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A propos de Leibniz, je me rappelle qu'il tourne plaisamment en ridicule l'opinion des cartésiens sur la mutabilité des essences; mais il la trouve si absurde qu'il doute si Descartes, en la professant, a bien réellement parlé sérieument (*).

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Voici en quels termes il exprime son doute :

«Ego ne hoc quidem mihi persuadere possum, Cartesium » ita serio sensisse, quamvis sectatores credulos habuerit, qui magistrum bona fide secuti sunt, quo ipse duntaxat ire » simulabat; crediderim hic astum aut stratagema philosophicum Cartesii subesse, captantis aliqua effugium, uti, » dum viam reperit negandi terræ motum, cum tamen esset Copernico devotissimus. Suspicor, virum ad insolitum >> alium loquendi modum a se invectum respexisse, quo di» cebat, adfirmationes et negationes, et universim interna judicia, operationes esse voluntatis. Atque hoc artificio » veritates æternæ quæ ad auctoris hujus temporą fuerant » intellectus divini objectum, extemplo voluntati ejus objici cœperunt. Atqui actus voluntatis, sunt liberi. Ergo Deus est » causa libera veritatum. En tibi nodi totius salutionem. » Spectatum admissi..... Exigua significationis vocum innovatio » omnes has turbas peperit. Verum si veritatum necessariarum » adfirmationes forent actiones voluntatis perfectissimi spiri» tus, actiones hæ nihil minus forent quam liberæ; nihil » enim hic est quod eligatur (**).»

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Leibniz est trop bienveillant, comme je crois l'avoir prouvé, et le spectatum d'Horace est encore trop peu.

NOTE 25.

Pour se faire une idée juste de la philosophie socratique et platonicienne, il faut la considérer comme un

(*) Tentam. Theod., no 185.

(**) Ibid., no 186.

retour

rationnel vers la religion primitive, c'est-à-dire vers l'antique enseignement des prêtres. Si au contraire on la regarde, selon l'usage des interprètes modernes, comme un pur travail de l'intelligence individuelle, on n'en peut comprendre la véritable signification, et l'on doit accueillir comme plausibles les interprétations les plus absurdes. C'est ainsi, par exemple, que M. Cousin n'a pas pris l'idée de l'Eutiphron, qu'il croit exprimer une sorte de conflit entre la philosophie morale et abstraite, telle que l'entendent les modernes et spécialement Kant, et la religion positive (*). Tandis que ce dialogue représente la lutte de la vraie religion contre la fausse, de la morale ontologique du monothéisme révélé contre la morale psychologique et variable du polythéisme. Le Saint de Platon et de Socrate n'est point l'Honnête abstrait des modernes, mais l'Honnête concret, c'est-à-dire le Divin considéré dans la conscience. Quand Socrate disait que le bien n'est point saint parce qu'il plaît à Dieu, mais qu'il plaît à Dieu parce qu'il est saint, il n'opposait point à Dieu une idée abstraite; mais à l'idée véritable de Dieu, il opposait une notion fausse de ce même Dieu. Socrate, en effet, oppose la Divinité véritable, c'est-à-dire l'Etre, aux dieux d'Eutiphron, qui ont la raison. des existences, et sont les forces de la nature personnifiées. Les philosophes qui l'ont précédé avaient cherché le Divin dans la nature; Socrate le cherche dans la conscience, et en cela il semble se distinguer des Pythagoriciens et des Eléatiques. Mais s'il change pour ainsi dire le lieu de ses investigations, l'objet n'en est pas moins toujours le même ; et croire que la base de sa philosophie est purement subjective, et qu'il part de la morale absolument psychologique, c'est, selon moi,. méconnaître la véritable intention du grand sage d'Athènes. L'ontologie de la morale est le point d'où part le principe de la philosophie socratique, comme les doctrines antérieures. prennent leur origine dans l'ontologie de la nature.

(*) Euv. de Platon, tom. I, P. 3-7.

NOTE 26.

Nous avons vu ailleurs que Descartes admet dans l'homme certaines idées innées qui n'ont aucune valeur hors de l'esprit. Son opinion, à cet égard, se trouve clairement exprimée dans ce passage des Principes:

▾ De même, le nombre que nous considérons en général............ » n'est point hors de notre pensée, non plus que toutes ces » autres idées générales que, dans l'école, on comprend sous > le nom d'universaux, qui se font de cela seul que nous nous » servons d'une même idée pour penser à plusieurs choses particulières qui ont entre elles un certain rapport. Et lors» que nous comprenons sous un même nom les choses qui » sont représentées par cette idée, ce nom est aussi univer» sel (*). »

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Descartes est donc conceptualiste, c'est-à-dire partisan d'une opinion qui est essentiellement une espèce de nominalisme. Il est donc évident que ses idées innées diffèrent totalement de celles de Platon.

