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prétend la remplacer, prononce, en faisant schisme, sa propre condamnation. En effet, si l'intégrité de la vérité idéale avait péri ou pouvait périr, dans les mains de l'Eglise choisie par Dieu pour la conserver, il ne serait plus possible de la faire revivre. L'homme peut développer l'Idée qu'il a reçue, mais il ne peut la retrouver; il peut la posséder, non comme une invention à lui propre, mais comme une doctrine externe. Aussi la téméraire hardiesse de ceux qui se révoltent contre l'Eglise est-elle punie par Dieu avec une justice terrible, c'està-dire par la perte de ce même bien auquel les imprévoyants novateurs ont la présomption de parvenir. L'hérésiarque veut retrouver la vérité, qu'il croit perdue, et il la perd en effet. De lå viennent ces perpétuelles variations des individus et des sectes qui rendent leur histoire si pénible et si affligeante, mais qui sont un effet inévitable de l'action par laquelle on a renié l'Idée et les ordres légitimes qui la représentent. Tel est l'enseignement que, depuis trois siècles, le protestantisme donne au monde par son exemple; et après avoir annoncé, dès sa naissance, la ruine prochaine de l'Eglise, il se voit lui-même près de périr. Et même, si la vie d'une secte consiste à croire en quelque chose, et à avoir une foi commune, il est mort depuis long-temps. Quel est en effet le rite qu'il n'ait pas altéré? le précepte qu'il n'ait pas corrompu? le dogme qu'il n'ait pas falsifié? le fait qu'il n'ait pas révoqué en doute? l'institution qu'il n'ait pas affaiblie ou viciée? Quel est enfin le monument et le témoignage dont il n'ait détruit ou affaibli les fondements? La meilleure réfutation de cette secte est dans ses doctrines. Au milieu de cette confusion, de cette discorde des opinions et des systèmes qui se détruisent tour-àtour, et ne laissent pas même une seule vérité debout au milieu des ruines, il est doux et consolant de reporter ses yeux sur l'Eglise catholique, toujours conforme à elle-même et

conservatrice infaillible du dépôt confié à sa garde; pareille à un navire arrêté au milieu d'une mer orageuse, qui voit avec douleur au loin le naufrage des vaisseaux qui se sont séparés de lui, mais qui tranquille et rassuré pour lui-même, parce qu'il a la foi pour boussole et le vicaire du Christ pour pilote, défie les flots courroucés et se rit des tempêtes (5).

L'Eglise est en outre propagatrice de la doctrine de l'Idée, et sous ce rapport sa loi est le mouvement; mais un mouvement sage et réglé, qui a son principe dans la stabilité, et est comme la paisible expension d'une force qui se meut du centre vers la circonférence. Le terme de ce mouvement est l'universalité des hommes, à laquelle l'Eglise aspire, pour la renfermer dans son sein et lui rendre avec l'Idée l'unité qu'elle a perdue. Le principe c'est Rome, prédestinée par la Providence à un empire universel et perpétuel qui s'étend jusqu'aux parties les plus reculées de l'univers, par l'action bien concertée des ordres hiérarchiques, qui sont comme les roues d'une vaste machine, mise en mouvement par un seul moteur. L'Idée incarnée est le centre invisible de ce grand ensemble, le principe-maître d'où provient l'immense vigueur dont il est pourvu, et surtout cette fécondité qui est universellement le privilége des missions catholiques. C'est certainement en partie l'effet de la hiérarchie ecclésiastique, qui, par sa composition, unit la fermeté à l'activité, et la célérité à la force dans ses propres opérations. Mais il faut en attribuer la cause principale à la prérogative catholique de posséder la vérité parfaite. La force de la vérité, quand elle est aidée de l'influence divine, qui la fait pénétrer dans les esprits et dans les cœurs, est unique et incomparable; parce que l'Idée est comme le soleil des esprits, qui par sa vertu attractive les amène doucement à lui et les entraîne puissamment dans son orbite. Les sectes hérétiques, qui ne possèdent qu'une vérité altérée sont privées d'énergie

et de vie; pareilles à des comètes, qui, soustraites à l'action du soleil, et égarées dans leur cours, errent à l'aventure dans l'espace, sans être accompagnées de satellites.

La société ecclésiastique conserve le dépôt divin, le transmet de génération en génération, et l'explique par la parole. Les formules définitives, qui sont la parole de l'Eglise, contiennent implicitement toute la vérité, mais le plus souvent elles n'en embrassent d'une manière explicite que les éléments intégrants, lesquels réunis constituent ce que j'appelle l'intégrité de l'Idée. Pour se faire une idée claire de cette intégrité, il faut remarquer qu'une vérité quelconque peut être connue d'une manière suffisante pour en tirer toutes les conséquences, qui se trouvent dans le sujet par lequel une telle vérité nous est manifestée; ou bien qu'on en peut avoir une connaissance si défectueuse qu'elle soit impuissante à produire cet effet. L'intégrité et la proportion d'un concept doivent être mesurées à l'objet de la connaissance; et par conséquent la notion de l'Idée doit être dite entière, quand elle est telle qu'on

'on en peut tirer par le raisonnement toutes les déductions utiles à la vie morale de l'homme, but de sa connaissance. La majeure partie des formules définitives établies par l'autorité ecclésiastique, se réduisent aux éléments intégrants, c'est-à-dire aux principes. Ce qui n'empêche pas cependant que les décisions canoniques n'aient encore quelquefois embrassé certaines conséquences, quand l'importance de la matière et les erreurs courantes le rendaient nécessaire.

