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Si quelque soin encore agite mon repos,
C'est l'ardeur de louer un si fameux héros.

Ce soin ambitieux me tirant par l'oreille [a],
La nuit, lorsque je dors, en sursaut me réveille;
Me dit que ses bienfaits, dont j'ose me vanter,
Par des vers immortels ont dû se mériter.

C'est là le seul chagrin qui trouble encor mon ame.
Mais si, dans le beau feu du zèle qui m'enflamme,
Par un ouvrage enfin des critiques vainqueur
Je puis sur ce sujet satisfaire mon cœur,
Guilleragues, plains-toi de mon humeur légère,
Si jamais, entraîné d'une ardeur étrangère,
Ou d'un vil intérêt reconnoissant la loi,

Je cherche mon bonheur autre part que chez moi.

[a].... « Ce tirement d'oreille, dit Pradon, est bien tiré et bien « bas. » (Nouvelles Remarques, page 64.) L'expression dont se sert Despréaux, employée au propre, seroit commune et familière ; mais prise au figuré, elle est vive et plaisante. Elle jette de l'agrément dans un sujet très philosophique.

ÉPITRE VI.

A M. DE LAMOIGNON, AVOCAT-GÉNÉRAL.

Oui, Lamoignon (1), je fuis les chagrins de la ville, Et contre eux la campagne est mon unique asile. Du lieu qui m'y retient veux-tu voir le tableau? C'est un petit village (2) ou plutôt un hameau, Bâti sur le penchant d'un long rang de collines,

(1) Chrétien-François de Lamoignon, depuis président à mortier, fils de Guillaume de Lamoignon, premier président du parlement de Paris. (Despr., édit. de 1713.)* Son père figure dans le Lutrin sous le nom d'Ariste, et le vertueux Malesherbes étoit son petit-fils. Ayant écrit à Despréaux, qui étoit allé passer une partie de l'été à la campagne, pour l'engager à revenir promptement à Paris, le poëte lui répondit par cette épitre, composée en 1677. Voyez la satire VIII, tome Ier, page 194, note I, et le tome IV, page 483. Le président de Lamoignon, né en 1644, mourut en 1709.

(2) Hautile, proche la Roche-Guyon. ( Despréaux.) * « Je fis remar« quer à l'auteur cette consonnance vicieuse: proche la roche; et il « l'a corrigée, dit Brossette, dans sa dernière édition de 1701.» Voici la seconde note: « Hautile, petite seigneurie près de la Roche« Guyon, appartenante à mon neveu l'illustre M. Dongois. » Ace dernier mot, l'édition de 1713 ajoute ceux-ci: «greffier en chef du 'parlement. » D'Alembert s'étonne de ce qu'un censeur aussi sévère donne le nom d'illustre à un neveu qui n'avoit « rien fait de plus « mémorable que de dresser et de signer des arrêts.» (Note 7 sur l'éloge de Despréaux.) Il est à remarquer, dans la correspondance, tome IV, que ce même nom est prodigué à des personnes qui n'y

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D'où l'œil s'égare au loin dans les plaines voisines.
La Seine, au pied des monts que son flot vient laver,
Voit du sein de ses eaux vingt îles s'élever,
Qui, partageant son cours en diverses manières,
D'une rivière seule y forment vingt rivières.
Tous ses bords sont couverts de saules non plantés,
Et de noyers souvent du passant insultés (1).
Le village au-dessus forme un amphithéâtre :
L'habitant ne connoît ni la chaux ni le plâtre;
Et dans le roc, qui cède et se coupe aisément,
Chacun sait de sa main creuser son logement [a].

avoient pas plus de titres que le greffier dont Voltaire a dit:
Chez ton neveu Dongois je passai mon enfance,

Bon bourgeois, qui se crut un homme d'importance.
(Épitre à Boileau.)

Il falloit même que Despréaux n'attachât pas à ce mot le sens que nous lui donnons aujourd'hui, puisque, dans une note de la satire III, il l'accorde à Boucingo, marchand de vin. Voyez le tome ler, p. 108, note b.

Clément, qui ne perd aucune occasion de déprimer Voltaire, s'exprime ainsi sur les deux vers cités : « Quel rapport M. Dongois a-t-il avec la gloire de Despréaux? Peut-être M. de V. veut-il se venger - par là de ce que ce fameux satirique avoit traité d'empoisonneur le traiteur Mignot, dont M. de Voltaire est le petit-neveu, à ce qu'on « dit. » (Quatrième lettre à M. de Voltaire, page 83.) Voyez le tome Ier, satire III, page 113, note a.

