Des heureux que vous avez faits. L'hyménée, exempt de nuage, Pour vous, du tendre amour a conservé les traits; Quand tous vos jours sont des bienfaits, ÉPITRE A ANGE-MARIE D'EYMAR. Toi, chez qui la raison aux talents est unie ; Échappé de Paris, en rapportas des mœurs, Qui sais et penser et sentir, Par un heureux besoin, cherche, au sein de l'étude, Du jour où je te vis paraître, Ton cœur sensible et pur, d'Eymar, vint me charmer. Qui peut te voir sans te connaître, Et te connaître sans t'aimer? Ta muse, facile et légère, Qui, sur le luth d'un troubadour, En couronne de rose, en habit de bergère, Par l'Amitié seule inspirée, Vient donc aussi dans ce séjour, Verser sur nous les fleurs dont sa tête est parée. Zoë, même à ta voix, unit ses sons flatteurs; Zoë, dans des vers séducteurs, Devina l'art de Deshoulière. Comme elle et ses touchantes sœurs Ont deviné, sans art, l'heureux talent de plaire! Vos luths harmonieux ont retenti pour nous Sous les ombrages de Fougère: J'écoutais des accents si doux. Je vois, avec regret, s'écouler les beaux jours Je voudrais qu'appuyé sur sa faux, immobile, Trompe ce désir suborneur : Il fuit, et sur son aile emporte mon bonheur. Mais, en quelque lieu qu'il m'entraîne, Quoiqu'il verse, en courant, la coupe du Léthé, Sur le plaisir et sur la peine, Jamais (crois-en la vérité), Jamais l'ingrat oubli, jusqu'à mon dernier âge, N'effacera la douce image De ce séjour que j'habitai. C'est ici que j'ai vu les mœurs et la bonté. Fatigue les cœurs agités. L'un sur l'autre précipités, L'un à l'autre inconnus, le tourbillon qui roule, Vous fait tous, au hasard, circuler dans la foule, Pressés, flottants, criants, ramenés, écartés. Ce n'est point là le sol où croissent les vertus. Dénaturant le caractère, Fait un vaste désert de la société, Où la douleur de l'homme à l'homme est étrangère. Tout est enthousiasme, et rien n'est sentiment. Veut s'attendrir par vanité. On amollit sa voix, en parlant de bonté; Le mot de bienfaisance enorgueillit la bouche : Console ici mes yeux et reçois mon hommage: J'y retrouve l'antique usage; Les grâces sans frivolité, Le sentiment sans étalage. Bienfaits, soins généreux, voilà vos passions; Ce que Paris met en langage. Les monts helvétiens, leur inculte âpreté, D'un peuple antique et fier gardent la liberté. Offrant à vos vertus un asyle écarté, Ont mis une barrière entre vous et les vices. Sur ces espaces inégaux, Qu'épargnent les torrents et la chute des eaux, Et du laboureur qui sillonne J'aime à contempler les travaux. Mon œil, avec plaisir, suit les pas des chevaux, D'un uniforme mouvement, Pressent leur marche circulaire ; De son enveloppe grossière Et, loin des longs tuyaux de la paille légère, Dans ma rêverie indolente, Quelquefois je m'égare au bord de vos ruisseaux. Je suis, dans ses écarts, la chèvre pétulante, Le soir, je vois le bœuf lassé, |