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ville dont le sol était jonché d'herbes aromatiques. Deux trompettes marchaient d'abord, puis venait le clergé portant un cierge immense, du poids de 150 brasses. L'image vénérée du saint avait, disait-on, détourné la lépre, et guéri ou allégé les souffrances de ceux qui s'étaient prosternés à ses pieds. Soins inutiles, espérances déçues! le fléau continua son œuvre de destruction.

D'après le témoignage de Siret, chirurgien de Tours qui mourut en 1570, la peste de 1563, de même que celle de 1547, dont il avait été témoin oculaire, se faisait reconnaitre par les signes qu'il appelle comitantia, et qui consistaient principalement dans des charbons et apostèmes sous les oreilles, aux aisselles et aux aines; quelques femmes, quelques enfants avaient les membres dépouillés de leurs chairs, les doigts, les mains, les pieds, les jambes. »

ÉPIDÉMIE DE 1580. Les renseignements que je me suis procuré sur la peste de 1580, et sur les différents faits dont se compose son histoire, méritent d'être rapportés avec quelque développement. A voir cette épidémie dans ses fluctuations diverses, se reproduisant toujours la même, augmentant ou diminuant d'intensité, s'arrêtant et reprenant son cours après des intervalles de repos plus ou moins longs, on ne peut s'empêcher de la considérer comme ayant été endémique à Tours, depuis 1580 jusqu'à 1597. Le défaut d'une police sanitaire bien entendue semblait l'avoir naturalisée dans notre vieille cité, car il serait absurde d'attribuer la fréquence de ses apparitions à nos relations commer

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ciales avec l'Orient; elles étaient alors très limitées, et d'une importance toute secondaire. Elle débuta au mois de mars, et sa durée se prolongea jusqu'au mois de mai 1582. « La contagion, dit Nancel, était venue de Paris où elle sévissait depuis longtemps; elle avait été apportée par forains et pérégrins qui, par changement d'air, se pensaient sauver. Ce furent deux pauvres moines Jacobites, partis ensemble, à pied, de cette ville, et en bon état de santé, qui furent les premières victimes. Arrivés à Tours le même jour, la même heure les vit mourir. Des merciers, des colporteurs, qui suivaient de près ces bons religieux, pensant gagner quelque argent en entreprenant ce voyage, furent également atteints et succombèrent à la contagion deux jours après leur arrivée. Bientôt d'autres victimes leur succédèrènt et le mal se répandit rapidement aux différents quartiers de la ville et dans les villages environnants.

Cette épidémie fut précédée de secousses et de tremblements de terre, avec accompagnement de tonnerres foudroyants, de grêle grosse comme œufs, comme le poing, ou bien encore comme un pain qui nourrit un homme à un repas. N. de Nancel, médecin contemporain, homme de savoir et de grande piété, dit que quelques mois avant l'apparition du fléau, « l'air estant sans nuées, il aperçut une exhalation si espesse qu'elle rendoit le soleil trouble et tout confus, et l'air comme aïant une jaunisse et face ictérique. » D'autres phénomènes météorologiques, observés pendant l'année, à la suite de laquelle la maladie prit naissance, la marche générale des saisons, présentèrent des caractères parti

culiers qui veulent d'être reproduits. Ainsi en 1579 l'air fut très-souvent nébuleux, couvert, calme, chaud, étouffé; presque toujours sans pluie ni autre vent que celui du midi; la température fort inégale, tantôt chaude, tantôt froide; parfois la chaleur fut si grande, la terre si desséchée, « que les chiens et les loups étaient facilement atteints de la rage; les oiseaux abandonnaient leurs nids; les arbres étaient couverts de chenilles; la mortalité était grande sur tous les animaux; et l'on voyait beaucoup de poissons dont les cadavres flottaient à la surface des étangs.

< Les vins se tournaient ès caves et celliers.

On observait chez les enfants beaucoup d'affections vermineuses, des ulcères, des excoriations sur les lèvres et à l'intérieur de la bouche.

