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dérivation, une cause et non un effet; bien plus, elle n'est pas la propriété de la chose, dans la rigueur des termes, mais elle est la chose elle-même. Elle ne dérive point de l'esprit humain, mais de son terme absolu, elle est objective et non subjective, elle appartient à la réalité connue et non à notre faculté de connaître. Elle est par conséquent empreinte d'une nécessité objective, absolue, qui concerne sa propre nature et non l'intuition qui la contemple: elle n'emprunte rien au subjectif, et ne résulte point de la structure de l'esprit humain, selon les règles de la philosophie critique. L'évidence ne sort pas de l'esprit, mais elle y entre et le pénètre; elle vient du dehors et non du dedans; l'homme la reçoit et ne la produit point, il en jouit mais n'en est pas l'auteur. Elle jaillit des entrailles de son objet, et elle est la voix rationnelle par laquelle l'Idée atteste sa propre réalité; et l'acte même par lequel celle-ci se place en face de celui qui la contemple. Et en effet, si l'évidence est l'intelligibilité, comment pourraitelle jamais se trouver hors de l'Intelligible?

Qu'on ne croie pas cependant que l'évidence soit parfaite respectivement à nous, ou qu'elle soit possédée au même degré par tous les hommes sous le rapport de la réflexion. Comme elle est une lumière incorporelle, qui rayonne de l'objet idéal, et le rend visible à la vertu contemplative de l'esprit, il peut y avoir divers degrés de lumière et de clarté; et cette diversité ne procède point de la lumière qui est toujours identique à elle-même, mais de la disposition de la vertu contemplative, qui influe sur l'objet de la vision d'une manière négative, c'est-à-dire en diminuant plus ou moins la clarté qui l'accompagne. Quand l'esprit réfléchit sur sa propre intuition, et que la lumière qui l'éclaire est faible et débile parce qu'elle est obscurcie par l'esprit lui-même, il peut altérer la notion de l'objet; de là naît l'erreur à laquelle est sujette

toute intelligence libre et crééc. Comme l'évidence est l'Idée, et que l'Idée est absolue et éternelle, elle ne peut pas plus jouir parfaitement des autres choses que d'elle-même, et tout être fini participe à sa lumière d'une manière limitée et proportionnée à sa propre nature. Sous ce rapport, on a raison d'affirmer que la connaissance humaine se compose d'éléments subjectifs et objectifs, et que les premiers dérivent de la disposition de l'instrument cognitif, c'est-à-dire de l'esprit. Mais cette subjectivité est négative: nous ne mettons rien du nôtre dans l'objet intelligible, et tout le positif de la connaissance lui appartient; seulement, en vertu de notre capacité limitée, nous le saisissons d'une manière finie et imparfaite. Ensuite cette imperfection est de deux espèces, l'une intensive et l'autre extensive. La première concerne les degrés de la lumière intellective; la seconde les objets éclairés. Par conséquent l'Idée étant l'intelligibilité même des choses, elle s'éclaire, et avec elle l'univers, de son propre éclat, et elle est véritablement ce soleil intellectuel, dont, selon beaucoup d'anciens philosophes, le soleil matériel est comme une image ou une ombre, et plus encore une ombre qu'une image. Mais comme ce monde des choses connaissables est très vaste, et même infini en ce qui regarde l'Idée, il est évident qu'aucune intelligence créée ne peut l'embrasser dans son immensité; et cette impuissance subjective est cependant, comme l'autre, une simple privation par rapport à nous. Il en doit donc rẻsulter l'incompréhensibilité de beaucoup de choses, c'est-àdire, le surintelligible. Nous chercherons ailleurs le principe intime de ce concept mystérieux, ses relations et ses influences sur toutes les parties de la science humaine. Pour à présent, il nous suffit de noter que le surintelligible a une origine purement subjective, comme naissant de l'imperfection et des limites du sujet connaisseur, et il a vraiment, hors de la

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révélation qui l'éclaire de ses dons objectifs, - ces propriétés qu'Emmanuel Kant, par une méprise singulière, attribue à son contraire, c'est-à-dire à l'intelligible. Hors de l'esprit créé, il n'y a pas de surintelligible; parce que les mystères, dans leur entité objective, soit qu'ils résident dans l'Idée, soit qu'ils en dérivent, sont éclairés de sa lumière éternelle et infinie. Le surintelligible est comme une éclipse mentale ; seulement, il faudrait pour la justesse de la comparaison, supposer que le corps interposé entre l'œil et le soleil est dans l'œil même, c'est-à-dire dans l'esprit ; et l'interposition ainsi que l'obscurité qui en résultent durent au moins autant que la vie organique. L'imperfection extensive de la connaissance, de laquelle naît l'incompréhensible, se peut comparer à une petite tache qui voile seulement une partie de la pupille, mais qui produit sur ce point une obscurité absolue; tandis que l'imperfection intensive est comme une étoffe très mince qui la voile tout entière, mais qui, à cause de sa transparence, ne lui ôte pas entièrement le bénéfice de la vision, bien qu'elle la rende confuse en diminuant l'intensité et la vivacité de la lumière.

