Obrázky na stránke
PDF
ePub

compris les femmes et les enfants; deux cent mille Hilotes ou Laconiens, et cent cinquante mille Messéniens.

Comme son gouvernement avait une physionomie particulière, qui le distinguait d'une manière tranchante de tous les autres gouvernements de la Grèce, on n'a pu le comparer à aucun d'eux; mais on l'a comparé à quelques gouvernements modernes, et l'on dirait qu'il a servi de type à nos gouvernements féodaux, si l'on ne savait que ces sortes de gouvernements s'établissent naturellement dans tous les lieux où, comme en Turquie, les peuples vainqueurs ne se sont pas encore fondus avec les peuples vaincus.

Les Spartiates n'étaient au fond que des espèces de mamelouks, qui avaient établi dans un coin de la Grèce une régence pareille à celle que nous avons vue établie de nos jours en Égypte, et qui exerçaient sur les Laconiens la même tyrannie que les mamelouks sur les Égyptiens. Le sénat de Sparte était composé d'anciens chefs de cavalerie ou d'hippagrètes, comme le divan du Caire l'était de beys ou d'anciens chefs de mamelouks. Les uns et les autres étaient peu nombreux, comme le sont partout des guerriers de profession, nourris par des paysans; et les Spartiates se faisaient accompagner à la guerre par leurs Hilotes, comme les mamelouks par leurs

15

fellahs. A la paix, ils désarmaient ces Hilotes; et, pour n'avoir rien à craindre d'eux, ils demeuraient eux-mêmes toujours armés, et ils se réunissaient chaque jour dans des espèces d'hôtelleries pour y prendre leur repas en commun, afin d'être toujours prêts à marcher tous ensemble contre ces malheureux paysans, s'ils venaient à remuer. Mais ce sont là des ressemblances plus apparentes que réelles, parce que, quelque barbares que fussent les Spartiates, ils l'étaient encore moins que les mamelouks; et si l'on voulait s'arrêter à ces sortes de ressemblances, il vaudrait mieux les chercher dans les lieux mêmes où le gouvernement de Lycurgue fut établi. Une poignée de Turcs, à l'exemple des anciens Spartiates, s'y est emparée des meilleures terres de la vallée de l'Eurotas pour les faire cultiver à son profit par les Grecs indigènes, comme elles étaient autrefois cultivées par les Hilotes, tandis que les autres Grecs du pays, relégués dans les montagnes ou dispersés sur le rivage de la mer, y vivent du fruit de leurs rapines et de leur brigandage. La Laconie présente encore aujourd'hui la même physionomie morale qu'autrefois; et, après deux mille ans révolus, elle ne paraît pas avoir changé d'aspect.

LIVRE IV.

RÉPUBLIQUE D'ATHÈNES.

CHAPITRE PREMIER.

De la distribution des pouvoirs et de la forme du gou

vernement.

SOLON

POLON institua la république d'Athènes environ trois siècles après que Lycurgue eut institué la royauté de Sparte. Ces deux législateurs empruntèrent, la plupart de leurs institutions de l'île de Crète, qui avait elle-même emprunté les siennes de l'Égypte. Épiménide fut le précurseur de l'un, comme Minos l'avait été de l'autre ; mais ils perfectionnèrent tous deux l'ouvrage de leurs prédécesseurs, et ils adoptèrent chacun des formes différentes, parce qu'ils se proposèrent chacun un but différent.

Solon donnant des lois à un peuple que la stérilité de son sol condamnait à travailler sans

[graphic]

relâche, chercha à donner à ce peuple l'amour du travail, tandis que Lycurgue trouvant le sien établi sur un territoire cultivé par des esclaves et qui fournissait abondamment à sa subsistance, ne chercha qu'à lui conserver ce territoire. De là, la différence des institutions des deux législateurs, dont les unes tendent à inspirer au peuple l'amour du travail, et les autres l'amour de la guerre; et c'est ce qui donna à Sparte et à Athènes une physionomie si différente.

On a cru que Lycurgue avait méconnu la nature humaine, parce qu'il avait voulu la modifier en sacrifiant dans sa cité l'intérêt de chaque individu à celui de tous ou à l'intérêt public, tandis que Solon ne voyant dans la sienne l'intérêt public que dans la réunion de tous les intérêts individuels, n'avait cherché qu'à concilier tous ces intérêts; mais quelle qu'ait été la diversité des moyens qu'ils employèrent l'un et l'autre pour arriver à leur but, il n'en est pas moins vrai qu'ils y arrivèrent tous les deux, l'un en façonnant son peuple pour ses institutions, et l'autre en façonnant ses institutions pour son peuple.

La cité d'Athènes ne comprenait proprement que l'Attique et la petite île de Salamine, l'une évaluée à soixante-seize lieues carrées de superficie, l'autre à quatre, et toutes les deux à quatrevingts.

Située à l'extrémité méridionale de la Grèce, l'Attique est une péninsule triangulaire, dont un des côtés tient à la Béotie, tandis que les deux autres, baignés par la mer, se prolongent jusqu'au cap Sunium au milieu de l'Archipel. Cette péninsule est naturellement divisée par sa forme en trois régions distinctes; celle du nord qui est montagneuse et que l'on nommait Diacrie; le Pédion ou la plaine du milieu qui environne la ville d'Athènes; et le Paralos, ou la côte maritime, qui comprend l'angle méridional de la pé

ninsule.

La Diacrie et la Paralie sont peu propres à la culture, et ne produisent guère que des arbres résineux et des plantes aromatiques; mais la plaine d'Athènes, et surtout celle d'Eleusis qui lui est contiguë, sont très-fertiles, l'une en huile, l'autre en blé, et toutes les deux en vin. C'était dans ces plaines que vivaient les plus riches propriétaires, tandis que la Diacrie n'était habitée que par des chevriers et des bûcherons, et la Paralie que par des pêcheurs et des marins. Les Diacriens, comme les plus pauvres, voulaient la démocratie; les Pédiens; comme les plus riches, désiraient l'oligarchie; et les Paraliens, qui n'étaient ni aussi pauvres que les premiers ni aussi riches que les seconds, demandaient un gouvernement formé du mélange des deux autres.

« PredošláPokračovať »