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les logiciens, et dont il se sert souvent lui-même (*). Dira-t-il que nous l'employons mal? Mais, dans ce cas, nous lui saurons gré qu'il corrige l'erreur dans laquelle nous sommes involontairement tombé, et qu'il nous montre le vice de notre raisonnement.

CHAPITRE SECOND.

L'ÈTRE IDÉAL DE ROSMINI EST OBJECTIF ET ABSOLU, BIEN QU'IL SE

DISTINGUE DE DIEU.

Nous avons vu dans les passages cités, et notamment dans le dernier, comment l'illustre auteur, au moment même où il refuse à l'être idéal toute subsistance réelle hors de l'esprit, affirme cependant qu'il est d'une certaine manière objectif, et n'est pas une modification de ce même esprit. Nous avons aussi remarqué comment cette objectivité, entée sur la pure. subsistance du sujet, ne peut être qu'apparente, et que Rosmini a été trompé par la même équivoque sur laquelle se fonde l'erreur principale du Kantisme. L'auteur de ce dernier système a prétendu éviter le scepticisme en admettant un noumène objectif; mais c'est en vain; car, ce noumène ne pouvant être reconnu que par le moyen d'un concept, et tout concept étant, dans son système subjectif, le noumène ne peut avoir une plus grande valeur. Or, on peut tourner le même raisonnement. contre Rosmini, qui, refusant à son être idéal toute subsistance hors de l'esprit, lui donne une objectivité seulement apparente, en ce qu'elle se fonde toute entière sur le sujet. Cependant le philosophe italien a trop de pénétration, son esprit est trop profondément religieux, pour qu'il ne s'aperçoive pas du danger de cette doctrine, et qu'il ne la rejette pas, quand elle se présente à lui dans toute sa nudité. De là vient un nouvel

(*) Nouv. essai, tom. II, p. 60, 61. Il Rinn. della Fil, p. 413.

ordre de contradictions, un nouveau genre de périls que nous exposerons dans le présent chapitre. Dans le précédent, nous avons vu l'insubsistance de l'être idéal conduire, par la force de la logique, au nullisme; dans celui-ci, nous montrerons que son objectivité, dans le sens de Rosmini, conduit au panthéisme, et que cet auteur n'a pu éviter ce second écueil, comme le premier, qu'en accumulant les sophismes et les contradictions, aussi honorables pour ses sentiments que préjudiciables au crédit de son système.

Rosmini établit d'abord l'objectivité de l'être idéal (*), et rejette expressément la doctrine contraire d'Emmanuel Kant, qu'il accuse d'ouvrir le chemin au scepticisme (**). Mais il est important ici de rechercher, si en attribuant l'objectivité à l'être, il parle toujours de cette objectivité insubsistante et trompeuse, dont nous parlions tout à l'heure, et qui est certainement incapable de rabattre les prétentions et de réfuter les objections des sceptiques; ou bien, si par hasard il n'entendrait point parler d'une objectivité véritable, laquelle ne consiste et ne peut consister que dans une subsistance indépendante du sujet, puisque, être objectif et subsister objectivement, c'est tout un. La recherche que nous proposons se réduit donc à savoir si l'illustre auteur, entraîné par le désir et le besoin d'éviter le scepticisme, ne perd pas quelquefois de vue ce qu'il a déjà dit, et ne se décide pas à donner à son être idéal une objectivité véritable, en le faisant subsister réellement hors de l'esprit. Or, le lecteur pourra se convaincre qu'il en est ainsi, en portant son attention sur les passages sui

vants :

« Outre ce mode d'être qu'ont les choses subsistantes et que » nous appelons réel, il y en a un autre entièrement distinct que nous appelons idéal. En effet, l'étre idéal est une certaine * entité d'une nature toute particulière, qui ne se peut con

(*) Nouv. essai, tom. II. p. 24, 25; tom. III, p. 36-52. (**) Ibid., tom. I, p. 285-363; tom. II, p. 57, 58.

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» fondre, ni avec notre esprit, ni avec les corps, ni avec » aucune autre chose qui appartienne à l'être réel. Ce serait » donc une très grave erreur de croire que l'être idéal, ou » l'idée, fût nulle, parce qu'elle n'appartient pas à ce genre » de choses qui entrent dans nos sentiments. Bien plus, l'être » idéal, l'idée, est une entité très vraie et très noble; et » nous avons vu de quels sublimes caractères elle est douée. » Il est vrai que nous ne pouvons en donner une définition; » mais nous pouvons l'analyser, ou dire d'elle ce qu'elle nous fait éprouver, c'est-à-dire qu'elle est la lumière de > l'esprit (*). »

L'auteur exclut ici la réalité et la subsistance de l'être idéal ; non pas, autant du moins que je puis l'apercevoir, toute réalité et toute subsistance, mais celles seulement qui naissent de nos sentiments. En prenant la chose sous ce point de vue, il s'ensuivrait que l'être idéal a une subsistance et une réalité propre à lui, différente de celle des autres choses, des choses crées qui se manifestent à nous comme actuelles et subsistantes, en tant qu'elles produisent en nous, comme termes de leur activité, des sentiments et des sensations. Cette explication me paraît légitimée par cet autre passage de l'auteur :

