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dans le domaine de la science et doivent y rester. C'est ainsi que les astrologues, pleins d'extravagances et de superstitions, n'en ont pas moins laissé des faits et des observations utiles à l'astronomie; et que leurs erreurs, reconnues plus tard, ont démontré la fausseté de leur science et contribué, par là, à faire naître la méthode rationelle de l'observation et du calcul. Il en fut de même des alchimistes, qui, tout en cherchant la transmutation des métaux, la pierre philosophale, nous ont aussi légué d'importantes découvertes, des lois d'agrégation et d'affinité qu'ils ne cherchaient pas, et qui seraient peut-être encore inconnues sans les travaux de ces rêveurs. Les problèmes et les calculs sur la quadrature du cercle ou le soi-disant mouvement perpétuel, l'extraction de la racine de certains nombres, les vains efforts tentés pour maîtriser les aérostats, etc., ont valu à la géométrie, à l'algèbre, à la mécanique, à la météorologie des faits et des combinaisons intéressants.

Les romantiques, pris d'un superbe dédain pour les règles vieillies de l'art d'écrire, pour les classiques purs, pour les formes du langage trop circonscrites de nos grands maîtres en littérature, ont donné dans l'excès opposé. Au lieu de perfectionner les règles et les préceptes consacrés, en signalant ce qu'ils pouvaient avoir de trop absolu, de trop exclusif, et conservant, respectant ce qu'il y avait de fondé sur le bon goût, le noble, le vraisemblable, ils sont tombés dans le galimatias, le dévergondage d'idées, la sensiblerie boursouflée ou le pastiche rappelant le genre

faux et exalté de Goëthe dans Werther; ou bien ils ont affecté un néologisme barbare, stérile et ridicule ; ils ont osé se moquer de notre inimitable Molière, de notre pur et suave Racine, de notre classique et satirique Boileau!... Les fats! Et pleins d'un sot orgueil, ne pouvant égaler ces hommes de génie, que dis-je, voulant les surpasser, ils ont cherché à produire des émotions mélodramatiques par des tableaux horribles, des peintures de moeurs d'une vérité dégoûtante, préférant ainsi le vrai, puisé dans l'ignoble, le trivial ou le grotesque aux beautés de la nature, aux magnį, ficences de style de nos grands écrivains... Enfin, ils n'ont enfanté que des monstres littéraires tout en voulant créer un nouvel Apollon....

Et cependant, ces monstruosités présentent des beautés partielles, des vues hardies, des conceptions ingé→ nieuses dont l'art d'écrire s'est enrichi.

Châteaubriand, l'un de ces premiers novateurs, s'est heureusement affranchi de cet alliage incohérent, et il s'est hâté de séparer l'ivraie d'avec le bon grain, pour ne plus se servir que de ce dernier, laissant aux d'Arlincourt et tutti quanti, l'amalgame fantastique du nouveau genre d'écrire, nommé romantisme, renouvelé du moyen-âge et habilement épuré, modernisé par son illustre grand-prêtre, Victor Hugo. Voyant que ses créations excentriques avaient fait leur temps, que l'enthousiasme de ses prosélytes, de ses imitateurs ne dépassait pas le seuil de sa petite église, et visant d'ailleurs aux premières distinctions littéraires, ce grand poète s'était décidé à modifier sa manière, à en

faire disparaître ce qu'il y avait de choquant dans ses inversions, de contraire aux règles grammaticales les plus simples, aux mépris desquelles il n'eût jamais obtenu les suffrages des dispensateurs de fauteuils académiques. Aussi n'est-il entré à l'Académie française qu'en laissant à la porte tout ce qu'il y avait de barbare, de faux, de ridicule et de laid dans la plupart de ses œuvres. Les peintres, les sculpteurs, voire mème des musiciens qui avaient adopté les idés du romantique dans leurs compositions, ont abandonné ce qu'elles avaient de contraire au bon goût et à la décence.

