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AVERTISSEMENT

DE LA QUATRIÈME ÉDITION, PUBLIÉE EN 1828

En publiant cette nouvelle édition du second volume de l'Essai sur l'Indifférence, nous ne rentrerons 'pas dans les discussions que cet ouvrage a fait naitre. Le temps, qui juge tout, parce qu'il interroge la raison de tous, décidera la question qu'on a si vivement agitée. Quelques éclaircissements, quelques réflexions courtes, c'est à cela qu'en ce moment nous avons résolu de nous borner. Du reste, nous renvoyons les lecteurs à notre Défense, qu'il est nécessaire de lire, si l'on veut, bien connoitre tous les vices et tout le danger de la philosophie cartésienne, l'une de celles que nous avons combattues; et, en même temps, mieux comprendre la méthode que nous y substituons, méthode simple, à la portée de tous les esprits, et la seule certaine et universelle, parce qu'elle n'est que la méthode dela société universelle ou catholique.

La méthode opposée est celle 'de tous les ennemis du christianisme, des hérétiques, des déistes, des athées. Tous cherchent la vérité en eux-mêmes, et n'admettent comme vrai que ce qui paroit vrai à leur raison particulière. Or, comment le moyeu donné à l'homme pour parvenir certainement à la vérité, seroit-il précisément celui qu'emploient tous ceux qui nient quelque vérité? Comment la méthode qui conduit au scepticisme ahsolu, conduiroit-elle à la foi parfaite? En dernière analyse, que fait-on, lorsqu'on admet quoi que ce soit pour vrai sur le témoignage de sa seule raison? On croit en soi. 11 en faut donc toujours revenir à une croyance dénuée de preuves. Or quel est le plus raisonnable, le plus sûr, de dire: Je crois en moi, ou de dire : Je crois au genre humain'! En cas de conflit entre ces deux autorités, quelle est celle qui doit prévaloir, la vôtre ou celle de tous les hommes? Si c'esl la vôtre, tous les hommes ne seront raisonnables qu'autant qu'ils croiront en vous: si c'est la leur, vous ne serez raisonnable qu'autant que vous croirez en eux, que leur raison sera la règle de la vôtre. Dans la nécessité où nous sommes de croire, il faut absolument faire un choix. Or partout le sens commun appelle folie la préférence qu'on accorde à sa raison sur la raison de tous ; et pour peindre en un seul mot la stupidité opiniâtre ou l'obstination insensée de l'orgueil, que dit-on? C'est un homme qui ne veut croire que soi.

On n'a pas assez remarqué la liaison nécessaire

qui existe entre la certitude et l'infaillibilité. Une chose qui peut être ou vraie, ou fausse, n'est pas certaine. Tout ce qu'affirme comme vrai une raison qui peut se tromper, peut être faux; tout ce qu'elle affirme comme faux peut être vrai. Donc, rien de ce qu'affirme une raison qui peut se tromper ou. une raison faillible, n'est certain, Donc, chercher la certitude, c'est chercher une raison infaillible ; et son infaillibilité doit être crue, ou admise sans preuves, puisque toute preuve suppose des vérités déjà certaines, et par conséquent l'infaillibilité de la raison qui les affirme.

Forcés de croire à l'infaillibilité d'une raison quelconque, ou de renoncer à toute certitude, à toute vérité, sera-ce notre raison individuelle ou la raison de tous, la raison humaine, que nous supposerons infaillible?

Si chacun se suppose personnellement infaillible, les opinions les plus opposées, les jugements les plus contradictoires, sont également vrais, également certains; c'est-à-dire qu'il n'existe ni vérité, ni erreur, ni sagesse, ni folie, ni bien, ni mal : d'où il suit, que supposer la raison particulière infaillible, c'est détruire la raison, les lois, les devoirs, la société.

Si nous supposons au contraire que l'infaillibilité appartient à la raison humaine, aussitôt tout renaît: la raison individuelle trouve un fondement solide et une règle invariable, les lois reprennent leur auto* rité, l'homme reconnoit ses devoirs, la société s'affermit, parce que l'ordre a recouvré ses droits. Et qa'estCe que Cet ordre? la nature même, cd qui a été, ce qui est, ce qui sera toujours, malgré nos vains systèmes, nos erreurs et nos passions. Toujours les hommes ont cru, toujours ils croiront au témoignage ; leur raison chercha toujours un appui dans une raison plus élevée ou plus générale, et on ne montrera pas un moment, dans la durée des siècles, où l'autorité ait cessé d'être le principe conservateur de la foi et de la vérité, le lien qui unit les esprits, et la base de la vie humaine.

Considérez toutes les erreurs qui ont jamais existé dans le monde, vous verrez qu'elles se réduisent à la négation de l'autorité. L'hérétique nie l'autorité de l'Église, le déiste celle de Jésus-Christ et de toutes les sociétés chrétiennes, l'athée celle du genre humain. 11 en est ainsi dans l'ordre politique, et dans les sciences même; et le fou qui s'imagine avoir découvert ou le grand œuvre, ou le rapport rationnel entre la circonférence et le rayon, que fait-il autre chose que nier l'autorité propre à la science, en mettant son jugement particulier au-dessus de celui de tous les savants?

Que si chacun des hommes dont nous venons de parler, fidèle au principe qui leur est commun de ne pas reconnoitre d'autorité supérieure à celle de leur raison individuelle, en fait l'unique règle de ses actions; à l'instant même la société, avertie du désordre de l'intelligence par le dérèglement de la volonté, le punira comme rebelle; ou, le supposant privé de raison par cela seul qu'il manifeste une opposition invincible à la raison générale, elle l'enfermera comme insensé. Qu'un grand nombre d'hommes

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