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moyennant l'union admirable de l'Idée avec la parole. La parole arrête et circonscrit l'Idée, en concentrant l'esprit sur elle-même, comme forme limitée, au moyen de laquelle il perçoit réflectivement l'infinité idéale; de la même manière que l'œil de l'astronome contemple à son aise et selon sa volonté les immensités des cieux à travers un petit trou et à l'aide d'un mince cristal. L'esprit cependant repense l'Idée en ellemême et la voit dans son infinité propre, bien que cette vision se fasse par un mode fini, au moyen du signe qui revêt et circonscrit l'objet. La parole est en somme comme un cadre étroit dans lequel l'Idée infinie se resserre, pour ainsi dire, et s'accommode à la petitesse appréhensive de la connaissance réfléchie. Chacun de nous, avec un peu d'attention, peut faire sur soi l'expérience de ce fait intellectuel, impossible à expliquer et difficile à exprimer par la parole, mais clair et indubitable, autant que tout autre phénomène psychologique.

La marche et les progrès de la philosophie sont propor tionnés à la perfection ou à l'imperfection de son principe. Si le germe idéal, fourni par la parole, est arrivé à sa maturité, et contient en acte tous les éléments intégrants de l'Idée, le discours philosophique peut acquérir dans sa marche une solidité et une célérité incroyables; tandis qu'il sera lent, traînant, sujet à broncher et à s'égarer à chaque instant, si son rudiment est imparfait, c'est-à-dire, si les éléments intelligibles et intégrants s'y trouvent contenus potentiellement, mais ne sont pas actuels. Ainsi, supposons que deux génies de valeur pareille partent, pour philosopher, l'un de l'Idée, telle qu'elle se trouve dans la formule pélasgico-orientale et mûrie par les Pythagoriciens, et l'autre du concept idéal grec, tel qu'il se trouve esquissé dans les premiers maîtres de l'école ionique; chacun voit comment le premier pourra d'un trait s'élever à la hauteur qu'ont atteinte les Empédo

cliens et les Éléatiques, tandis que l'autre marchera terre å terre, et tombera plus ou moins dans les écueils on se sont perdus les philosophes naturalistes d'Apollonie, d'Abdère et de Milet.

L'histoire, la foi et la raison s'accordent pour démontrer que le père du genre humain fut créé par Dieu avec le don de la parole. La parole primitive étant divine fut parfaite, et exprima intégralement l'Idée (3). Les autres langues plus ou moins altérées par les hommes, sont incomplètes, parce qu'elles sont en grande partie l'œuvre de l'esprit humain ; tandis que le premier idiome fut une invention idéale, et naquit de l'Idée même. Ce premier idiome fut une révélation ; et la révélation divine est le verbe de l'Idée, c'est-à-dire, l'Idée parlant et s'exprimant elle-même. Ainsi, dans ce cas, la chose exprimée engendra sa propre expression, qui dut être très juste, puisqu'elle avait son principe dans son propre objet. La différence du principe parlant de la chose parlée, qui sont l'un humain l'autre divine, voilà ce qui fait l'imperfection idéale de toutes les langues qui ont succédé à la langue primitive.

La parole étant le principe déterminatif de l'Idée, est aussi une condition nécessaire de l'évidence et de la certitude réflective, lesquelles naissent pareillement de l'Idée et ont en elle leur fondement, comme nous l'avons précédemment remarqué. Mais comme les concepts idéaux ne peuvent être repensés sans leur forme, c'est de celle-ci que dépendent en grande partie leur clarté et leur certitude. Or, la parole étant la révélation, l'évidence et la certitude idéale dépendent indirectement de l'autorité révélatrice et sont impossibles à acquérir sans son concours. De cette manière s'accordent les opinions contraires de ceux qui affirment et de ceux qui nient la nécessité de la révélation, afin d'obtenir une certitude.

rationnelle. L'idée se certifie par elle-même, en vertu de son évidence propre; mais ne pouvant être repensée sans le secours de la parole révélante, celle-ci est l'instrument et non la base de la certitude qu'on a de celle-là. L'Idée quand elle apparaît à l'intuition réflective, outre qu'elle fait voir clairement sa propre réalité, démontre encore la vérité de la révélation elle-même; mais d'un autre côté, sans la révélation, elle ne pourrait briller aux yeux de l'esprit qui la repense. Il n'y a point là de cercle vicieux, puisque la parole révélée n'est pas la source, mais la simple condition de la lumière rationnelle, dans l'ordre de la réflexion.

