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catéchisme à la façon des cartésiens, qui commencerait par doute, ou procéderait par simple analyse, serait une monstruosité. L'Eglise, en proportionnant à l'esprit des enfants et des hommes grossiers cette marche méthodique, qui est aussi celle du savoir le plus élevé, a prouvé qu'elle connaissait profondément notre nature, et qu'elle tenait à conserver soigneusement son noble rang et ses priviléges. Elle prend l'homme encore tendre et sans instruction, et le transportant tout d'un trait, de sa main puissante, au sein de Dieu, elle lui montre l'univers rangé à ses pieds, et devant lui l'éternité qui l'attend; elle lui révèle le premier principe et la fin dernière des choses, la chute et la rédemption de l'homme, son sort sur la terre, les devoirs qu'il a à remplir, les périls qu'il a à vaincre, les douleurs qu'il doit supporter, les moyens qu'il lui faut employer pour sortir victorieusement de l'épreuve à laquelle il est soumis, et la béatitude qui sera le prix de ses travaux. De cette manière, le néophyte assiste en esprit à l'œuvre divine, et en contemple les progrès successifs, selon la manière même que Dieu emploie pour les effectuer. De cette correspondance des deux ordres, qui est propre à la synthèse catholique, naît cette vive lumière de l'évidence et cette ferme persuasion, qui suppléent au défaut d'un savoir plus vaste et plus parfait, et qui suffisent pour produire, même chez les simples, les miracles de la foi et de la charité chrétienne.

Cette manière de procéder est la seule raisonnable dans toute espèce d'enseignement spéculatif; et il n'est pas néces saire d'en exclure l'analyse, pourvu qu'elle soit précédée et dirigée par la synthèse. Et cela n'est pas moins applicable dans l'éducation que dans l'instruction; car la pédagogie ne peut être parfaite, si elle n'est pas ontologique dans la théorie comme dans la pratique. Mais aujourd'hui le psychologisme a vicié intrinsèquement l'action comme la pensée, la société

comme la science, et il n'y a aucune partie des choses humaines qui soit pure du fatal venin. Et en effet, les systèmes des gouvernements négatifs, de la souveraineté du peuple, des dominations absolues et despotiques, et autres semblables, bien qu'opposés les uns aux autres en apparence, sont l'application d'un seul et même principe, c'est-à-dire du sensisme et du psychologisme à la politique; de sorte que les gouvernements, qui devraient être la civilisation personnifiée et la raison sociale, deviennent l'instrument de la force, de la barbarie, de la corruption.

Les sujets que nous venons de traiter répondent à la question indiquée en tête de ce chapitre. Nous avons vu que les causes objectives de la décadence actuelle des sciences philoso phiques se réduisent à deux, savoir: à l'altération des principes et à l'égarement de la méthode, c'est-à-dire au sensisme et au psychologisme. Comme ces deux hérésies ont leur principe dans un désordre supérieur, c'est-à-dire dans l'obscurcissement, ou dans la négation des concepts idéaux, nous devons, pour compléter notre travail, examiner en quoi consistent intégralement ces concepts. Mais avant de mettre la main à cette difficile entreprise, qu'il nous soit permis de résumer en peu de mots les points principaux de notre discussion.

L'esprit humain, dès le premier exercice qu'il fit de ses forces, en tant qu'être pensant, connut l'Idée comme principe de connaissance, en la saisissant par une intuition immédiate, qui est l'effet de l'Idée elle-même comme principe créateur. Ensuite il la repensa et la développa à l'aide de la parole, et la révélation de la parole fut l'institution de la philosophie. Mais quand il fut déchu de sa perfection originelle, l'Idée s'obscurcit, la parole s'altéra, l'unité de notre genre s'affaiblit, et hors la race élue, les générations mortelles perdirent

l'intégrité et la pureté de cet enseignement primitif et divin. Toutefois la tradition ne s'éteignit pas encore dans leur sein, et elle conserva quelques restes de la vérité idéale, qui transmis de siècle en siècle, et de nation à nation, furent les bases de cette sagesse antique qui brilla chez les peuples païens. L'Idée faite-homme (*) rendit au langage humain sa perfection native, et ramena la connaissance rationnelle à sa première splendeur. Le christianisme enfanta une philosophie nouvelle qui laissait à une grande distance derrière elle la sagesse mesquine des Gentils, à l'aide de la connaissance intégrale de la vérité qu'elle renfermait. Mais la semence divine n'eut ni l'espace, ni le temps convenable pour fleurir et fructifier; parce que la nécessité de protéger la vérité divine contre les paradoxes et les sophismes de l'hérésie, ne permit pas aux Pères de l'Eglise de s'appliquer ex-professo aux recherches philosophiques, bien que quelques-uns d'entre eux se soient livrés, en passant, å de hautes et profondes spéculations.

