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Tombe un chêne battu des voisins [a] aquilons;
Ou tel, abandonné de ses poutres usées,

Fond enfin un vieux toit sous ses tuiles brisées [b].
La masse est emportée, et ses ais arrachés

Sont aux yeux des mortels chez le chantre cachés [c].

[a] Saint-Marc blâme cette épithète, ou du moins la manière dont elle est placée. La Harpe la souligne, après avoir dit que la destruction du lutrin est d'une beauté remarquable, « à un seul mot « près [a]. » Je crois que ce critique habile ne saisit pas ici l'intention du poëte, qui, par une transposition choquante en apparence, mais bien réfléchie, a voulu peindre les secousses que le chêne éprouve en sens contraires avant sa chute. Le vers critiqué me semble d'un grand effet. On s'étonne moins que La Harpe s'en rapporte à un premier aperçu, lorsqu'on voit que sa censure se trouve dans un article de journal, rédigé sans doute à la hâte, et joint au Cours de littérature.

[b] Cette seconde comparaison est d'une perfection si frappante, qu'elle ne doit rien laisser à desirer, même aux critiques les moins éclairés et les moins bienveillants.

[c] Suivant Saint-Marc, ce dernier hémistiche « est d'une cacophonie bien désagréable. » Cet hémistiche, que l'on ne sauroit prononcer sans chuchoter, pour ainsi dire, n'exprime-t-il pas au contraire toutes les précautions mystérieuses avec lesquelles les ais du lutrin sont dérobés aux regards? Plus on étudie le style de Despréaux, plus on y découvre les combinaisons de l'art, sous des locutions qui paroissent dures et négligées à des yeux inattentifs.

Lorsque ces quatre premiers chants furent publiés en 1674, les ennemis de l'auteur, entre autres Desmarets de Saint-Sorlin, ne

[a] Cours de littérature, 1822, tome XIV, page 390, fragment sur les œuvres de Pope.

manquèrent pas d'affirmer qu'il étoit hors d'état de fournir la carrière qu'il s'étoit ouverte. Ces reproches, d'après Saint-Marc, « sont «< cause vraisemblablement que nous avons le Lutrin achevé. » Certes, rien n'est moins vraisemblable. Un poëte pouvoit-il laisser imparfait un chef-d'œuvre, sans lequel on ne connoîtroit pas tout ce qu'il étoit capable de produire? Voyez les motifs qui l'ont engagé à le donner avant de l'avoir terminé, page 316 de ce volume, note 1.

CHANT V (9).

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L'Aurore cependant, d'un juste effroi troublée,
Des chanoines levés voit la troupe assemblée,
Et contemple long-temps, avec des yeux confus,
Ces visages fleuris qu'elle n'a jamais vus [a].
Chez Sidrac aussitôt Brontin d'un pied fidéle[b]
Du pupitre abattu va porter la nouvelle.

Le vieillard de ses soins bénit l'heureux succès,
Et sur un bois détruit bâtit mille procès.

L'espoir d'un doux tumulte [c] échauffant son courage,
Il ne sent plus le poids ni les glaces de l'âge;

(1) Les deux derniers chants de ce poëme n'ont été faits que long-temps après les quatre premiers; et l'auteur les donna au public en 1683, avec les épîtres VI, VII, VIII et IX. La veille du jour que M. Colbert mourut, M. l'abbé Gallois lui lut les deux derniers chants du Lutrin; et ce ministre, tout malade qu'il étoit, ne laissa pas de rire au récit du combat imaginaire des chantres et des chanoines. Ce combat est une fiction du poëte. (Brossette.) * Colbert mourut le 6 septembre.

[a] La satire la plus fine se montre ici sous les plus riantes couleurs.

[b] Expression juste et hardie, dictée par le goût le plus sûr. Le Brun pense que c'est la première fois que l'on en a fait un emploi aussi heureux.

[c] Quel dernier coup de pinceau!

Et chez le trésorier, de ce pas, à grand bruit,
Vient (1) étaler au jour les crimes de la nuit.
Au récit imprévu de l'horrible insolence,
Le prélat hors du lit, impétueux s'élance.
Vainement d'un breuvage [a] à deux mains apporté
Gilotin avant tout le veut voir humecté.

Il veut partir à jeun. Il se peigne, il s'apprête;
L'ivoire trop hâté deux fois rompt sur sa tête,
Et deux fois de sa main le buis [b] tombe en morceaux :
Tel Hercule filant rompoit tous les fuseaux [c].
Il sort demi-paré. Mais déja sur sa porte

Il voit de saints guerriers [d] une ardente cohorte,
Qui tous, remplis pour lui d'une égale vigueur [e],

(1) Il auroit fallu mettre va. (Saint-Marc.) * Ce commentateur est le seul qui fasse cette observation.

[a] Brossette pouvoit se dispenser de nous apprendre que ce breuvage est un bouillon, quoique cet éclaircissement soit nécessaire, suivant Saint-Marc.

[b] Dans les éditions avouées par Despréaux, et dans la plupart des éditions postérieures, il y a bouïs. L'usage n'admet plus que buis; mais le dictionnaire de l'académie, édition de 1694, en autorisant l'un et l'autre, cite toujours le premier dans les exemples qu'il donne.

[c] Cette ingénieuse comparaison ennoblit les détails qui la précédent.

[d] On lit, dans l'édition de 1713:

Il voit des saints guerriers une ardente cohorte, etc. L'éditeur de 1740 a copié cette faute d'impression.

[e] Saint-Marc demande ce que veut dire : « Être rempli de vigueur « pour quelqu'un; » question peu surprenante de sa part. M. Daunou répond : « Le sens n'est pas douteux, mais l'expression est im« propre ; » et voilà ce qui étonne davantage. Pour justifier Des

Sont prêts, pour le servir, à déserter le chœur [a].
Mais le vieillard [b] condamne un projet inutile.
Nos destins sont, dit-il, écrits chez la Sibylle :
Son antre n'est pas loin; allons la consulter,
Et subissons la loi qu'elle nous va dicter.

Il dit à ce conseil, où la raison domine,
Sur ses pas au barreau la troupe s'achemine,
Et bientôt, dans le temple, entend, non sans frémir,
De l'antre redouté les soupiraux gémir.

Entre ces vieux appuis dont l'affreuse grand'salle
Soutient l'énorme poids de sa voûte infernale,
Est un pilier fameux, des plaideurs respecté (1),
Et toujours de Normands à midi fréquenté.
Là, sur des tas poudreux de sacs et de pratique,
Hurle tous les matins une Sibylle étique :
On l'appelle Chicane; et ce monstre odieux
Jamais pour l'équité n'eut d'oreilles ni d'yeux,
La Disette au teint blême et la triste Famine,
Les Chagrins dévorants et l'infame Ruine,
Enfants infortunés de ses raffinements,

Troublent l'air d'alentour de longs gémissements.

préaux, il suffit d'ouvrir le dictionnaire de l'académie, qui, dans

toutes ses éditions, définit ainsi le mot vigueur au figuré : « Ardeur

a

« jointe à la fermeté qu'on apporte dans les affaires. »

[a] Vers plein de sel et de vérité : il exprime à-la-fois et la haute idée que les chantres ont de l'importance de leurs fonctions, et le desir secret de n'avoir rien à faire.

[b] Sidrac.

(1) Le pilier des consultations. (Despréaux, édit. de 1713.) * Les anciens avocats s'assembloient près de ce pilier, où l'on venoit les consulter.

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