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dans les sciences philosophiques, vicie même l'histoire de celle-ci. Car elle ne peut exprimer et exposer exactement l'idée véritable des divers systèmes qu'au moyen de la distinction dialectique, ci-dessus mentionnée, des écoles orthodoxes, qui s'appuient sur la tradition, et des hétérodoxes qui, la rejetant, sont les hérésies et les schismes de la doctrine rationn lle. J'ai fait remarquer que la tradition spéculative est de deux sortes: l'une religieuse, qui remonte à la révélation; l'autre scientifique, par laquelle nous sommes ramenés aux premiers penseurs, qui ont travaillé par la réflexion sur l'Idée révélée, et ont été, par rapport à nous, les pères de la philosophie. L'histoire doit montrer les rapports des divers systèmes avec ce double fil traditionnel, et nous faire voir comment nous l'avons conservé intact, ou rompu; elle doit donc les diviser en deux successions parallèles : l'une embrassant les doctrines orthodoxes, logiquement continue, perpétuelle, et formant une seule série; l'autre, comprenant les opinions hétérodoxes, sans continuité, composée de plusieurs séries distinctes, et dont la durée a un commencement et une fin; de sorte que l'unité et la continuité sont le privilège de la première, et les qualités opposées le caractère de la seconde. J'ai aussi fait remarquer que tous les systèmes sont réellement entremêlés de vérités et d'erreurs ; mais que dans ceux qui sont conformes à la tradition, le vrai l'emporte sur le faux, tandis qu'il en est tout autrement dans les autres. Or, les éclectiques, réunissant ensemble les divers systèmes, les rangent dans une catégorie unique, ou tout au plus les groupent séparément en plusieurs écoles selon l'ordre des pays et des temps, ou le rapport le plus manifeste des doctrines. Mais ces divisions secondaires ne suffisent pas, ou bien elles ne sont pas fondées sur la distinction indiquée ci-dessus; car si on commence à ranger tous les systèmes sur une seule ligne, en les distinguant seulement

en écoles et en familles, l'histoire de la philosophie devient, sous une apparence d'ordre, un véritable chaos. Si on a blamé Linnée d'avoir introduit dans l'histoire des plantes une classification artificielle qui range souvent une herbe à côté d'un grand arbre, critique injuste, puisque ce grand homme avait proposé sa taxologie comme un simple arrangement provisoire, - il faudra censurer avec bien plus de raison un procéde méthodique qui, par exemple, place sur la même ligne Platon et Epicure, Malebranche et Tracy, Reid et Hume. Il est évident que l'historien de la philosophie, qui ne veut pas être un simple chronologiste, doit disposer les divers systèmes selon l'élément prédominant; et pour connaître cet élément il est obligé de le comparer avec les éléments idéaux, et avec les données de la tradition. C'est par ce moyen qu'on parvient à poser les règles d'un enseignement fondé sur l'ordre naturel et qu'on ennoblit l'histoire des sciences spéculatives; autrement cette histoire n'est plus que quelque chose de décousu, comme l'est précisément la philosophie, au dire des éclectiques.

Ce qu'il y a ensuite de très singulier, c'est de voir que ces philosophes, qui regardent la philosophie comme un composé de pièces détachées, de débris, de fragments, et comme une pure mosaïque spéculative, professent cependant un système unique, sur lequel, comme sur un tronc unique, ils greffent les rameaux qu'ils vont emprunter aux autres doctrines. Tel est le psychologisme de Descartes, dont ils sont les patients éditeurs, les humbles disciples, et les grands louangeurs. Or, le psychologisme n'est pas seulement une méthode, mais une opinion, un système, une théorie; car toute méthode étant un art pratique, présuppose certains principes scientifiques, et par conséquent un tout doctrinal et bien organisé. Le psychologisme fait dépendre toute la science de la connaissance

que l'homme a de lui-même, en subordonnant les idées aux faits, l'intelligible au sensible; et si ce n'est pas là un dogme aussi exprès et universel que celui de tout autre philosophe, je ne sais plus quel dogme trouver au monde. Il est vrai que le psychologisme est la ruine de la philosophie et de toute science, et qu'après avoir démoli tous les autres édifices il se détruit lui-même; mais je ne crois pas que ce soit là le motif qui porte les éclectiques à repousser modestement le titre de philosophes systématiques.

