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exercices en plein air. Il y a des métiers qui vicient l'ame, en accoutumant à mentir; mais il y en a d'autres qui la perfectionnent par des habitudes de bienfaisance. Il faut donc distinguer les individus qui exercent les uns, de ceux qui exercent les autres.

Les anciens, qui exerçaient leur corps et leur ame dans les gymnases publics, excluaient, en général, de l'exercice des droits politiques tous les ouvriers proprement dits, d'après l'idée que la plupart des métiers dégradent l'ame ou le corps, et ils en excluaient surtout ceux qui exerçaient des métiers infâmes ou sordides, tels que les bourreaux, les suppôts de la police, et même ceux des douanes, parce que, si les premiers exercent un métier qui effraie les coquins, les autres en exercent un qui moleste les gens de

bien.

Toutefois, comme chez les anciens la plupart des métiers étaient exercés par des esclaves, en excluant les ouvriers de l'exercice des droits politiques, on n'en excluait qu'une petite portion du peuple; tandis que, chez les modernes, où tous les métiers sont exercés par des hommes libres, on en exclurait la plus grande portion : ce qui serait aussi contraire à l'équité qu'à l'intérêt de l'état.

Il faut donc, autant par principe d'équité que

par intérêt pour l'état, admettre les ouvriers en général à l'exercice des droits politiques, parce que, plus il y aura d'individus qui auront part au gouvernement, plus il y en aura qni s'intéresseront à sa conservation.

La seule classe de la société qu'il faut repousser sans pitié de l'exercice des droits politiques, est celle des hommes qui, n'ayant point de profession, veulent, sans travailler eux-mêmes, vivre du travail des autres, tels que les mendiants, les parasites, les escrocs, les chevaliers d'industrie, tous ceux qui tiennent des tripots de jeu ou de débauche, et qui spéculent sur les vices et même sur les vertus des autres hommes. Dans toutes les sociétés, et surtout dans les sociétés populeuses, il existe toujours une troupe d'hommes perdus d'honneur et de réputation, les uns ruinés par leur libertinage, les autres flétris par leurs crimes, tous voués au mépris et à l'infamie, qui, pour échapper au frein des lois, vont se cacher au sein des grandes villes, où ils trafiquent de leurs vices et de ceux d'autrui. Ces hommes n'aiment pas plus un gouvernement qu'un autre; ils les haïssent tous, et surtout ils haïssent le leur, parce qu'ils ne peuvent vivre que dans le désordre. Il faut donc ne leur y donner aucun pouvoir; et, pour ne leur y donner aucun pouvoir, il faut les exclure de l'exercice des droits politiques.

CHAPITRE IX.

Des classifications fondées sur la propriété, ou du cens politique.

TELLE est la meilleure manière de classer les hommes dans la société, quand on veut les y classer d'après leur profession; mais cette manière, qui peut convenir dans les sociétés naissantes, où les arts sont les seuls moyens d'acquérir la propriété, ne convient plus dans les sociétés perfectionnées, où la propriété acquise peut seule donner l'indépendance nécessaire pour exercer les droits politiques; et c'est ce qui a fait substituer, dans ces sociétés, à la classification établie sur la profession, la classification établie sur la propriété.

Envisagés sous le rapport de la propriété, les hommes peuvent être divisés en trois grandes classes, en riches, en aisés, et en pauvres. Les riches ont le superflu; les aisés, le nécessaire; et les pauvres, moins que le nécessaire. Les pauvres sont donc obligés de chercher dans leur travail ce qui leur manque, et ils dépendent plus ou moins de ceux qui les font travailler. Mais les

pauvres ne sont pas tous pauvres au même degré. Il en est, parmi eux, qui n'ont absolument rien, pas même les instruments de leur métier, et qui, ne pouvant pas travailler pour leur compte, sont obligés de travailler pour le compte des autres, et de se vouer, pour un salaire, à leur service particulier. Ce sont les indigents proprement dits, autrement nommés prolétaires, parce qu'ils ne peuvent encore rendre d'autre service à l'état que de lui donner des enfants. Ces hommes ne jouissent d'aucune sorte d'indépendance dans la société, et ils ne peuvent pas y exercer les droits politiques; mais, en les privant de ces droits, il faut leur laisser l'espoir de les acquérir par leur travail, afin de les encourager à travailler.

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Mais, outre ces pauvres, il en est d'autres qui le sont moins, et qui, ayant déja acquis par leur travail quelques biens, peuvent, avec ces biens, acquérir ceux qui leur manquent encore, en travaillant pour leur compte, sans se vouer d'une manière particulière au service d'autrui. Ceux-ci jouissent déja dans la société d'un commencement d'indépendance, et ils peuvent, à la rigueur, exercer le droit d'élire aux magistratures; mais ils ne peuvent pas y être élus, parce qu'ils n'ont pas encore l'indépendance nécessaire pour les exercer. Il faut donc les priver des magistratures; mais, en les privant des magistratures, il faut

leur laisser le droit d'y nommer, et même l'espoir d'y parvenir un jour, lorsque, par leur travail, ils auront acquis le nécessaire.

Les hommes aisés, qui ont acquis le nécessaire, sont donc les seuls qui peuvent exercer les magistratures, parce qu'ils peuvent vivre de leur revenu, indépendamment de leur travail : mais le revenu est relatif; et celui qui suffit pour vivre dans le chef-lieu de la commune, ne suffit pas ordinairement pour vivre dans le chef-lieu de la province, ni moins encore dans le chef-lieu de l'état, parce que la vie est ordinairement plus chère dans les villes que dans les villages, et dans les grandes villes que dans les petites. Il faut donc un revenu plus grand pour exercer les magistratures supérieures, que pour exercer les magistratures inférieures.

Il faut donc donner aux hommes aisés le droit d'exercer les magistratures communales, et ne les priver des autres, que parce qu'ils n'ont pas encore le revenu nécessaire pour les exercer; mais, en les privant des magistratures supérieures, il faut leur laisser le droit d'y nommer, et même l'espoir d'y parvenir, lorsque, par leur travail, ils auront acquis le superflu.

Les riches, qui ont acquis le superflu, peuvent donc seuls exercer les magistratures supérieures, parce qu'avec le superflu, ils ont partout le né

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