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l'être foible. Le dirai-je? Il prendra, pour le servir, la formed'un esclave, et, s'il le faut, se rendra, pour le sauver, obéissant jusqu'à la mort, et la mort de la croix *. Nous avons vu que la vérité est la vie de notre intelligence, qu'elle ne peut dès lors exister qu'unie à Dieu vérité suprême, et que la parole est le lien, le médiateur de cette union. Révélées par la parole, les vérités nécessaires et la pensée même se conservent et se transmettent également par la parole : trop puissantes pour négocier avec une raison qui naît, elles entrent dans l'esprit en souveraines ; et certes il suffit de regarder autour de soi pour reconnoître que le monde moral ne subsiste que par l'autorité, moyen universel de connoissance, de société, de vie. Comme Dieu parla au premier père, le père parle à l'enfant, et l'enfant croit au témoignage du père, comme le père originairement a cru au témoignage de Dieu ; et ic encore il y a union, société, parce qu'il y a connoissance, amour des mêmes vérités, et soumission à l'ordre qui en dérive. Ainsi, et toujours selon la même loi, se forme la raison de la famille, la raison des peuples, la raison du genre humain, dont le témoignage devient l'infaillible garantie de la pureté des traditions primitives qu'il conserve, et qu'il ne pourroit perdre, sans perdre en même temps la parole, la pensée, la vie. L'homme ne subsiste qu'en obéissant aux loisphysiques, morales et intellectuelles qui dérivent de sa nature : donc il faut que ces lois aient toujours été connues. Comment sa raison seule les découvriroit-elle, puisqu'elles forment elles-mêmes sa raison, et qu'elle ne commence d'exister que lorsqu'elle commence à les connoître, lorsque la parole ou le témoignage les lui a révélées ? et ce que nous

* Qui cùm in formâ Dei esset.... semetipsum exinanivit formam servi accipiens... factus obediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Ep. ad Philip., II, 6-8.

disons des lois générales, communes à tous les hommes, .s'applique aux lois particulières, politiques et civiles. L'au.torité est donc tout ensemble l'unique fondement de vérité, et l'unique moyen d'ordre ou de bonheur. L'obéissance de l'esprit à l'autorité s'appelle foi, l'obéissance de la volonté, vertu; toute société est dans ces deux choses. Ainsi le genre humain, comme l'enfant et plus que l'enfant, a sa foi, qui est toute sa raison; et il a sa conscience, ou le sentiment, l'amour des vérités sociales qu'il connoit par la foi; et la foi au témoignage du genre humain est la plus haute certitude de l'homme, comme la foi au témoignage de Dieu est la certitude du genre humain.

Hors de là il n'existe qu'un doute universel et tellement destructif de la raison, que quiconque rejetteroit de son esprit les vérités incompréhensibles que la foi seule y conserve, et qui lui ont été révélées par la parole, seroit contraint de renoncer à la parole même qu'il ne connoit que par le témoignage, et dont il ne peut user que par la foi; contraint par conséquent de renoncer à toutes ses idées, .à toutes ses croyances, et qu'est-ce que cela, sinon la mert .complète de l'homme? Car, sans vérité, point d'amour, point d'action; donc la mort : voilà pourquoi les anges de ténèbres mêmes, forcés de rentrer par le châtiment dans l'ordre qu'ils troublèrent par leur crime, croient, parce qu'il faut qu'ils vivent, credunt et contremiscunti.

Cependant il se rencontrera, je ne sais dans quelle basse région de l'intelligence et comme sur les confms du néant, quelques misérables esprits, tristement fiers d'errer au hasard dans ces solitudes désolées, et à qui un stupide orgueil persuadera que, faits pour régner sur Dieu même, ils ne doivent entrer qu'en conquérants dans le royaume de la vérité. Nous ne croirons, disent-ils, que ce que notre

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raison comprendra : insensés, qui ne comprennent même pas que le premier acte de la raison est nécessairement un acte de foi, et qu'aucun être créé, s'il ne commençoit par dire je crois, ne pourrait jamais dire je suis.

Est-il donc si difficile de l'entendre? Otez la foi, tout meurt1; elle est l'âme de la société, et le fonds de la vie humaine *. Si le laboureur cultive et ensemence la terré, si le navigateur traverse l'Océan, c'est qu'ils croient; et ce n'est qu'en vertu d'une croyance semblable que nous parlicipons aux connoissances transmises, que nous usons de la parole, des aliments même. On dit à l'enfant : Mangez, et il mange : qu'arriveroit-il s'il exigeoit qu'auparavant on lui prouvât qu'il mourra, s'il ne mange point? On dit à l'homme : Vous voulez aller en tel lieu, suivez cette route: s'il refusoit de croire au témoignage, l'éternité entière s'écoulerait avant qu'il eût acquis seulement la certitude rationnelle de l'existence du lieu où il désire se rendre. Comment savons*nous qu'il existe entre nous et les autres hommes une société de raison, que nous leur communiquons nos pensées, qu'ils nous communiquent les leurs, que nous les entendons, qu'ils nous entendent? Nous le