Dans l'époque suivante, celle des Scolastiques, la barbarie rompit en plusieurs points le fil de la tradition scientifique, et dépouilla les sciences spéculatives des secours de l'érudition dont elles ont besoin. Cependant quelques grands génies montrèrent dans les deux époques que la source du savoir, c'est-à-dire l'Idée, était pure et intacte; et la civilisation croissante, qui nourrissait le précieux germe, l'aurait bientôt conduit à sa maturité, sans l'œuvre de Luther qui l'étouffa dans la religion de la motié de l'Europe, et celle de Descartes, qui l'exila de la philosophie du monde chrétien.

Ces deux hommes célèbres, en dissipant, autant qu'il était en eux, le double patrimoine de la sagesse humaine et de la sagesse divine, et en le détruisant jusque dans ses fondements,

(*) D'après le sens que je donne au mot Idée, l'expression Idée faite-homme est parfaitement orthodoxe, comme on le verra plus loin.

150 INTRODUction a l'étuDE DE LA PHILosophie.

ont ralenti les progrès naissants de la civilisation moderne ; d'où l'on peut voir si c'est avec raison qu'ils sont regardés et admirés comme des hommes supérieurs. Descartes bannit toute tradition religieuse et scientifique; se fit sceptique afin de croire; nia l'Idée, et se mit en devoir de la refaire à l'aide du sens intérieur. Cette tentative téméraire enfanta le psychologisme et le sensisme, qui sont comme deux jumeaux en un même corps, et desquels sortirent peu après le matérialisme, le fatalisme, l'immoralisme, l'athéisme, l'idéalisme, le panthéisme, le scepticisme, et les autres monstruosités ou sottises de la philosophie moderne, qui ont ruiné la science en la éduisant à sa nullité actuelle.

La philosophie est morte, ou pour mieux dire, la vraie philosophie ne vit plus ailleurs que dans la religion. C'est là que doit la chercher quiconque veut encore avoir l'avantage de jouir de sa lumière; car celle qu'on enseigne aujourd'hui est une vaine ombre, un fantôme trompeur, qui ne peut être du goût des esprits virils et habitués à n'être satisfaits que de la vérité. Mais la religion ne nous fournit autre chose que les éléments intégrants de la philosophie, c'est-à-dire les principes et la méthode : le reste doit être l'œuvre de l'esprit et des études. Pour restaurer les sciences philosophiques, il est donc nécessaire de ressaisir le fil rompu de la tradition, de rasseoir la science sur l'idée légitime et chrétienne, en reprenant le travail scientifique conformément à la teneur de cette dernière. Mais l'Idée chrétienne est-elle vraiment identique à l'Idée rationnelle? Et en quoi consiste substantiellement l'Idée? — La solution de ces problèmes fera la matière du chapitre suivant.

CHAPITRE QUATRIÈME.

DE LA FORMULE IDÉALE.

d'un

J'appelle formule idéale une proposition, qui exprime l'Idée d'une manière claire, simple et précise au moyen jugement. Comme l'homme ne peut penser sans juger, il ne lui est pas donné de penser l'Idée, sans faire un jugement dont l'expression est la formule idéale. Celle-ci doit se composer de deux termes joints ensemble par un troisième, conformément à la nature de tout jugement, et elle ne doit pécher ni par défaut ni par excès. Elle pécherait par défaut, si elle ne contenait pas tous les éléments intégrants de l'Idée, c'est-àdire, si toutes les notions qui tombent sous l'esprit de l'homme ne pouvaient synthétiquement se ramener à quelqu'un des éléments de cette formule. Elle pécherait par excès, si elle

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