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s'agit des opinions et des dogmes qui ont cours dans les sciences philosophiques.

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NOTE 31.

« Ce qu'il faut aux jeunes gens, Messieurs, ce sont des livres savants et profonds, même un peu difficiles, afin qu'ils » s'accoutument à lutter avec les difficultés, et qu'ils fassent » ainsi l'apprentissage du travail et de la vie; mais en vérité c'est pitié que de leur distribuer sous la forme la plus réduite » et la plus légère quelques idées sans étoffe, de manière à ce qu'en un jour un enfant de quinze ans puisse apprendre ce petit livre, le réciter d'un bout à l'autre, et croire savoir quelque chose de l'humanité et du monde. Non, Messieurs, >> les hommes forts se fabriquent dans les fortes études; les jeunes gens qui, parmi vous, se sentent de l'avenir, doi» vent laisser aux enfants et aux femmes les petits livres et » les bagatelles élégantes : ce n'est que par l'exercice viril de » la pensée que la jeunesse française peut s'élever à la hauteur » des destinées du dix-neuvième siècle (*).

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J'ai voulu rapporter ces belles et sages paroles de M. Cousin, tant parce qu'elles me paraissent dignes d'être entendues et méditées par la jeunesse de l'Italie comme par celle de France, que parce qu'on ne saurait condamner d'une manière plus expresse cette rage de généraliser au hazard, et cette fausse philosophie de l'histoire, qui sont aujourd'hui en vogue dans tous les pays civilisés de l'Europe.

NOTE 32.

Napoléon mourut en catholique, ce qu'il faut attribuer, si nous en croyons M. Thiers, à ce que quoique élevé en

(*) COUSIN. Introd, à l'hist. de la Phil., leçon 11.

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» France, il était né au milieu de la superstition italienne; il » ne partageait pas ce dégoût de la religion catholique si pro» fond et si commun chez nous à la suite du dix-huitième » siècle (*). » Ce passage est vraiment merveilleux, et m'en rappelle un autre de Tacite, auquel l'historien français ne peut me savoir mauvais gré d'être comparé, -où, après avoir écrit ces belles paroles au sujet des Juifs : « Les Egyptiens » adorent la plupart des animaux et les effigies qu'ils ont ⚫ fabriquées. Les Juifs ne reconnaissent qu'un Dieu, et par » la pensée seulement; ils disent que ceux-là sont profanes » qui, avec des matières périssables, forment des divinités à » l'image de l'homme, que leur Dieu est le Dieu suprême, » éternel, immuable, impérissable. Aussi ne souffrent-ils » aucun simulacre dans leurs villes et bien moins dans leurs temples; ils refusent cette adulation à leurs rois, cet hon» neur aux Césars (**); » il traite leur culte de superstition, et regrette qu'Antiochus Epiphane n'ait pu le détruire en y substituant l'idolâtrie grecque (***). Et un peu plus loin il répète que les juifs forment une nation superstitieuse et non pas religieuse; et pourquoi? parce qu'elle croirait un crime de conjurer les prodiges par des vœux ou par des sacrifices (****), selon l'usage des Gentils.

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Ce serait une chose très instructive et très curieuse d'apprendre ce que c'est que la superstition, d'après Tacite et M. Thiers, et par quels arguments on pourrait prouver que la qualité désignée par ce mot ne doit pas être attribuée à la religion d'Antiochus, de Chaumette, de Catherine Théot et de Larevellière-Lepaux, mais bien à celle de Moïse, du Christ, de Pierre et de ses successeurs. Du reste, M. Thiers est assez large en fait de religion, et il paraît qu'il ne voit aucune diffé

(*) Hist, de la rév, franç., direct., ch. 5, tom. III, p 465.

(**) TACITE. Hist. liv. V, ch. 5.

(***) Ibid., ch. 8.

(****) Ibid., ch. 13.

T. II.

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rence essentielle entre le culte catholique et celui de 1793. En effet, après avoir décrit une des graves et dignes solennités célébrées à cette époque en l'honneur de la déesse Raison, il· fait les réflexions suivantes : « Quand le peuple est-il de >> bonne foi? Quand est-il capable de comprendre les dogmes qu'on lui donne à croire? Ordinairement que lui faut-il? >> De grandes réunions qui satisfassent son besoin d'être › assemblé, des spectacles symboliques où on lui rappelle sans » cesse l'idée d'une puissance supérieure à la sienne, enfin » des fêtes où l'on rende hommage aux hommes qui ont le plus » approché du bien, du beau, du grand, en un mot des tem» ples, des cérémonies et des saints. Il avait ici des temples, » la Raison, Marat et Lepelletier. Il était réuni, il adorait une puissance mystérieuse, il célébrait deux hommes. Tous ses >> besoins étaient donc satisfaits, et il n'y cédait pas autrement qu'il n'y cède toujours (*). »

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Ce fragment me paraît d'un comique parfait. Placer l'atroce Marat, que M. Thiers appelle ailleurs (**) un homme épou vantable, au nombre de ceux qui ont le plus approché du bien, du beau et du grand, et même parmi les saints, et ne faire aucune distinction entre le culte du Christ et celui d'un monstre, c'est vraiment une merveille unique et qui peut servir à juger la portée d'un ouvrage et d'un auteur. Ex ungue leonem.