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• Quand nous voyons l'être idéalement, nous ne voyons > point la subsistance de l'être, - excepté celle qui appartient proprement à l'être idéal; l'être idéal n'est donc » pour nous qu'un projet, un dessin de l'être; et quand nous éprouvons des sentiments, nous nous apercevons de quelques modes, limités cependant, dans lesquels se réalisé cet » être qui n'était d'abord qu'en projet. Mais nous ne voyons point l'entière et absolue réalisation de cet être, nous ne » voyons point pleinement exécuté le dessin que nous aper>>>> cevions dans l'être idéal (**). »

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Donc l'être idéal a une subsistance qui lui est propre ; done

(*) Nouv. essai, tom. II, p. 135.

(**) Il Rinnov, della Filos. p. G20.

la subsistance qu'il exclut est seulement celle des modes limités, qui nous sont manifestés par le sentiment, et dans lesquels elle se réalise; donc nous avons une sorte de connaissance de la subsistance de cet être, quoique très imparfaite, et se présentant à nous plutôt comme un dessin, une esquisse, un fil élémentaire que toute autre chose. Certes, entre cette subsistance imparfaite, et l'insubsistance objective totale des passages cités dans le chapitre précédent, il y a quelque diffé

rence

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Notre philosophe dit ailleurs : « L'être qui reluit à notre esprit ne se présente point à lui comme substance, c'est-à-dire ⚫ comme un être subsistant et parfaitement accompli (*). » Or, s'il n'est point parfaitement accompli, c'est-à-dire terminé, il l'est certainement de quelque manière, et par conséquent il est de quelque manière subsistant. Remarquons, en effet, que selon la doctrine de l'auteur, la persuasion de la subsistance des choses créées est le résultat d'un jugement, par lequel la raison de l'homme accouple l'idée de l'être abstrait qui reluit à l'intellect, dont il est la forme, avec une sensation ou un sentiment, qui est la matière de la connaissance. La sensation et le sentiment sont ensuite le terme d'une activité extrinsèque qui opère dans notre ame, qui saisit la subsistance des choses, en tant que leur action se termine en elle (**). Voilà pourquoi l'être idéal doit être jugé comme insubsistant, s'il n'est pas terminé; et il doit être regardé comme non terminé, s'il n'exerce point une action sur notre esprit, comme les substances créées et les choses extérieures. Mais si au contraire l'être idéal opérait de quelque manière sur nous, il nous révélerait ses termes et se montrerait à nous doué d'une subsistance propre à lui.

> Si l'être qui reluit à nos esprits était accompli avec ses termes essentiels, ce serait alors un individu essentiellement

(*) Nouv. essai, tom. III, p. 147. (**) Ibid., tom. II, p. 109 et suiv.

» perçu par notre entendement, parce que l'être est de sa nature connaissable, plutôt que constituant la connaissance (*)......

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« Car la chose..... qui seule est connaissable dans sa subsis»tance et pour ainsi dire dans son individualité, c'est l'être » seul; parce que, relativement à lui-même, il est particulier » et individuel (**). »

Le concept de la subsistance d'une chose dépend en somme de sa terminaison, et celle-ci de son action sur notre esprit; de sorte que la subsistance d'un objet doit définitivement correspondre à son activité. Or, l'être idéal est-il complétement inactif, dans l'ordre de notre faculté de connaître?

L'être en général, pensé essentiellement par notre esprit, » est de telle nature..... que d'un côté il ne montre aucune » subsistance hors de l'esprit, et peut par conséquent recevoir » le nom d'être mental ou logique; mais de l'autre, il répugne qu'il soit une simple modification de notre esprit, et au » contraire il déploie une certaine activité relativement à laquelle notre esprit est complétement passif et assujetti ; > nous avons en lui-même la conscience que nous ne pouvons

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» rien contre l'être, que nous ne pouvons le changer le moins

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du monde, de plus, il est absolument immuable, il est l'acte de toutes les choses, la source de toutes les connaissances, » en somme, il n'a rien qui soit contingent comme nous >> sommes; c'est une lumière que nous percevons naturellement,

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mais qui nous domine, qui nous subjugue et nous ennoblit » en nous assujettissant entièrement à elle. En outre, nous » pouvons penser que nous n'existons point; mais il serait impossible de penser que l'être en général, c'est-à-dire la possibilité, la vérité, ne fût point. Avant moi, le vrai était vrai, le faux était faux, et il est impossible qu'il y ait jamais un temps où il en soit autrement. Est-ce le néant? Non, » certainement; car le néant ne me contraint pas, ne me

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(*) Nouv. essai, tom. III, p. 147.

(**) Ibid., p. 148, not.

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