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Les Athéniens en général étaient très-instruits, et il y en avait peu parmi eux qui ne sussent lire, écrire et compter. Les enfants recevaient gratuitement dans des écoles publiques des leçons de gymnastique, de musique, de lecture et d'écriture; mais l'instruction plus relevée était payée, et elle était donnée par des maîtres particuliers, dont les leçons coûtaient d'autant plus cher, que leurs écoles étaient plus renommées. Le rhéteur Gorgias recevait un talent de chacun de ses élèves, et le peintre Euphranor en recevait deux de chacun des siens.

Tous les genres d'instruction trouvaient des encouragements à Athènes, et cette ville était devenue comme la métropole de tous les arts. Nulle part on ne vivait plus agréablement : les riches pouvaient avec de l'argent s'y procurer tous les agréments de la vie ; et les pauvres même y étaient distraits de leurs besoins par tant de divertissements publics, qu'ils n'avaient pas le temps de songer à leur misère.

Jamais peuple n'eut une religion plus riante que le peuple athénien. On eût dit que son gouvernement ne pouvant le rendre heureux en réalité, voulait du moins le rendre heureux en espérance. Rien n'égalait la splendeur et la magnificence de ses fêtes. Toute la jeunesse s'y donnait en spectacle; mais c'était surtout aux

fêtes de Cérès à Éleusis, qu'elle étalait le plus de pompe. Toute la voie sacrée était couverte de spectateurs. Les hommes s'y montraient sur des chevaux thessaliens couverts de caparaçons de pourpre, les femmes sur des chars dorés attelés de mules blanches, les uns et les autres traînant à leur suite un grand cortège d'esclaves de toutes les nations. On y voyait des Scythes et des Éthiopiens, des Thraces et des Égyptiens, des Indiens et des Ibères; et il semblait qu'on avait rassemblé les habitants de tous les pays dans un même lieu pour les offrir en spectacle aux Athéniens.

Mais si Athènes était la cité la plus heureuse de la Grèce, en était-elle la plus vertueuse?

Aucune autre ne lui disputa jamais la prééminence dans les lettres; et quelle est celle qui eût osé s'égaler à la cité où Pisistrate, en publiant les poésies d'Homère, leur donna en quelque sorte une seconde vie; où Eschyle, Sophocle et Euripide créèrent la tragédie; Aristophane et Ménandre la comédie; où Périclès et Démosthène élevèrent si haut l'éloquence; Platon et Aristote la philosophie; Thucydide et Xénophon l'histoire? Toutefois, si aucune autre cité grecque ne put disputer à Athènes la supériorité de la science, Sparte osa lui disputer celle de la vertu mais, comme la vertu est presque toujours inséparable de la science ou qu'elle en reçoit son plus grand

éclat, Sparte ne brilla jamais que dans la vertu militaire, tandis qu'Athènes brilla également dans toutes. Aucun Grec ne fut plus courageux que Miltiade, plus prudent que Thémistocle, plus juste que Socrate, plus tempérant que Xénocrate, plus aimable qu'Alcibiade. Ce fut dans ce petit coin de la Grèce que la vertu se montra parée de tous ses attraits, et que l'homme s'éleva si haut sur l'échelle sociale, que quand on veut comparer le peuple athénien aux autres peuples de la terre, il semble qu'il y ait entre eux et lui tout l'intervalle qui est entre la terre et le ciel.

Tel fut le peuple athénien sous la législation de Solon; et s'il est vrai que les hommes ne sont que ce que le gouvernement les fait, on doit avouer que cette législation mérita de servir de modèle à celle de tous les autres peuples.

LIVRE V.

ARISTOCRATIE DE ROME'.

CHAPITRE PREMIER.

De l'organisation primitive du gouvernement, et du passage de la Royauté à l'Aristocratie.

SOLON, qui avait trouvé sa cité établie sur un territoire stérile, l'avait organisée pour lui inspirer l'amour du travail et des arts; Lycurgue, qui

1. Ce cinquième livre était terminé, lorsqu'on a imprimé pour la première fois la République de Cicéron, que j'ai luc avec empressement. Mais quelle a été ma surprise de n'y pas trouver un seul fait nouveau sur le gouvernement romain! Après avoir donné dans cet ouvrage le type d'un bon gouvernement, Cicéron fait l'application de sa théorie au gouvernement de Rome; mais il peint ce gouvernement, non tel qu'il existait de son temps, mais tel qu'il se le figurait au temps des Scipion: en sorte que l'on ne sait s'il a imaginé sa théorie pour le gouvernement romain, ou le gouvernement romain pour sa

avait trouvé la sienne établie sur un territoire fertile, l'avait organisée pour défendre ce territoire mais Romulus, qui établit la sienne sur un territoire trop resserré, dont les limites même lui étaient disputées de toutes parts, l'organisa pour la conquête; et, quoique Rome empruntât par la suite sa législation des Athéniens, son gouvernement, dont Romulus avait tracé le premier plan, eut toujours plus d'analogie avec celui de Sparte, qu'avec celui d'Athènes, ou plutôt il fut si heureusement combiné, qu'il réunit tous les avantages de l'un et de l'autre.

Rome fut d'abord une royauté, à la tête de laquelle parurent sept rois, qui furent presque tous de grands hommes; et elle ne devint une aristocratie; que parce qu'elle avait été préparée à cette forme de gouvernement par la sagesse de

théorie. Cet écrivain a fait dans la politique cè qu'il avait fait dans la morale. Il a traduit, commenté, embelli même, si l'on veut, les idées des Grecs; mais il ne nous a donné aucune idée nouvelle. Cicéron, à mon sens, ne mérite sa grande réputation que comme orateur et homme d'état. Comme moraliste, et philosophe, il n'a fait que copier les Grecs, et il leur est resté inférieur. Son défaut, qu'il avait pris sans doute au barreau et à la tribune, est de viser trop à l'effet : il n'a ni la justesse, ni la simplicité, ni la grâce, qui font le charme des philosophes grecs.

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