La rougeole, la petite vérole atteignaient petits et grands et faisaient beaucoup de ravages; la coqueluche fut surtout très-violente et n'épargna aucune famille.

La folie à tous les degrés fut fréquemment constatée, plus fréquemment qu'à toute autre époque.

Les saisons furent si variables, si inconstantes, que l'été anticipa le printemps, et l'hiver vint avant l'automne; Nicolas de Nancel rapporte qu'il a vu des raisins fleurir en septembre, des roses en novembre, et plusieurs arbres en décembre. »

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Tous ces signes de l'imminence de la peste, et, plus encore, le souvenir des victimes qu'elle avait faites en 1563, préoccupèrent gravement l'autorité municipale, qui, dès les premiers jours où la peste se déclara, s'occupa avec ardeur de l'exécution des mesures prises pour

sauve garder la santé publique et s'opposer à la propagation du fléau.

La maladie régna pendant toute l'année 1581, mais avec une intensité bien moindre qu'à son début; la mortalité fut peu considérable. L'automne, qui jamais n'avait été plus beau ni plus abondant en fruits, ne compta que quelques malades; le faubourg St-Pierredes-Corps, les environs de la Maison de Ville furent les quartiers qui eurent le plus à souffrir. Les froids rigoureux de la fin de décembre virent le mal s'affaiblir et disparaître. La constitution épidémique, après quelques mois de repos, signala son retour, au mois de mai 1582, par la mort d'un chanoine de St-Pierre-le-Puellier qui demeurait rue du Poirier. Le lendemain de ce décès, la servante du chanoine Simonnet, du chapitre de St-Martin, et celle de Robert Colin, marchand de draps au GrandMarché, furent atteintes du même mal, et se firent transporter à l'aumône de la rue du Colombier, elles passèrent de vie à trépas» deux jours après leur entrée. Bientôt le quartier de St-Saturnin, les cloîtres de St-Martin et de St-Pierre-le-Puellier et « principalement la Grand'rue virent plusieurs bonnes maisons assaillies et cadenassées, ainsi que plusieurs lieux et autres endroits de la ville; la plupart des moribonds avaient des bubons sous les aisselles et la gangrène dans la gorge. ›

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De 1584 à 1585 le nombre des pestiférés devint de plus en plus grand, et la mortalité plus considérable. Les comptes de Jacques Tournereau, receveur de la ville, indiquent qu'il fut dépensé pour les besoins du sanitas

et les secours à domicile, du 15 avril 1584 au 30 octobre suivant, 1,839 écus, ou un peu plus de 28 livres par jour; tandis que dans les huit mois écoulés du 1er novembre 1584 au 1er juillet 1585, la dépense s'éleva à 3,198 écus, somme égale à 40 livres environ par jour. Enfin, du 1er juillet 1585 au 1er décembre de la même année, les frais toujours croissants montèrent à 4,454 écus, c'est-à-dire à plus de 74 livres par jour; d'où il suit que dans ces trois périodes de l'épidémie, le nombre des individus atteints donna la progression suivante: 59:: 13.

Voici l'exposé des symptômes et des altérations cadavériques observés durant cette peste, par M Siméon, chirurgien du sanitas de Tours. Il est sous la forme d'une lettre adressée à Nicolas Nancel sur la demande qui lui en avait été faite par ce médecin.

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Monsieur, suivant votre mandement, j'ai observé les personnes frappées de peste; au commencement, douleur de teste, d'estomach, vomissements, tremblements, sueurs froides, petite altération par tout le discours de la maladie. Ès aultres se trouvent ordinairement dès le premier jour, une faiblesse extrême, palpitations et battements de cœur, sommeil profond, les sens et entendements engourdis et appesantis; chaleur en dedans, froid au dehors, syncope, inquiétudes, diffi. culté d'haleine et autres que j'ai compris par ci-devant. Puis, il ajoute :

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Signe mortel est, qu'ils sont couverts et tachés de pourpre, de couleur purpurine ou violette, et ne passent guère trois ou quatre jours; les plus robustes viennent

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