Les éléments intégrants de l'Idée, exprimés par l'enseignement ecclésiastique, contiennent potentiellement toute la science rationnelle à laquelle l'esprit humain puisse s'élever dans cette vie. Il doit donc y avoir un instrument propre à développer ces germes et à mettre au jour les vérités qui y sont contenues; et cet instrument, c'est la science idéale, qui peut se

définir le développement successif des éléments intégrants de l'Idée. Ces éléments sont de deux sortes : les uns naturels et rationnels, les autres surnaturels et révélés. Les premiers appartiennent à l'Idée, telle qu'on peut la connaître naturellement; les seconds s'y rapportent, en tant qu'on ne peut la saisir qu'au moyen de la révélation. Ceux-là embrassent les choses intelligibles, et ce surintelligible vague, indéterminé, général, que la raison nous fait pressentir; ceux-ci comprennent les surintelligibles spécifiques, qui déterminent et concrètent cette incompréhensibilité indéfinie et générique. En affirmant que les éléments rationnels se peuvent acquérir naturellement, je n'exclus pas pour cela, même à leur égard, la nécessité de la révélation. Néanmoins, il y a entre eux et les éléments qui sont au-dessus de la nature une différence essentielle. Car les premiers ne se peuvent connaître par réflexion, sans la révélation, à cause du besoin que la pensée réflective a de la parole pour pouvoir s'exercer; cependant l'homme les admet, non pas seulement en vertu de cette parole pleine d'autorité, mais à cause de leur évidence propre, c'est-à-dire à cause de la clarté intrinsèque de l'Idée, qui reluit immédiatement à notre esprit, et dont la parole est l'occasion qui la fait briller, mais non la cause ni la démonstration. Tant s'en faut donc que la parole prouve l'Idée rationnelle, qu'au contraire celle-ci démontre l'autorité de celle-là. Cela vient de ce que l'Idée est vue immédiatement en elle-même; et on ne peut pas dire que le verbe la voile et s'interpose entre elle et notre esprit, quoique son intervention soit indispensable pour l'exciter. Au contraire, les vérités surnaturelles déperdent uniquement de la parole révélée; elles ne la prouvent pas, mais sont prouvées par elle; elles ne se voient pas par intuition, mais se croient; l'idée qu'on en conçoit est purement analogique, et celle

analogie n'est pas fondée sur l'intuition ou le raisonnement, mais sur la simple autorité de la révélation.

La science qui explique les éléments rationnels est la philosophie; celle qui développe les éléments supra-rationnels est la théologie qu'on peut appeler révélée et positive. La philosophie et la théologie réunies forment la science idéale parfaite. L'une représente le côté clair de l'Idée; l'autre en exprime le côté naturellement obscur, mais en partie éclairci par les enseignements divins. L'enseignement de la théologie, par rapport à l'Eglise, est interne; celui de la philosophie, interne et externe en même temps; l'un est sacerdotal seulement, l'autre sacerdotal et laïque de sa nature. La science révélée se renferme dans le cercle ecclésiastique, son objet ne pouvant être atteint qu'en vertu de ces enseignements dont l'Eglise est l'unique dépositaire et interprète. La science naturelle s'étend encore au-dehors, en tant que l'intelligible brille naturellement aux yeux de l'esprit et est l'héritage commun de tous les hommes. Toutefois, comme la parole est nécessaire pour saisir l'Idée rationnelle, que la parole dépend de la révé– lation, et que l'Eglise, en déterminant la parole révélée, en définit les éléments intégrants, il s'ensuit que, sous ce rapport, la philosophie est subordonnée à la science qui est sa sœur, et appartient, par une partie de ses dogmes, à la juridiction de l'enseignement ecclésiastique. La philosophie est l'explication réfléchie et libre des éléments intégrants de l'Idée, dans l'ordre de la raison; mais elle n'est ni l'inventrice ni la maîtresse de ces éléments; elle les emprunte å la révélation et par conséquent à l'enseignement officiel, et elle ne pourrait les obtenir autrement, puisqu'ils ne sont accessibles à l'esprit qu'ả l'aide d'une parole qui les exprime. Elle doit donc les conserver tels qu'ils lui sont fournis par les formules ecclésiastiques; autrement elle s'annulerait elle-même avec son propre objet.

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