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clans un monde d'illusions, mais le temps se hâte de rompre le charme ; les fantômes séduisants, auxquels nos vœux prêtent une réalité imaginaire, s'évanouissent âu milieu de notre cœur. Dieu ne l'a fait si grand que parce qu'il y vouloit habiter. 11 s'est préparé en nous comme une demeure immense, où tout ce qui n'est pas lui se perd et disparoît.

Le désir naturel d'un bonheur infini, le remords, la prière *, le culte, prouvent donc que tous les hommes ont le sentiment de Dieu. Or, s'il étoit possible que le genre humain sentît ce qui n'est pas, ou se trompât sur ce qu'il sent, à plus forte raison chaque homme en particulier pourroit-il être trompé par ce qu'il sent, ou se tromper sur ce qu'il croit sentir; et le sentiment que nous avons de nous-mêmes, nul en comparaison du sentiment unanime dos hommes dans tous les siècles, loin d'être une preuve de notre existence, ne fourniroit même pas en sa faveur une simple présomption.

Passons maintenant à l'évidence; selon la force du mot, elle consiste dans une vue claire de la vérité d'un principe ou d'une proposition. Mais comme il arrive souvent que l'esprit croit voir avec clarté ce qu'il ne voit réellement point, car l'erreur n'est pas visible, ou, en d'autres termes, comme il y a des évidences trompeuses, la Gertitude des vérités évidentes repose uniquement sur l'autorité ou le témoignage d'un certain nombre d'hommes, qui attestent que leur esprit est affecté de la même manière parla même proposition; et si le témoignage est unanime ou l'autorité

1 « Tous les hommes qui ont seulement la moindre portion de rai« son, invoquent Dieu au commencement de toutes leurs actions, quelle « qu'en soit l'importance. » Toûro ys 5->i Ttotts; Ssoi xzi Xktk jS/MX"

Aktos 6sô» àsi 7tou za/oûîiv. Plalo, in Tint. Oper. tom. IX, p. 301. Éilit. Ripont.

universelle, la certitude est la plus complète que nous puissions obtenir.

Cela posé, je soutiens que celte proposition : L'univers est l'ouvrage d'un Être intelligent, est aussi évidente pour tous les hommes qu'aucun principe quel qu'il soit, et plus évidente même que cet axiome regardé comme incontestable : Deux choses identiques avec une troisième, sont identiques entre elles1; car beaucoup d'esprits hors d'état de concevoir cette maxime comprendront aisément l'autre proposition.

Et, de fait, c'est partout la première réponse que font les hommes, lorsqu'on interroge leur raison sur l'existence de Dieu * ; et l'unanimité de cette réponse en constate tellement l'évidence, que celui qui la nieroit s'ôteroit par cela seul tout moyen de discerner une évidence réelle d'une évidence fausse, par conséquent tout droit de rien affirmer comme évident **, ou la possibilité de.raisonner,

1 Quae sunt eadem uni tertio, sunt eadem inter se.

« Les sages hommes anciens voians qu'il n'y avoil rien que l'on sçeust reprendre au ciel, ny négligence, ou désordre et confusion quelconque au mouvement des astres, ny aux saisons de l'année, ny à leurs révolutions, ny au cours du soleil à l'entour de la terre, qui est la cause du jour et de la nuit, ou à la nourriture des animaux, et génération des fruits annuels de la terre, pour ces considérations et autres semblables, ils ont à bon droict condamné de tout poinct l'impiété des athéistes. » Vlularque, au Traité de la superslit. Irai. d'Amiot. — On demandoit à un Arabe du désert, comment il sa voit qu'il y avoit un Dieu: « De la même manière, répondit-il, que je connois par les traces mari< quées sur le sable, qu'il y a passé un homme ou une bête. » Un autre Arabe répondit à la même question : « L'aurore a-t-clle besoin de flam« beau pour être vue? »

** Si tout ce qui semble évident à chaque esprit étoit vrai, il n'existerdit aucune erreur; car l'erreur n'est jamais qu'une chose'crue évidente, et qui ne l'est pas. A cet égard il n'y a point de différence entre ce qu'on appelle les premiers principes et d'autres principes quels qu'ils soient, entre les printipes en général et les conséquences que l'on en puisqu'on ne raisonne qu'en partant d'un principe, qu'on suppose évidemment certain.

