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et il faut les leur faire exercer collectivement, en donnant aux sociétés savantes et aux académies, comme aux villes manufacturières et commerçantes, des députés ou représentants particuliers: mais il faut réunir les savants dans le même conseil que les commerçants et les propriétaires fonciers, parce qu'ayant chacun des intérêts divers à défendre, ces intérêts ne peuvent être conciliés que dans un conseil commun à tous. Or, de tous les députés, les savants sont ceux qui sont le plus propres à concilier les divers intérêts de l'état, parce qu'ils sont ceux qui connaissent le mieux sur quels points ces intérêts diffèrent, et sur quels points ils se touchent et se confondent. De là le vice des députations où l'on n'appelle pas les savants et les commerçants avec les propriétaires fonciers, et le vice, plus grand encore, de celles où on les appelle tous indistinctement, mais où on les sépare en différents corps ou en différents ordres, qui, délibérant chacun dans un conseil séparé, ne peuvent jamais s'entendre entre eux, et jettent la confusion dans l'état, au lieu d'y maintenir la concorde. Il ne faut donc pas faire, des différentes classes de citoyens, des corporations distinctes, pour ne pas élever entre elles des barrières éternelles. Les hommes ne séparent les individus que pour les reconnaître : mais la nature, qui passe de l'un à

l'autre par des gradations insensibles, les a tous unis; et la politique doit imiter l'exemple de la nature, en ne se servant des classifications politiques, que comme de moyens pour gouverner les hommes, et non pour les séparer.

Il ne faut donc établir les classifications sociales que d'après la propriété territoriale, et n'accorder individuellement les droits politiques qu'aux seuls propriétaires fonciers; mais il faut les accorder collectivement aux savants et aux commerçants.

Les classifications sociales fondées sur la propriété, différent essentiellement des classifications anciennes, qui étaient fondées sur la naissance ou sur la profession. Celles-ci ne changeaient jamais, parce qu'elles renfermaient des groupes. d'individus qui étaient toujours les mêmes; tandis que les autres changent sans cesse, parce que la propriété change perpétuellement de mains, et que, formant une progression continue, qui va de l'extrême misère jusqu'à l'extrême opulence, on ne sait jamais où tracer la ligne de démarcation qui est entre les riches et les pauvres. Aussi des publicistes, qui ont voulu rendre sensibles, sous des formes géométriques, ces deux espèces de classifications, les unes fixes, et les autres mobiles, ont figuré les premières par des lignes horizontales qui se pro

longent sans jamais se toucher, et les autres, par des lignes verticales qui, en s'élevant sous la forme d'une pyramide, se rencontrent vers son sommet, et finissent toutes par se confondre ensemble.

CHAPITRE X.

Du cens des modernes, et de la différence de ce cens à celui des anciens.

TEL est le meilleur mode de régler le cens. Mais, en réglant le cens, à l'exemple des anciens, d'après la propriété, faut-il le régler comme eux d'après le revenu, ou bien d'après l'impôt, comme le règlent quelques états modernes?

Le revenu est plus fixe, et l'impôt est plus variable, puisqu'il doit varier suivant les besoins de l'état; mais l'impôt est plus facile à constater, tandis qu'on ne peut jamais bien constater le revenu industriel. Il faut donc se servir de l'un et de l'autre pour régler le cens, partout où l'on veut admettre dans le cens le revenu industriel. Il faut se servir du revenu comme base de l'impôt, et de l'impôt comme signe du revenu. Mais

ce signe serait incertain, si l'on ne fixait le rapport de l'impôt au revenu. Il faut donc fixer ce rapport partout où l'on veut régler le cens sur l'impôt. L'impôt ne peut jamais servir que comme échelle d'appréciation.

Mais faut-il établir un cens fixe ou un cens relatif, en prenant dans chaque province, ou même dans chaque commune, un nombre déterminé des plus imposés?

L'un et l'autre mode a ses avantages et ses inconvénients. Le cens fixe, sous l'apparence de l'égalité, cache une inégalité réelle, parce que la richesse, représentée par une somme d'argent fixe, varie d'un canton à l'autre, suivant la cherté des subsistances: mais, d'un autre côté, l'exercice des droits politiques, restreint aux plus imposés, peut, dans un canton riche, être enlevé à des individus qui ont le revenu suffisant pour en jouir. Il vaut donc mieux établir dans les cantons riches un cens fixe, et dans les cantons pauvres un cens relatif, afin qu'il y ait toujours dans les provinces, et même dans les communes les plus pauvres, un nombre déterminé de candidats pour un élu. C'est le mode qui offre le moins d'inconvénients et le plus d'avantages.

Mais quelle quotité de revenu doit-on exiger pour le cens?

Cette quotité doit être relative à la richesse du

pays et à l'espèce des magistratures, parce qu'il faut plus de revenu pour vivre dans un canton riche que dans un canton pauvre, dans une grande ville que dans une petite, et dans une petite que dans un bourg ou un village. Il faut donc graduer le cens suivant l'espèce des magistratures, l'abaisser pour les magistratures communales, et l'élever pour les magistratures provinciales et nationales, parce que celles-ci sont ordinairement exercées dans les villes', tandis que les autres ne le sont que dans les bourgs et les villages.

Mais le revenu exigé pour chaque espèce de magistrature doit être réduit au simple nécessaire, parce que, dès qu'un homme a le nécessaire, il ne lui faut plus que de la sagesse pour se passer du superflu. Or, le nécessaire d'un magistrat ou d'un homme public doit être mesuré sur sa consommation annuelle, ou sur celle de sa famille. On compte ordinairement dans chaque famille cinq individus, le père, la mère, et trois enfants. Or, on ne peut guère évaluer aujourd'hui la consommation annuelle de chaque individu, enfants et adultes compris, à moins de deux cents grammes d'argent pur, ou de deux cents francs. Il faut donc à chaque famille, pour vivre dans l'indépendance, un revenu d'au moins mille francs. Mais ce revenu, qui suffit dans un

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