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EN GÉNÉRAL.

ENTRE les peines spirituelles que l'Eglise emploie pour corriger ses enfants désobéissants et les faire rentrer dans le devoir, les principales sont les censures. Le pouvoir d'user des censures est une portion de la puissance des clefs que Jésus-Christ a confiées

gouverne

Église en la personne de ses apôtres, en leur disant (Matt. 18. 18): Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel: tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. L'Èglise a constamment exercé ce pouvoir qu'elle a toujours regardé comme essentiel pour l'ordre et la discipline du peuple chrétien. Il étoit absolument nécessaire pour établir un bon ment dans l'Église qu'elle eût le pouvoir de prononcer des censures, pour réprimer l'insolence de ceux qui, loin d'être soumis à ses lois comme ils le doivent, les méprisent et se révoltent contre elle. Sans cela elle n'auroit pu faire observer les réglements que sa sagesse auroit faits pour procurer le salut des fidèles; son autorité auroit été foible, imparfaite et peu respectée.

La censure est une peine ecclésiastique, spirituelle, salutaire et médicinale, que l'Église dans son tribunal extérieur impose aux fidèles criminels et contumaces, pour quelque péché considérable et scandaleux, les privant en tout ou en partie de l'usage des biens qui sont en sa disposition, jusqu'à ce que les coupables se soient corrigés et aient reçu l'absolution.

On voit par cette définition que la charité étant le principe qui fait agir l'Église, lors meme qu'elle frappe plus sensiblement ses enfants, elle n'emploie pas moins les censures comme des remèdes pour guérir leurs maux que comme des peines pour punir leurs crimes; c'est pourquoi elle n'en use que contre les pécheurs obstinés; et après que, comme une bonne mère, elle les a fait avertir et menacer de la peine dont elle les punira s'ils commettent certains péchés, ou s'ils refusent d'en faire la satis¬ faction convenable les ayant déjà commis.

L'Église par les censures ne prive le pécheur que de l'usage des biens spirituels qu'elle communique à ses autres enfants, résolue de les lui rendre sitôt qu'il rentrera dans son devoir; en quoi les censures different de la dégradation et de la déposition qui par elles-mêmes sont perpétuelles.

Les biens spirituels dont on est privé par les censures ne sont ni la grâce, ni les mérites de Jésus-Christ, non plus que le fruit des prières et des bonnes œuvres des particuliers, mais les biens qui sont en la disposition de l'Église, comme le droit d'administrer ou de recevoir les sacrements, de participer aux saints mystères, aux prières publiques, aux offices divins, aux indulgences, aux bénéfices, aux dignités ecclésiastiqnes, à la sépulture en terre sainte, etc., ce que nous expliquerons plus en détail ci-après. Chaque censure ne prive pas néanmoins de tous ces biens; il n'y a que l'excommunication majeure qui ait cet effet; la suspense et l'interdit n'en privent qu'en partie.

Si l'Eglise porte quelquefois des censures contre les pécheurs qui paroissent si endurcis qu'on n'en peut espérer le changement, elle le fait pour le salut des autres, de crainte que le mauvais exemple ne les fasse tomber dans de semblables déréglements. Par cette sévérité elle donne de la terreur aux méchants, elle remédie aux scandales et elle fait connoître qu'elle ne veut pas laisser les crimes impunis. Ainsi, si le coupable ne profite pas de la censure, elle devient néanmoins salutaire aux autres.

Les censures par rapport à la manière dont elles sont portées se divisent en celles qu'on appelle à jure ou à canone, et en celles qu'on appelle ab homine.

Les censures à jure, qu'on peut appeler censures de droit, sont celles qui sont ordonnées par les lois ecclésiastiques, pour empêcher quelque péché contraire au bon ordre et à la discipline de l'Église; telles sont les censures ordonnées 1.o par le droit commun, contenues dans les canons des conciles, dans le corps du droit canonique et dans les constitutions des papes; 2.o par le droit particulier de chaque diocèse, lequel consiste dans les ordonnances synodales, dans les statuts généraux faits pour tout un diocèse, dans les statuts particuliers faits pour certaine église, lesquels statuts et ordonnances sont des lois etablies et permanentes qu'un évêque fait pour le bien spirituel de ses diocésains; 3.o par le droit particulier des ordres religieux, le

quel consiste dans les réglements émanés de leurs chapitres généraux ou provinciaux, qui sont des lois faites pour les religieux de ces ordres.

Les censures ab homine sont celles qui sont portées par le supérieur ecclésiastique contre certaines personnes particulières, qui sont dénommées ou désignées par leurs qualités ou par quelque autre chose qui les fait connoître. Ces censures se pronon

cent en deux manières, savoir en forme de sentence et en forme de commandement particulier ou de défense de la part du supérieur ecclésiastique.

On les prononce en forme de sentence, pour punir quelques particuliers d'une faute qu'ils ont commise. Cette sentence est particulière ou générale : elle est générale lorsqu'on ne nomme aucune personne en particulier; telles sont les sentences d'excommunication qu'on prononce après la publication des monitoires, généralement contre tous ceux qui ayant connoissance des faits du monitoire, ne sont pas venus à révélation. La sentence est particulière lorsqu'un supérieur ecclésiastique, après avoir procédé juridiquement contre un particulier à cause d'une faute qu'il a commise, rend contre lui nommément un jugement portant censure.