NOTE 27.

Thomas est vraiment très plaisant lorsque, après avoir porté jusqu'aux nues les erreurs fondamentales de Descartes et sa pitoyable méthode, il ajoute avec un mouvement oratoire Ferai-je voir ce grand homme, malgré la circonspec» tion de sa marche, s'égarant dans la métaphysique, et créant » son système des idées innées (**) ? »

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Telle est la portée philosophique de ce rhéteur, que le seul tort de Descartes est, selon lui, d'avoir mêlé à son système quelques parcelles de vérité. Mais n'est-ce pas une belle

(*) Les Princ. de la Phil, part. 1. (**) Eloge de Descartes.

Euv. tom. III, p. 99, 100.

invention de rhéteur que de nous parler de la circonspection de la méthode la plus téméraire et la plus inconsidérée qui soit jamais sortie de l'esprit d'un homme? Du reste, Thomas nous donne un échantillon suffisant de sa force philosophique quand il nous dit que les systèmes métaphysiques de Leibniz « sem. » blent plus faits pour étonner et accabler l'homme, que pour » l'éclairer. » Peu de livres sont aussi capables d'étonner et d'accabler le lecteur que celui de cet écrivain peu naturel qui, du reste, soit dit pour rendre hommage à la vérité, — était un des meilleurs hommes de son temps.

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NOTE 28.

De dire je pense, donc je suis, ce n'est pas prouver propre>ment l'existence par la pensée, puisque penser et être pen» sant est la même chose; et dire je suis pensant est déjà dire » je suis. Cependant vous pouvez exclure cette proposition du » nombre des axiomes avec quelque raison, car c'est une pro» position de fait, fondée sur une expérience immédiate, et ce » n'est pas une proposition nécessaire, dont on voie la néces» sité dans la convenance immédiate des idées. Au contraire, » il n'y a que Dieu qui voie comment ces deux termes moi et » l'existence sont liés, c'est-à-dire pourquoi j'existe (*). »

NOTE 29.

Le dix-neuvième siècle est, quoi que disent et que croient beaucoup de personnes, la légitime continuation du précédent, non moins par la légèreté des esprits, la frivolité du savoir, l'égoïsme des cœurs, la bassesse des sentiments, que par le sensisme qui prédomine dans la pratique et dans la spécula

LEIBNIZ. Nouv. ess, sur l'Entend. hum., liv. 4, chap. 7.

tion, dans les sciences et dans les lettres. La mode et le besoin de nouveautés poussent, il est vrai, beaucoup de personnes à crier contre le siècle dernier et à se mettre en quête de nouveaux systèmes pour renouveler le vieil édifice encyclopédique; mais si les apparences varient, la substance n'en est pas moins toujours la même. Le psychologisme et le sensisme dominent en philosophie et en religion: Jouffroy et Cousin sont, pour ce qui regarde le principe général de leur philosophie, disciples de Condillac, comme Condillac l'était de Locke et Locke de Descartes. L'importation en France des idées écossaises et germaniques a peu servi à modifier essentiellement l'ordre et la marche des sciences spéculatives, puisque celles-ci étaient viciées même dès leur origine. Et s'il y a quelque différence entre les deux siècles, je crois qu'elle n'est pas à l'avantage de nos contemporains; car autant les écrivains du dix-huitième sont inférieurs à ceux du dix-septième, autant quelques-uns d'entre eux l'emportent sur ceux de notre époque. J.-J. Rousseau et Montesquieu ne sont pas à comparer à Pascal et à Bossuet; mais quel est l'écrivain français de nos jours qui, pour l'esprit, l'éloquence, la force logique, et même l'habileté dans les paradoxes, puisse être mis en parallèle avec ceux qui ont écrit le Contrat Social et l'Esprit des Lois?

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NOTE 30.

Je me rappelle toujours le ridicule auquel s'est exposé Sénèque en prenant la peine de réfuter les Stoïciens qui › avaient prétendu autrefois que les vertus fondamentales étaient » des animaux. Qu'on examine de près cette absurdité toute

grossière, toute incroyable qu'elle paraît au premier coup» d'œil, et l'on trouvera qu'elle n'est pas plus déraisonnable » que les différents dogmes qui, de nos jours, ont reçu » l'approbation des savants (*). >> Cela est vrai surtout, s'il

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(*) STEWART. ESs. phil., trad. par Huret, Ess. 4.

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