Ce principe admis, nous ne sommes assurés de la justesse des conséquences que nous en déduisons, que lorsqu'elles sont elles-mêmes admises généralement, c'est-àdirelorsque tetémoignage des autres hommes nous apprend que, sur ceponit, leur raison s'accorde avec la nôtre; et plus cet accord est universel, plus- la certitude est grande. Or, en aucun temps, en aucun pays, la raison humaine n'a varié sur l'importante question de l'existence d'un premier être. Les plus forts arguments par lesquels on l'établit, consignés dans les monuments de la philosophie de tous les peuples, ont produit constamment la même impression sur les esprits \ A quelle époque de ténèbres,

déduit, ces conséquences n'étant non plus admises comme certaines ou comme vraies, que lorsqu'on les suppose évidentes. Ainsi, dans les jugements de la raison individuelle, l'évidence est toujours la raison d'affirmer ou le motif de certitude, et cette raison, identiquement la même dans toutes les circonstances, n'a pas dès lors plus de l'oree pour établir la vérité d'un principe, que la vérité d'une conséquence. D'où il résulte qu'il suffit que la raison individuelle puisse se'tromper sur un seul principe, sur une seule conséquence, sur un seul point quelconque, pour que tout te qui lui paroît évident devienne douteux. Que sera-ce donc si on suppose que ce qui a paru évident ou vrai à toutes les raisons puisse être faux?

"Les preuves particulières de l'existence de Dieu n'étant que des moyens de mettre cette grande vérité à la portée de la raison individuelle, et comme un secours offert à sa foiblesse pour lui aider à s'élever à la hauteur de la raison générale, il n'entre pas dans notre plan de les exposer. Cependant, en faveur de ceux qui croiraient avoir besoin de ce secours, nous indiquerons trois preuves de l'existence du souverain Être, tirées chacune d'un ordre d'idées différent, afm de mieux montrer comment l'homme, entouré d'effets et effet lui-même, est, pour ainsi dire, ramené de tous les points de son être, à la cause première et universelle.

Preuve métaphysique! — Pour démontrer évidemment l'existence de la Divinité, il suffiroit d'observer que l'athéisme, ou la proposition qui en quel lieu n'a-t-on pas conclu de l'ordre du monde, l'existence d'un suprême ordonnateur? Nulle preuve ne reçut jamais de sanction si universelle. Si donc cette preuve n'étoit qu'un sophisme, si, pendant soixante siècles,

l'énonce, il n'y a point de Dieu, est contradictoire dans les termes. Qu'est-ce en effet que Dieu? L'idée la plus juste à la fois et la plus générale qu'on s'en puisse former, est celle de l'Être par excellence; et c'est ainsi que, dans l'Écriture, il se définit lui-même : Je suis celui qui suis. Dieu est l'être sans bornes, l'être infmi, l'être nécessaire, en un mot l'Être; car tout ce qu'on ajoute à ce nom en altère la simplicité, et semble en restreindre le sens. L'athéisme se réduit donc à cet axiome : L'Être n'est pas; axiome qui renferme une contradiction telle que tous les hommes ensemble, durant l'éternité entière, ne parviendraient jamais à en imaginer de plus monstrueuse.