On prononce les censures ab homine, en forme de commandement ou de défense, pour engager certaines personnes à faire ce qu'on leur ordonne. C'est ainsi que les évêques ont coutume d'en user dans le cours de leurs visites où, sur la connoissance qu'ils ont des fautes arrivées à quelques particuliers, ils leur ordonnent ou leur défendent, sous peine d'une telle censure, de faire une telle chose, en certains cas, en certains temps, en certains lieux.

Les censures à jure comme celles ab homine lient lorsqu'on les a encourues, jusqu'à ce qu'on ait été absous : mais il y a entre elles cette différence, 1.° que celles qu'on nomme à jure sont portées en termes généraux contre tous les infracteurs de la loi indéterminément; de sorte qu'elles regardent généralement tous ceux qui sont soumis au législateur; au lieu que celles qu'on nomme ub homine, encore qu'elles paroissent quelquefois générales, sont toujours prononcées avec quelque circonstance particulière de temps, de lieu, d'action ou de personne. Cette dernière espèce de censure n'a lieu que pour

les personnes qui se trouvent dans le cas particulier dont il s'agit. 2.o La censure à jure est stable et permanente; elle subsiste après la mort du supérieur qui l'a portée ou après sa déposition; elle s'étend à ceux qui, après qu'elle a été portée, deviennent sujets de celui qui l'a prononcée. La censure ab homine ne lie que ceux qui sont soumis au supérieur au temps qu'il la porte, et elle cesse par la mort, par la translation ou par la destitution de ce supérieur, non qu'on n'en soit pas lié si on l'a encourue auparavant, mais parce que le supérieur étant mort ou dépouillé de sa juridiction, on ne peut plus l'encourir. Ainsi, s'il avoit donné un terme pour encourir cette censure faute d'avoir fait telle chose, et qu'il mourût avant ce terme échu, on n'encourroit pas la censure, en ne faisant pas ce qu'il avoit ordonné. La raison est que le supérieur qui porte une censure, le fait non comme législateur, mais comme juge : or, l'autorité du juge cesse par sa mort ou par sa déposition.

3. L'absolution de la censure ab homine qui est prononcée par une sentence particulière, est toujours réservée à celui qui l'a prononcée, ou à celui qu'il commet pour en absoudre, ou à son supérieur par appel. Quant aux censures qui sont à jure, il y en a dont le législateur s'est réservé l'absolution, ou à quelque autre; il y en a de réservées au pape; il y en a de réservées à l'évêque : mais elles ne sont point censées réservées, si elles ne le sont expressément par le droit, c'est-à-dire, à moins que le législateur n'ait dit qu'il s'en réserve l'absolution, ou que nul n'en pourra absoudre sans une permission spéciale.

4. La censure à jure regarde l'avenir; elle tend à empêcher les fidèles par la crainte des peines de commettre les crimes auxquels elle est attachée. Celle qui est ab homine regarde tantôt le passé et le présent, et tantôt l'avenir. Si elle est prononcée en forme de commandement particulier ou de défense hors jugement, elle regarde l'avenir; parce qu'elle tient alors de la loi qui n'est faite que pour réglér l'avenir, comme la censure à jure. Mais si on prononce la censure ab homine, en forme de sentence, elle regarde ordinairement le passé, parce qu'elle ne juge alors que les choses qui sont déjà arrivées; et comme le motif de la sentence est la volonté présente de persévérer dans le péché et la contumace actuelle de celui contre lequel elle est

portée, il faut que la censure ab homine, considérée de ce côté, regarde encore le présent.

5.o La censure à jure ne finit que par les voies par lesquelles finit le droit qui la porte, savoir : par révocation, cassation, abrogation; au lieu que la censure ab homine finit non-seulement par quelqu'une de ces voies, mais encore par le laps du temps, si elle est portée par la sentence pour un temps déterminé, et par accomplissement de condition, si elle est portée sous condition.

6.o La censure à jure, étant contenue dans les lois générales de l'Église ou dans les constitutions et statuts d'un diocèse, peut être ignorée très-facilement. Mais il est difficile que celui qui encourt une censure ab homine puisse l'ignorer; car on ne l'encourt que lorsqu'on en est frappé nommément, ou lorsqu'on ne révèle ou ne restitue pas conséquemment à un monitoire ou dans des circonstances équivalentes : or, celui qui n'obéit pas à un précepte qui lui est adressé nommément ou comme nommément, ne peut que très-difficilement l'ignorer.

Les censures, par rapport à l'effet qu'elles produisent, se divisent en celles qu'on appelle comminatoires ou ferendæ sententiæ, et en censures de sentence prononcée, lata sententiæ. La censure comminatoire ou ferenda sententiæ est portée par forme de menace : elle ne s'encourt pas par la seule transgression de la loi ou ordonnance; mais le supérieur, en vertu de cette loi ou ordonnance, a droit d'en frapper le coupable, dès qu'il est tombé dans le péché qui lui avoit été défendu sous peine de telle censure. Ainsi, l'exécution de cette sorte de censure dépend de la volonté et du zèle du supérieur ecclésiastique qui, par sa sentence, applique la peine au cas marqué par la loi, sur un homme qui en a été convaincu par les voies de la justice. C'est pourquoi, jusqu'à ce que cette sentence soit prononcée, on ne doit pas se regarder comme lié par une censure ferendæ sententiæ, quoiqu'on ait fait l'action pour laquelle on mérite d'en être frappé.

La censure lata sententia est celle qu'on encourt aussitôt qu'on a commis l'action contre laquelle elle a été ordonnée; sans qu'il soit nécessaire, selon la discipline présente de l'Église, que le supérieur déclare par une sentence qu'on l'a encourue. Ainsi, le seul fait emporte avec soi l'exécution de cette censure,

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