulu seulement jeter ici des fleurs sur la tombe d'un homme, dont la mort ne devoit pas trouver place dans une épître, qui est un chant de victoire et d'alégresse.

ÉPITRE IV.

AU ROI.

En vain, pour te louer, ma muse toujours prête,
Vingt fois de la Hollande a tenté la conquête [a]:
Ce pays, où cent murs n'ont pu te résister,
Grand roi, n'est pas en vers si facile à domter.
Des villes que tu prends les noms durs et barbares
N'offrent de toutes parts que syllabes bizarres [b];
Et, l'oreille effrayée, il faut depuis l'Issel,

Pour trouver un beau mot courir jusqu'au Tessel [c].

[a] La fierté de Louis XIV étoit blessée de l'opposition que les Hollandois lui avoient fait éprouver au congrès d'Aix-la-Chapelle. Il leur déclara la guerre le 7 avril 1672, après avoir employé quatre ans aux moyens de leur enlever l'influence qu'ils exerçoient dans les affaires de l'Europe. Il avoit trois corps d'armées, et des capitaines tels que Turenne, le grand Condé, Luxembourg.

[b] Despréaux, suivant le Bolæana, nomb. IX, convenoit qu'il avoit puisé dans Martial l'idée de ses plaisanteries sur la dureté des noms allemands et hollandois. Un certain Hippodamus avoit demandé des vers au poëte latin, qui s'excuse de lui en faire sur ce que son nom seroit effrayant pour les Muses. ( Liv. IV, épigram và XXXI. )

[c] Pour trouver un beau mot, des rives de l'Issel,

Il faut, toujours bronchant, courir jusqu'au Tessel.

(Édit. ant. à celle de 1683.)

Pour trouver un beau mot, il faut depuis l'Issel,

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