(1) Ces détails sont d'une naïveté charmante. Le saule, comme on sait, ne se plante point, et il n'y a pas d'écolier dont le caillou n'insulte le noyer. (Le Brun.) * Il seroit à desirer que les notes de Le Brun fussent en général aussi justes et aussi bien exprimées que celle-là.

[a] Cette description d'Hautile est de l'exactitude la plus scrupu

La maison du seigneur, seule un peu plus ornée,
Se présente au dehors de murs environnée [a].
Le soleil en naissant la regarde d'abord,

Et le mont la défend des outrages du nord [b].

C'est là, cher Lamoignon, que mon esprit tranquille
Met à profit les jours que la Parque mè file.
Ici, dans un vallon bornant tous mes desirs,
J'achète à peu de frais de solides plaisirs.

Tantôt, un livre en main, errant dans les prairies,
J'occupe ma raison d'utiles rêveries [c]:

Tantôt, cherchant la fin d'un vers que je construi,
Je trouve au coin d'un bois le mot qui m'avoit fui [d];

leuse : les habitations y sont en effet pratiquées dans un roc friable, c'est-à-dire dans des bancs de craie. Le poëte n'accorde rien à la fiction: tous ses détails sont la copie d'un modèle auquel le temps n'a rien changé; la simplicité de son style égale celle du lieu qu'il décrit.

[a] En 1785, il existoit à peine quelques vestiges du château possédé par M. Dongois. Hautile est du côté de Mantes, à treize lieues de Paris.

[b]... Sed ut veniens dextrum latus adspiciat sol,

Lævum decedens curru fugiente vaporet.

(Horace, liv. I, ép. XVI, vers 6 — 7. )

Le soleil sur son char la salue en naissant,

Et ses derniers rayons y plongent au couchant.

(M. Daru.)

[c] Suivant Brossette, ce vers caractérise les Essais de Montaigne, que Despréaux lisoit alors, et que Montaigne lui-même regardoit comme des « rêveries d'homme qui n'a goûté des sciences que la « croûte première.... » (Édit. de 1818, in-8°, tome Ier, liv. Ier, chap. XXV, page 219.)

[d] Vers heureux; il rachète, pour ainsi dire, la licence de la rime du précédent, où l's finale est supprimée.

Quelquefois, aux appas (1) d'un hameçon perfide,
J'amorce en badinant le poisson trop avide;

Ou d'un plomb qui suit l'œil, et part avec l'éclair,
Je vais faire la guerre aux habitants de l'air [a].
Une table au retour, propre et non magnifique,
Nous présente un repas agréable et rustique :

Là, sans s'assujettir aux dogmes du Broussain [b],

(1) On croit que l'auteur auroit dû mettre à l'appât, ce dernier mot ne se mettant au pluriel que dans le sens figuré : les appas d'une belle. (Brossette.) * Il eût sans doute été plus conforme à l'usage d'employer ce mot au singulier; mais le poëte a consulté l'oreille en le mettant au pluriel, qui est également françois. Despréaux écrit ce mot suivant l'orthographe du temps; c'est ainsi que le donne le dictionnaire de l'académie, édit. de 1694.

[a] J. B. Rousseau dit à l'abbé Courtin:

Vas-tu, dès l'aube du jour,

Secondé d'un plomb rapide,
Ensanglanter le retour

De quelque lièvre timide?

(Liv. II, ode XI.)

[b] Les éditions de 1683 et de 1685 portent:

Aux dogmes du B***.

Despréaux écrit du Broussain, au lieu de du Broussin, peut-être pour rendre la rime plus riche.

Ce dernier « faisoit, disoit-il, tous les jours de nouvelles décou« vertes dans le pays de la bonne chère, jusqu'à vouloir faire trou« ver aux mets ordinaires tout un autre goût que leur goût naturel. « Quand il avoit à donner quelque repas d'érudition (ce sont ses termes), comme, par exemple, au duc de Lesdiguières et au ☐ comte d'Olonne, il étoit sur pied dès quatre heures du matin, et • prenoit un compas pour faire poser la table du festin, afin qu'elle ne penchat pas plus d'un côté que de l'autre. Il ne parloit pas moins que de condamner au fouet, ou d'envoyer au carcan des

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