D'autres esprits faux ou charlatans avaient aussi fait irruption dans l'ordre intellectuel et social. Les SaintSimoniens ont voulu créer une nouvelle religion, politique plus large et donner d'autres bases à la société, à l'industrie: affectant des prétentions gigantesques et sublimes, ils se sont annoncés comme les rénovateurs du vieux monde; comme les apôtres d'une religion à laquelle ils ont donné pour révélateur l'homme le plus immoral, le plus corrompu de son temps. Ils ont déifié ce Saint-Simon, qui écrivait à sa sœur, qu'il avait épousé sa femme parce qu'elle était perdue de réputation (1). Ce débauché ne se doutait guères que peu de temps après sa mort, dans le XIX

(1) Je tiens ce propos de quelqu'un qui l'a beaucoup connu; de défunt M. Rihouet, intendant-général des domaines du prince de Talleyrand,

M. de Lingrée, auteur d'un recueil de pensées, m'a aussi communiqué une correspondance entre sa mère et le comte de Saint-Simon qui voulait lui escroquer une somme de 30,000 francs,

siècle, il se trouverait, en France surtout, de jeunes énergumènes qui lui dresseraient des autels, et qui changeraient en paroles d'évangile les rêves creux des dernières années de sa vie. Mais ce qu'il y a de plus étonnant à notre époque de lumière scientifique, de découvertes industrielles et civilisatrices, c'est que la plupart des prêcheurs, des coryphées de cette dogmatique politico-religieuse étaient d'un esprit remarquable, d'une instruction solide, et doués de l'éloquence propre à émouvoir, à convaincre certaines capacités plus accessibles à la forme ou à l'accessoire qu'au fond ou au principal des choses. En un mot, la plupart étaieut d'adroits charlatans qui savaient habilement mêler à leur impraticable dichotomie: à chacun selon sa capacité, à chacun selon ses œuvres, des énoncés de bons principes, des théories, des systèmes d'industrie et de prospérité d'une grande importance, et qui pour n'être pas nouveaux n'en avaient pas moins besoin d'être reproduits, commentés et propagés; ce n'est qu'en criant fort et souvent que l'on parvient à faire accepter les vérités, même les plus utiles, Sous ce rapport, les Saint-Simoniens ont rendu quelques services; et l'un deux, Michel Chevalier, continue d'en rendre par ses savantes leçons au Collège de France. Il naîtra donc quelques bons fruits de leur ensemen

cement.

Quant à leur doctrine fondamentale, à leur religion absurde, à leur émancipation de la femme, à leur morale de libertin, à leur mode d'acclamer les capacités, d'après lequel les plus forts ou les plus rusés

se faisaient acclamer ou s'acclamaient eux-mêmes aux emplois les plus élevés, les poursuites du gouvernement d'alors étaient inutiles pour empêcher l'enseignement et la pratique : déjà tout le monde s'en moquait, et le ridicule eût certainement suffi pour en faire bonne et prompte justice (1).

Le fouriérisme, autre folie de notre temps, qu'on pourrait appeler communisme attrayant, dont nous avons ailleurs démontré les dangers et l'absurdité, contient aussi quelques bonnes choses: l'association limitée, par exemple, offre des avantages réels et d'une économie incontestable. Mais l'association générale, universelle, bien que divisée en séries, où groupes sympathiques, est restée à l'état de rève; les divers essais qu'on en a tentés, n'ayant pas réussi, ont dissipé les illusions des adeptes-bailleurs de fonds. L'un d'eux, riche Anglais, est allé se ruiner à la fondation du phalanstère manqué de l'ancienne abbaye de Citeaux, en Bourgogne.

Nous pourrions placer ici la plupart des systèmes de médecine, dont les plus faux, les plus exclusifs et même les plus dangereux, renferment des vérités précieuses qui ont favorisé les progrès de la science de l'homme. Il nous suffira, pour compléter cette courte ébauche,

(1) M. Enfantin se dit un jour : Ego sum papa... et il fut acclamé pape! On se souvient de l'embarras de ce comique autocrate, lorsqu'il fut appelé devant les tribunaux; il ne put pas prononcer quatre paroles de bons sens... Mais comptant sur la fascination de son regard, la tête haute, il le promène sur l'audito re qui a l'irrévérence d'éclater de rire. Après avoir succombé sous le poids de la tiare, M. Enfantin s'est fait non acclamer, mais nommer ingénieur des ponts et chaussées... Il a donc fourni lui-même la preuve de la fausseté de son système.

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