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grand, dès qu'elle a pénétré dans la masse de la société.

Les différentes formes de gouvernement n'ont donc toutes qu'une bonté relative, puisque la même forme, qui convient d'abord à un peuple, ne lui convient plus, dès que ses mœurs ont changé.

Mais si les différentes formes de gouvernement n'ont toutes qu'une bonté relative, chacune d'elles a des avantages qui lui sont particuliers. Ainsi la république est plus favorable à la liberté, l'aristocratie à la propriété, la royauté à la stabilité.

L'homme jouit de la liberté individuelle partout où les pouvoirs sont séparés et divisés, parce que partout où les pouvoirs sont séparés et divisés, ils sont modérés; mais il ne jouit de la liberté politique que dans les gouvernements où il fait les lois par lui-même ou par ses délégués, parce que ce n'est que là qu'il obéit à sa propre volonté, ou du moins à la volonté du grand nombre qui est réputée la sienne; tandis que dans les autres gouvernements il obéit à la volonté du petit nombre, ou même à celle d'un seul individu. L'homme jouit donc de plus de liberté dans la république que dans l'aristocratie, et dans l'aristocratie que dans la royauté. La république est donc le gouvernement le plus favorable à la liberté.

L'aristocratie est le gouvernement le plus favorable à la propriété. L'homme ne travaille que pour jouir, et il ne jouit qu'autant que le fruit de son travail lui est assuré; d'où il suit que mieux la propriété est assurée, plus il est porté à travailler et à produire. Le produit est donc plus grand là où il est mieux garanti. Or il est mieux garanti dans le gouvernement où le pouvoir est dans les mains des propriétaires, que dans les autres gouvernements. L'aristocratie est donc le gouvernement le plus favorable à la propriété.

Enfin la royauté est le gouvernement le plus favorable à la stabilité. Il y a dans toutes les sociétés politiques une lutte perpétuelle entre les riches et les pauvres, qu'on ne peut faire cesser qu'en donnant la prépondérance à la classe moyenne. Mais dans la plupart des sociétés la classe moyenne seule n'est pas assez forte pour exercer cette prépondérance, et c'est pour la renforcer que l'on y a établi la royauté. Dans la république et dans l'aristocratie, il n'y a, si je puis ainsi m'exprimer, que deux poids; et dès que l'un l'emporte sur l'autre dans la balance, l'équilibre est rompu. Mais dans la royauté, il y a trois poids; et dès que l'un est plus fort que l'autre, on réunit le troisième au plus faible, et l'équilibre est maintenu. La royauté est donc le gouvernement le plus stable.

Chaque gouvernement a donc des avantages qui lui sont particuliers; et ce sont ces avantages qui doivent faire donner à l'un la préférence sur les autres, suivant l'état et les besoins de la société.

CHAPITRE V.

De la bonté absolue on théorique des différentes formes de gouvernement.

Les différentes formes de gouvernement n'ont donc toutes qu'une bonté relative à l'état de la société à laquelle elles sont données. Mais en faisant abstraction de cet état, ne peut-on pas déterminer quelle est en théorie la meilleure de ces formes?

Cette question, qui peut d'abord paraître oiseuse, ne l'est pas. Le législateur peut sous quelques rapports être comparé à l'architecte, puisque ni l'un ni l'autre ne peut s'écarter du plan qui lui est donné; mais quoiqu'ils soient tous deux assujétis dans leurs travaux, l'un aux mœurs et l'autre au terrain, ils doivent cependant avoir tous deux dans l'idée le type du beau, pour s'en rapprocher, autant qu'ils peuvent, dans l'exécution. Or, il y a des formes de gouvernement qui sont

en théorie meilleures que d'autres formes, comme il y a en géométrie des figures plus belles que d'autres figures.

On ne peut pas comparer les diverses formes de gouvernement entre elles, sans comparer les éléments, ou les formes simples, dont elles sont composées. Or, toutes les formes simples séparées les unes des autres sont mauvaises, parce qu'il n'y en a aucune qui puisse garantir aux hommes tous leurs droits. La démocratie garantit bien les droits de la personne, mais elle ne garantit pas ceux de la propriété. L'oligarchie garantit bien les droits de la propriété, mais elle ne garantit pas ceux de la personne. La monarchie garantit bien les droits de la nation en masse ou de l'individualité nationale, mais elle ne garantit pas ceux des individus en particulier. Toutes les formes simples sont donc mauvaises ou du moins incomplètes; et c'est pour donner à chacune d'elles ce qui lui manque, qu'on la combine avec les autres. Ainsi, en combinant la démocratie avec l'oligarchie, on fait un mélange composé de deux formes, qui garantit à la fois les droits de la personne et ceux de la propriété; et en combinant la monarchie avec l'oligarchie et la démocratie, on fait un mélange composé de trois formes, qui garantit à la fois les droits de la nation en masse et ceux des individus en particulier. Mais dans ce mélange

des différentes formes, il y en a toujours une qui domine sur les autres, et c'est cette forme dominante qui donne son nom à la combinaison. Ainsi, la république résulte de la combinaison où domine la démocratie; l'aristocratie, de celle où domine l'oligarchie; et la royauté, de celle où domine la monarchie.

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Le fond de la république est la démocratie, comme le fond de l'aristocratie est l'oligarchie, et celui de la royauté la monarchie. La forme dominante est donc la forme essentielle, les autres formes ne sont qu'accessoires; mais comme les formes accessoires ne sont mêlées avec la forme dominante que pour lui ôter ses défauts, plus chaque forme mixte est tempérée, plus elle est parfaite. La république la plus parfaite est donc celle qui est le mieux tempérée par l'oligarchie; l'aristocratie la plus parfaite, celle qui est le mieux tempérée par la démocratie; et la royauté la plus parfaite, celle qui est le mieux tempérée par la démocratie et par l'oligarchie. Il faut donc séparer le fond de l'accessoire, quand on veut comparer entre elles les formes mixtes, et comparer d'abord les formes simples, pour déterminer quelle est en théorie la meilleure de ces formes, et en faire dans la pratique la meilleure application.

Le gouvernement est un art, comme tous les autres arts; mais il est le plus difficile de tous,

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