L'évidence produit la certitude, et elle est une sorte de médiateur entre celle-ci et la vérité; entre l'esprit connaisseur et l'Idée, objet de sa connaissance. Comme elle est objective, la persuasion qui en résulte est parfaite et exclut tout doute. La certitude est donc le mode selon lequel notre esprit s'approprie la vérité et l'évidence, et se répète à lui-même les prononcés affirmatifs et absolus du verbe idéal, comme des oracles divins. Aussi, quoique la certitude soit subjective, son fondement et son principe sont objectifs; et elle n'en est pas moins digne de foi que l'évidence, dont elle est, pour ainsi dire, l'écho et la répétition. Le scepticisme est donc véritablement absurde, et il ne surpasse les autres systèmes erronés qu'en

ce qu'il ne s'arrête pas à moitié chemin, comme les erreurs scrupuleuses et pusillanimes, mais atteint hardiment le faîte de la contradiction. Disons-en autant de la méthode dubitative des Cartésiens dont nous parlerons bientôt. Car, comme tout acte dubitatif emporte l'affirmation de l'Idée, vouloir rejeter ou mettre en doute, momentanément, l'Idée elle-même pour la retrouver ensuite par l'examen et par les recherches psychologiques, c'est un jeu puéril qui montre, dans celui qui s'y livre sérieusement, peu ou point d'aptitude à philosopher. L'Idée est donc primitive, indémontrable, évidente et certaine par elle-même.

La pensée se replie sur elle-même, et se double, pour ainsi dire, dans la réflexion, au moyen des signes qui sont l'instrument dont se sert l'esprit pour répéter en lui-même le travail intuitif, ou plutôt pour copier intellectivement le modèle idéal. C'est ce que nos bons écrivains anciens appelaient repenser (ripensare), et que nous appelons avec moins de propriété ou de perfection, réfléchir (rifflettere). Les signes sont comme des couleurs que nous mettons en œuvre pour figurer et représenter au naturel ce dessin de l'esprit (1); de là vient que le langage est nécessaire pour les idées réflé– chies. Mais le langage, qui ne consiste point dans les mots morts et séparés, mais dans leur composition organique et animée, a besoin d'être mis en œuvre et vivifié par la voix d'un être vivant; voilà pourquoi la parole intérieure, par laquelle l'esprit converse avec lui-même, a besoin de la parole extérieure et du commerce des hommes. La parole, quelque grossière et défectueuse qu'elle soit, contient le verbe; et comme le verbe exprime l'Idée, ou en renferme au moins le l'intellect germe, ce que nous démontrerons plus loin, pourvu de ce moyen, peut élaborer sa propre connaissance, et avec un travail plus ou moins long et difficile, développer la

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semence intellective, en découvrir les rapports intrinsèques et extrinsèques et arriver peu à peu à la conquête des autres vérités rationnelles. Ce travail réfléchi de l'esprit, c'est la philosophie, que l'on peut par conséquent définir : l'explication successive de la première notion idéale.

Ce n'est pas ici le lieu de chercher en quoi consiste la mystérieuse union de la pensée avec le langage (2). Je noterai seulement que la parole est nécessaire pour repenser l'Idée, parce qu'il est nécessaire de la déterminer. L'Idée est universelle, immense, infinie; elle est en dehors et au dedans de l'esprit; elle l'embrasse de tous les côtés; elle le pénètre intimement; elle s'unit avec lui, moyennant l'acte créatif, comme Substance et Cause première, de la même manière mystérieuse, et inexplicable que l'Etre pénètre les ouvrages qu'il produit. Il n'y a par conséquent aucune proportion entre la nature de l'esprit fini et l'objet idéal, duquel proviennent la lumière intellective et la connaissance. C'est pourquoi, à la première intuition, la connaissance est vague, indéterminée, confuse, se disperse, s'éparpille de divers côtés sans que l'esprit puisse l'arrêter, se l'approprier véritablement, et en avoir une conscience distincte. L'Idée, dans un tel état de connaissance, absorbe et domine l'esprit; bien loin que celui-ci ait la vertu de saisir et de s'incorporer l'Idée qui le domine. L'intuition secondaire, c'est-à-dire la réflexion, éclaircit l'Idée en la déterminant; et elle la détermine en la réduisant à l'unité, c'est-à-dire en lui communiquant cette unité finie, qui est propre non pas à l'Idée elle-même, mais à l'esprit créé. Par ce moyen, les rayons de la lumière idéale convergent et se réunissent dans un seul foyer, et tirent de cette convergence la lucidité et la précision qui sont propres à l'acte de repenser. Mais comment un objet infini peut-il être déterminé, comment peut-il malgré cela être connu pour infini? Cela a lieu

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