La parole est, comme tout signe, une chose sensible. Si donc elle est nécessaire pour repenser l'Idée, il s'ensuit que le sensible est nécessaire pour pouvoir réfléchir et connaître distinctement l'intelligible. Cela s'accorde avec la double nature de l'homme, qui se compose de corps et d'ame, et annulle ce faux spiritualisme, qui voudrait considérer les organes et les sens comme un accessoire et un accident de notre nature. Spiritualisme insensé et qui répugne aux paroles d'en haut, qui nous représentent la restauration organique comme nécessaire à la vie éternelle et parfaite de cette même nature dans le ciel. Or, si la parole est une chose sensible, il s'ensuit que la révélation est sensible et externe, et qu'ainsi elle doit prendre une forme et une apparence historique. Par conséquent, une révélation intérieure, comprenant de purs concepts, naturels ou surnaturels, imaginée par quelques-uns, répugnerait å la nature de l'homme et serait impuissante à produire son effet.

L'Idée parlante, en se communiquant au premier homme, s'est révélée à toute sa postérité et a composé l'unité de la famille humaine. Car, bien que tous les hommes viennent d'un seul et même père, - ce dont l'histoire, la religion et

une noble philosophie ne permettent pas de douter, l'unité d'origine et de race étant une chose matérielle, ne peut par elle-même produire l'unité morale; et il ne suffit pas pour cela de l'identité de nature qu'il y a entre les hommes, car la ressemblance des parties peut bien composer une agrégation similaire, mais elle ne suffit pas elle seule pour former un tout organique. D'un autre côté, le droit sens et l'instinct naturel, en considérant tous les hommes comme les membres d'un seul corps, et comme les frères d'une seule famille, reconnaissent entre eux un lien moral conformément au dogme chrétien. Et ce lien est aussi un dogme, ou du moins un postulat scientifique, nécessaire pour consolider la doctrine des devoirs civils et pour fonder le droit des gens en général. Et en effet, si l'on suppose que les divers peuples soient des agrégations naturelles ou fortuites, séparées les unes des autres, sans liens moraux et mutuels, il devient impossible d'établir rationnellement entre eux des devoirs et des droits réciproques. Par conséquent, la justice dans les rapports extrinsèques des peuples se réduirait à la force; et la guerre, au lieu d'être considérée comme un douloureux expédient, que la nécessité seule peut légitimer, serait bonne en elle-même, conformément à l'opinion de Hobbes, comme étant l'unique lien naturel des peuples. Le droit des gens présuppose donc que tous les hommes sont unis ensemble par un principe d'unité morale, et forment une seule communauté, soit parce qu'ils sont frères par le sang, soit parce qu'un nœud sacré de fraternité spirituelle vient se joindre au lien de la nature; autrement il est absurde. Bien entendu que, traitant de l'unité sociale du genre humain, je parle de la société morale et non de la société politique, et que ma pensée ne ressemble pas à certains rêves cosmopolitiques, dont la réalisation est éloignée de dix siècles au moins. Aux politiques de notre siè

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cle, qui nient ou mettent en doute la fraternité originelle et morale des hommes, de voir quelle est la base donner aux devoirs et aux droits des nations.

que l'on peut

Un corps social quel qu'il soit est un et multiple; c'est une variété réduite à l'unité. Mais cette réduction se représente à nous sous plusieurs formes, selon les propriétés multiples de ses composants. Toute société est d'abord une composition organique, c'est-à-dire une agrégation bien concertée de parties semblables ou dissemblables, mais inégales, autour d'un centre commun. Si ensuite la société se trouve composée d'êtres agissants, et se mouvant par eux-mêmes, le centre devient le principe du mouvement. Si de plus ces êtres ont, outre la puissance opérative, la liberté, le principe du mouvement doit encore offrir une règle morale à leur action. Or, telle est la société morale du genre humain. Elle est une et diverse son unité se montre à nous comme centre, force, loi; sa variété est organique, active, libre ; et l'une de ces deux séries présuppose nécessairement l'autre.

Le principe qui forme spirituellement le genre humain, sous le triple rapport de centre, de force et de loi, et l'élève au rang de société spirituelle, c'est l'Idée, qui peut seule remplir ces diverses fonctions, et ramener à l'unité, sous tous les rapports, la famille humaine. Premièrement, l'Idée est intelligible, causante et obligatoire; elle est intelligible, parce qu'elle éclaire tous les esprits, et répand de tous les côtés la lumière intellective qui rend saisissables les choses et leurs rapports; elle est causante, parce que, outre qu'elle éclaire les esprits, elle est leur premier moteur et le principe créateur de leur activité; elle est obligatoire, parce qu'embrassant toute vérité absolue et éternelle, elle comprend les vérités morales et le mobile suprême de l'obligation; ce qui fait qu'elle est tout à la fois la loi et le législateur. Secondement,

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