Quelque chose existe, donc quelque chose a toujours existé, donc quelque chose existe nécessairement. L'athée lui-même convient de ceci, mais il veut que la matière soit cet Être nécessaire* : et c'est ici qu'égaré par une imagination malade, il tombe dans un abîme d'absurdités. En effet, exister nécessairement, c'est exister de telle sorte que la non-existence implique contradiction; ces deux idées sont identiques. Et, pour expliquer ceci par un exemple, il est nécessaire qu'un triangle ait trois angles, et n'en ait que trois, c'est-à-dire, qu'il implique contradiction qu'un triangle ait plus ou moins de trois angles; et comme ce qui implique contradiction, ce qui est essentiellement impossible ne saurait être conçu, personne ne concevra jamais un triangle de deux ou de quatre angles. 11 suit de là que tout ce qui peut être conçu est possible, ou n'implique pas contradiction. Maintenant, qu'on se représente un pied cube de matière, et qu'on se demande à soi-même, si l'on n'en conçoit pas aisément la non-existence, si cette supposition répugne à l'esprit : tout homme de bonne foi conviendra que non. Or, ce que je dis de ce pied cube, je puis le dire de deux, de trois, d'un nombre quelconque d'autres pieds cubes, de la totalité de la matière par conséquent; et puisqu'elle peut être conçue non-existante, il n'implique donc pas contradiction qu'elle n'existe point; elle n'existe donc

* « On nous dit gravement qu'il n'y a point d'effet sans cause: on nous « répète à tout moment que le monde ne s'est pas fait lui-même. Mais le « monde est une cause, il n'est point un effet, il n'est point un ouvrage, il « n'a point été fait, parce qu'il «toit impossible qu'il le fût. Le monde a tou« jours été, son exislence est nécessaire. 11 est sa cause à lui-même. » Le bon sens puise dans lac nodre, tomi 1, p. 59,

le genre humain avoit pu être abusé par sa raison, que seroit-ce de la raison de chaque individu? N'ayant plus aucun moyen de discerner le vrai du faux en matière de raisonnement, il faudrait renoncer à raisonner, et briser avec mépris le dernier instrument de nos connoissances.

pas nécessairement, elle n'est donc pas l'Être nécessaire, dont l'athée lui-même est contraint d'avouer l'existence.

Pour connoître maintenant quel est cet Être, il ne s'agit que de chercher quel est celui dont la non-existence implique contradiction, ou qui ne sauroit être conçu non-existant : or je défie qu'on en trouve un autre que celui qui, renfermant en soi toutes les réalités, toutes les perfections, en un mot la plénitude de l'être, ne sauroit non plus être défini que par ce caractère essentiel qui lui est exclusivement propre, Yêtre; en sorte qu'on ne peut le nommer sans affirmer qu'il existe, ni nier qu'il existe sans énoncer la plus grossière des contradictions. Le concevoir, c'est le concevoir existant; nier qu'il existe, c'est dire à la fois qu'il est et n'est pas, c'est concevoir une impossibilité manifeste, c'est ne rien concevoir .du tout.

On voit donc comment et pourquoi le symbole de l'athée est nécessairement contradictoire dans les termes mêmes. Quoi qu'il fasse, il est contraint d'affirmer et de nier en même temps la même chose du même être; et la proposition, Il n'y a point de Dieu, est exactement semblable à celle-ci, Ijt vérité n'est pas vraie. Il étoit juste et conforme à l'ordre que la plus dangereuse et la plus féconde des erreurs en fût aussi la plus palpable.

Depuis les premières éditions de notre ouvrage, nous avons reconnu, par les observations qui nous ont été faites, que plusieurs personnes n'avoient pas bien saisi la preuve que nous venons de donner. Nous allons, en conséquence, y ajouter quelques éclaircissements.

Y a-t-il un Dieu? voilà la question qu'il s'agit de résoudre, la question qui est débattue entre le théiste et l'athée. Or, il serait fort inutile de chercher s'il y a un Dieu, si l'on ne savoit pas ce que c'est que l'on cherche, si l'on n'attachoit pas une idée précise au mot Dieu : c'est par là qu'on doit commencer; autrement, le théiste, en affirmant que Dieu est, et l'athée en le niant, ne sauraient ce qu'ils affirment et ce qu'ils nient.

Le théiste dit donc: par le mot Dieu, j'entends un être infini, qui renferme en soi toutes les perfections ou toutes les réalités possibles, en un mot la plénitude de l'être, qui, souverainement indépendant)

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