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Il faut donc travailler sans cesse à les perfectionner. Or, on ne peut perfectionner les gouvernements qu'en perfectionnant les mœurs, qui en sont les éléments, parce que plus les éléments d'un ouvrage sont beaux, plus l'ouvrage est parfait.

C'est donc à perfectionner les mœurs des hommes que doivent tendre tous les législateurs, parce que ce n'est qu'après avoir perfectionné les mœurs, qu'ils peuvent perfectionner les gouvernements.

On perfectionne les mœurs par l'éducation, par la législation, et surtout par une bonne administration. Les bons administrateurs sont donc les plus grands bienfaiteurs des nations, puisque ce sont eux qui contribuent le plus à perfectionner les mœurs.

Le perfectionnement des mœurs doit donc précéder partout celui des gouvernements. Hercule, soulevant Antée et l'étouffant dans ses bras, après l'avoir détaché de la terre, est l'image de tout législateur imprudent, qui

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voudrait changer le gouvernement d'une nation, sans avoir changé ses mœurs, parce qu'un tel gouvernement, n'ayant aucune racine dans les mœurs des hommes, serait renversé au premier souffle de leurs passions. Mais, quand les mœurs d'une nation ont changé, il faut aussi changer son gouvernement, pour mettre le gouvernement en harmonie avec les mœurs. Nul effort humain ne peut alors s'opposer à ce changement; et les administrateurs des nations, qui se refusent à le faire eux-mêmes, sont condamnés à le subir.

Mon dessein n'a donc pas été d'engager aucune nation à changer brusquement les formes de son gouvernement, mais à améliorer ses mœurs par de bonnes institutions et surtout par une bonne administration; et, quand des mœurs meilleures l'ont préparée à des formes de gouvernement plus parfaites, à passer doucement et par degrés des formes anciennes aux nouvelles, parce que

tout changement brusque l'agiterait trop et pourrait lui devenir funeste.

J'ai voulu surtout asseoir les gouvernements sur leurs véritables bases, qui sont les bonnes mœurs, et les affermir sur ces bases, afin qu'ils ne soient plus le jouet perpétuel des passions humaines.

Ennemi, par mes principes, de toute exagération, et aussi indépendant par ma fortune que par mon caractère, je n'ai eu pour motif en écrivant que le bien de l'humanité. Ceux qui m'en prêteraient d'autres, ne me connaîtraient pas ou me connaîtraient mal; mais comme, avec les intentions les plus pures, on peut s'égarer dans ses opinions, j'espère que, si je me suis égaré dans les miennes, j'aurai au moins montré par mes erreurs même le chemin qui conduit à la vérité.

Je n'ai voulu ni décrier les rois pour flatter les peuples, ni décrier les peuples pour flatter les rois, parce que, content de mon sort, je n'ai jamais ambitionné ni la faveur des uns,

ni celle des autres: mais j'ai toujours désiré l'estime des gens de bien, dans quelque rang de la société qu'ils soient placés; et, si j'ai pu la mériter, mes vœux seront remplis.

DES

GOUVERNEMENTS.

LIVRE PREMIER.

DE L'ORGANISATION DES GOUVERNEMENTS.

CHAPITRE PREMIER.

De la destination de l'homme, et de ses devoirs.

Tour ce que nous voyons dans l'univers, et

tout ce que nous sentons en nous-mêmes, prouve qu'il y a un Dieu dont nous sommes l'ouvrage, et que cet être essentiellement bon n'a pu nous créer que pour le bonheur. Mais il a voulu que ce bonheur fût notre propre ouvrage; et il nous a donné la raison pour y parvenir. C'est la raison qui, en nous faisant connaître notre destination, nous fait aussi connaître nos devoirs.

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