1 Tis failh disarms destruction;

Believe, and shew the reason of a man;
Believe, and taste the pleasure of a God;
Believe, and look with triumph in the tomb;

Yodng, Night Thoughts. ,

"« Vous ne prenet pas garde, dit Théophile d'Antioche dans son apo^ « logie adressée à Autolyque, que la foi dirige et précède nécessaireit ment toutes nos actions* » Apol., lib. I* n> 8. Les anciens Pères ont beaucoup insisté sur tetle observation en effet très-itnportante. Vid. Ëdsel). Prieptir. Êvangeh, lib. t, c. v, p. lèetl6. Orig. cmiir. Cels., lib. I, n. 9 et seq. Cyril. Hyerosol. catech. V. Clément d'Alexandrie prouve, dans le second livre des Stromales, que le commencement de loules les sciences n'est pas la démonstration, mais la foi p. 369.

croyons, et voilà tout. Qui voudroit ne croire ces choses que sur une démonstration rigoureuse, renonceroit à jamais au commerce de ses semblables, renonceroit à la vie. La pratique des arts et des métiers, les méthodes d'enseignement, reposent sur la même base. La science est d'abord pour nous une espèce de dogme obscur, que nous ne parvenons ensuite à concevoir plus ou moins que parce que nous l'avons premièrement admis sans le comprendre, que parce que nous avons eu la foi. Qu'elle vienne à défaillir un instant, le monde social s'arrêtera soudain : plus de gouvernement, plus de lois, plus de transactions, plus de commerce, plus de propriétés, plus de. justice; car tout cela ne subsiste que par l'autorité, qu'à l'abri de la confiance que l'homme a dans la parole de l'homme ; confiance si naturelle, foi si puissante, que nul ne parvint jamais à l'étouffer entièrement; et celui-là même qui refuse de croire en Dieu sur le témoignage du genre humain, n'hésitera point à envoyer son semblable à la mort sur le témoignage de deux hommes. Ainsi nous croyons, et l'ordre se maintient dans la société ; nous croyons, et nos facultés se développent, notre raison s'éclaire et se fortilie, notre corps même se conserve; nous croyons et nous vivons; et forcés de croire pour vivre un jour, nous nous étonnerons qu'il faille croire aussi pour vivre éternellement!

Lorsque notre esprit paroît le plus indépendant, lorsqu'il examine, juge, raisonne, il obéit encore à la loi de l'autorité, et il n'est même actif que par la foi; car pour agir il faut vouloir, et point de volonté sans croyance. Gomment la raison pourroit-elle opérer avant d'être? Et qu'est-ce que la raison, si ce n'est la vérité connue? Une intelligence qui ne connoitroit rien, que seroit-elle? Cherchez dans cette nuit un objet que la pensée puisse saisir. Vous ne trouvez, vous ne voyez que des ombres, parce que la vérité, la lumière n'y est pas. Dieu la retient en luimême; et ces organes si parfaits, ce corps plein de grâce et de majesté que sa main vient de former avec complaisance, ce n'est pas l'homme encore; mais tout à coup la parole l'anime : Que l'intelligence soit! et l'homme fut. Dès lors, sans pouvoir s'en défendre et par une invincible nécessité d'être, il croit à la vérité que le témoignage lui révèle, et prend par la foi possession de l'existence.

Tel est l'ordre établi par le Créateur; nous ne pouvons l'altérer; il est au-dessus de nos atteintes. Cependant la vérité reçue dans notre intelligence n'y demeure pas stérile ; cultiVée par la réflexion, elle se développe, elle fructifie; de nouvelles idées parôissent, et nous les jugeons vraies ou fausses, selon la nature des rapports que nous apercevons entre elles et les vérités primitives. Juger n'est autre chose que comparer des idées nouvelles à des idées déjà existantes en nous, et qui n'ont pu elles-mêmes être jugées, puisqu'elles n'ont pu être comparées à rien d'antérieur. Ainsi, pour nous, la vérité, ce sont nos idées premières, et l'erreur, tout ce qui n'est pas compatible avec ces idées; et la logique, qui nous apprend à faire avec méthode ce discernement, n'est que la théorie de la foi *.

Rappelée à son origine, la raison humaine s'affermit inébranlablement. On la voit, si je l'ose dire, étendre ses fortes racines jusque dans le sein de Dieu. C'est là qu'elle puise la vie. Nous naissons à l'intelligence par la révélation de la vérité; et les vérités premières, reposant sur le témoignage de Dieu, ou sur une autorité infinie, ont une certitude infinie **. Elles constituent notre raison, qui ne peut

* L'objet de la logique, de la vraie du moins, est de nous apprendre quand nous devons croire; or, pour être raisonnables, nous devons croire souvent contre notre jugement particulier.

"Les idées les plus claires ont été tellement obscurcies dans ce siècle philosophique, qu'il est nécessaire de répondre ici à une question

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