Le point où j'en suis arrivé, dans ce travail préparatoire, ne me permet pas encore de traiter la question difficile et capitale de la science première, et de rechercher dans quelle classe des connaissances elle doit être placée. Mais ce que j'ai dit suffit pour montrer que la science première ne peut être rangée dans la psychologie vulgaire, conformément aux dogmes du psychologisme et des éclectiques, qui se vantent d'avoir introduit cette grande réforme; comme si elle n'était pas déjà ancienne, au moins autant que Descartes. Or, il n'est pas nécessaire d'entrer dans de longues discussions, ni de posséder une perspicacité très subtile et une grande force de raisonnement, pour s'apercevoir que si le nécessaire ne peut dériver du contingent, l'infini du fini, l'absolu du relatif, la cause de l'effet, et le principe de la conséquence, il est absurde de vouloir supposer que la légitimité de la connaissance idéale procède des impressions et des appréhensions sensibles, et que par conséquent l'ontologie reçoive sa force et sa certitude logique des phénomènes psychologiques. Il est absurde de fonder les idées sur des faits, parce que c'est tout comme transformer les idées en faits; tandis que le fait lui-même ne peut être admis, ni pensé, sans le concours de la lumière idéale. Ce renversement de l'ordre légitime n'est pas moins contradictoire dans l'ordre du possible que dans le domaine

du réel, parce que le réel et le possible se correspondent parfaitement. Par conséquent, vouloir créer l'ontologie avec les seules données psychologiques, c'est conduire logiquement l'esprit de l'homme jusqu'à la folie incroyable de regarder comme sa propre création, l'Auteur de l'univers; voilà pourquoi le système de Fichte est une conséquence dialectique et sévère du psychologisme.

La psychologie peut être une propedeutique disciplinaire, et un instrument de pédagogie rationnel, meilleurs, sous certains rapports que la logique ordinaire, pour habituer l'intelligence des jeunes gens aux recherches philosophiques. Car en obligeant celui qui étudie à arrêter son esprit sur ses opérations, en le détournant des objets extérieurs parmi lesquels il se dissipe facilement, surtout dans la jeunesse, à cause de la force de ses sens et de la vivacité de ses impressions, on lui imprime une disposition plus conforme aux qualités réclamées par les spéculations ontologiques, qui, bien que différentes en elles-mêmes de l'étude réfléchie de l'ame humaine, s'accordent pourtant avec elle, en ce qu'elles sont étrangères aux faits externes et corporels. Toutefois, il ne faut pas en conclure que la méthode psychologique s'identifie avec l'ontologique, et que la différence qui les sépare consiste seulement dans la diversité des objets auxquels elles s'appliquent ; parce que la variété des objets distingue précisément d'une manière essentielle les raisons internes du procédé méthodique.

Pour bien éclaircir cette distinction, qui est d'une haute importance, il faut remarquer que l'instrument, dont l'esprit humain se sert dans la psychologie, est la réflexion psychologique, au moyen de laquelle la pensée se replie sur elle-même, et saisit, non pas sa propre substance, mais seulement ses propres opérations. Dans l'ontologie au contraire, l'instrument est la contemplation, qui se divise en deux parties,

c'est-à-dire en une intuition primitive, directe, immédiate, et en une intuition réfléchie, que l'on peut appeler réflexion contemplative et ontologique. Cette seconde réflexion, bien qu'elle accompagne la première, en est très différente; car dans la réflexion psychologique, l'esprit se repliant sur luimême, en vertu de certaines puissances, a pour objet immė, diat ses propres opérations, c'est-à-dire les sensibles modifications de l'esprit lui-même; dans la réflexion ontologique, au contraire, l'esprit, en repensant, se refait sur l'objet immédiat de l'intuition elle-même, ce qui fait que, dans le premier cas le terme de la pensée est le sensible, et dans le second l'intelligible. Il est vrai que dans la réflexion contemplative, l'esprit se reportant vers l'objet idéal, se replie nécessairement sur sa propre intuition, parce qu'il en a l'appréhension directe; d'où il suit que la manière psychologique de repenser accompagne toujours l'autre mode de réfléchir : toutefois ces deux opérations, bien que simultanées, sont distinctes, parce qu'elles ont leur terme dans un objet différent. Cela posé, il est clair que l'instrument du psychologue diffère essentiellement da double organe ontologique, et que si on échange les deux méthodes, et que l'ontologiste veuille se servir des moyens appropriés à la simple étude des phénomènes internes, il ne trouvera point l'objet qu'il cherche, et prendra le sensible pour l'intelligible: c'est en effet ce qui arrive à tous les psychologistes, sans en excepter les panthéistes eux-mêmes; bien plus, c'est à une telle confusion que se réduit substantiellement la synthèse absurde des données intellectives avec les sensitives, qui est propre au panthéisme.

Les éclectiques prétendent que, sans le secours de la psychologie, l'ontologiste est réduit à marcher au hasard et à tâtons, avec un grand danger de perdre la bonne voie (*).

(*) COUSIN, Frag. phil. 1838, tom. 1, p. XVIII et pass.

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