NOTE 33.

Je ne citerai à l'appui de ce que je dis que deux passages de Jouffroy, où se montre de la manière la plus manifeste l'impuissance du psychologisme à établir quelque chose de vrai, même dans l'ordre relatif de l'homme. En discourant sur les bases du droit naturel, il passe en revue les divers ordres de

(*) Convention nationale, ch. 15, tom. II, p. 376.

(**) Assemblée légis., ch. 4, tom. I, p. 267.

faits moraux, qui se trouvent dans notre nature, et après avoir énuméré les instincts et les idées du plaisir, de l'utile, du bonheur et de l'intérêt qui se trouvent réunis dans l'état, qu'il appelle égoïsme, il s'exprime ainsi :

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« Nous ne sommes pas encore arrivés, Messieurs, à l'état qui mérite particulièrement et véritablement le nom d'état » moral. Cet état résulte d'une nouvelle découverte que fait la » raison, d'une découverte qui élève l'homme des idées géné» rales qui ont engendré l'état égoïste, à des idées universelles » et absolues. Ce nouveau pas, Messieurs, les morales inté⚫ressées ne le font pas. Elles s'arrêtent à l'égoïsme. Le faire » c'est donc franchir l'intervalle immense, l'abîme qui sépare » les morales égoïstes des morales désintéressées (*). »

Voici maintenant comment la raison fait ce pas qui crée la vertu gratuite et la vraie morale:

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Echappant à la considération exclusive des phénomènes individuels, elle conçoit que ce qui se passe en nous se » passe dans toutes les créatures possibles, que toutes ayant » leur nature spéciale, toutes aspirent en vertu de cette nature » à une fin spéciale, qui est aussi leur bien, et que chacune » de ces fins diverses est un élément d'une fin totale et der» nière qui les résume, d'une fin qui est celle de la création, » d'une fin qui est l'ordre universel, et dont la réalisation » mérite seule, aux yeux de la raison, le titre de bien, en remplit seule l'idée, et forme seule avec cette idée une équation évidente par elle-même, et qui n'ait pas besoin » d'être prouvée. Quand la raison s'est élevée à cette concep» tion, c'est alors, Messieurs, mais seulement alors, qu'elle a » l'idée du bien; auparavant elle ne l'avait pas. Elle avait, par » un sentiment confus, appliqué cette dénomination à la satis» faction de notre nature; mais elle n'avait pu se rendre » compte de cette application, ni la justifier. A la lumière de » sa nouvelle découverte, cette application lui devient claire

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(*) Cours de droit nat, leçon 2; tom, I, p. 45.

» et se légitime. Le bien, le véritable bien, le bien en soi, le » bien absolu, c'est la réalisation de la fin absolue de la création, c'est l'ordre universel. La fin de chaque élément de la » création, c'est-à-dire de chaque être, est un élément de > cette fin absolue. Chaque être aspire donc à cette fin absolue » en aspirant à sa fin; et cette aspiration universelle est la vie » universelle de la création. La réalisation de la fin de chaque >> être est donc un élement de la réalisation de la fin de la » création, c'est-à-dire de l'ordre universel. Le bien de chaque » être est donc un fragment du bien absolu, et c'est à ce titre » que le bien de chaque être est un bien; c'est de là que lui » vient ce caractère; et si le bien absolu est respectable et » sacré pour la raison, le bien de chaque être, la réalisation de » la fin de chaque être, l'accomplissement de la destinée de >> chaque être, le développement de la nature de chaque être, » la satisfaction des tendances de chaque être, toutes choses » identiques et qui ne font qu'un, deviennent également sacrés » et respectables pour elle (*). »

Il suit de ce passage que, selon Jouffroy, 1o la morale doit avoir un motif, c'est-à-dire une fin absolue; 2o que cette fin absolue est l'ordre universel. Mais je demande comment on peut affirmer que l'ordre universel renferme le concept de l'absolu. Le tout ne peut être d'une nature essentiellement différente de celle de ses parties. Si chaque partie du monde a seulement une valeur relative, leur ensemble ne peut avoir une valeur absolue, dans le sens métaphysique que l'on donne à ce mot, c'est-à-dire une valeur apodictique, nécessaire, éternelle, immuable. Le panthéiste seul, qui déifie l'univers, peut affirmer le contraire; mais si on considère cela comme une œuvre de Dieu, il est trop contradictoire de lui attribuer les propriétés et les priviléges de l'essence divine. L'ordre universel ne peut donc pas mieux servir de fondement à la morale que les ordres particuliers, que le plaisir, l'utile, le

(*) Cours de droit nat., leçon 2, tom. I, p. 46, 47.

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