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qui l'opère par un acte particulier; il est la suite, l'effet nécessaire de la violation des rapports qui nous unissent à lui; nous mourons à la vérité, à l'amour, à l'espérance, comme le corps meurt quand nous violons volontairement ses lois, et jamais l'âme ne périt que par un suicide.

Pour bien comprendre la misère d'une créature ainsi séparée de Dieu, il faut nous souvenir qu'il est notre lumière, le principe et le terme de notre amour, en sorte que nous ne nous aimons nous-mêmes que par le mouvement qui nous porte- vers le souverain bien ou la souveraine vérité. Ici nous n'en sommes jamais séparés totalement. L'athée même participe aux vérités que la société conserve; protégé quelque temps par l'ordre même qu'il viole, il vit de la foi sociale et des biens qui en sont le fruit, comme un étranger s'assied en passant à la table de la famille. Mais, au moment du départ, il n'emporte que ce qui est à lui; et qu'a-t-il en propre que les ténèbres, avec je ne sais quelle faim dévorante d'un bonheur que rien de créé ne peut lui offrir? Vide de tout bien, et ne pouvant aimer que le bien, il se hait dès lors d'une haine infinie; car l'amour du souverain bien implique la haine du souverain mal; et conçoit-on un mal plus grand que le désordre irréparable qui, ne laissant dans un être rien de vivant que la douleur, le prive à jamais de sa Ûnt je dis à jamais; car comment l'homme rentreroit-il en société avec Dieu? De lui-même il ne le peut pas, puisqu'il ne peut forcer Dieu de l'éclairer, de l'aimer, de s'unir à lui ; et Dieu non plus ne le peut pas, parce qu'il ne peut aimer le mal, ni vouloir le

« sont aveuglés eux-mêmes, sont ù jamais privés de la douceur de la « lumière, non que la lumière soit la cause de leur aveuglement, mais « parce que leur aveuglement les sépare de la lumière. » S. Iren.adv. hseres-, lib. V, cap. Xxvii. Oper., p. 325. Edit. Benedict.

désordre, ou sa propre destruction. Donc aussi longtemps que Dieu sera Dieu, aussi longtemps qu'il s'aimera comme le principe de toute perfection et de tout ordre, il ne peut aimer un être mauvais, ni s'unir à lui ; donc leur séparation, une fois consommée, est éternelle.

Tandis que nous vivons dans la société présente, nous tenons encore à Dieu par elle ; nous pouvons nous replacer dans nos vrais rapports avec lui; nous pouvons le connoître, l'aimer, obéir à l'ordre qu'il a établi; car en toute société humaine, même la plus imparfaite, il y a connoissance, amour ou crainte de la Divinité, et un ordre moral auquel l'homme est libre de se soumettre. Mais après cette vie, une autre vie commence dans une autre société, société du bien, ou de vérité et d'amour, si nous sommes demeurés volontairement unis à Dieu; société du mal, ou de ténèbres et de haine, si nous nous sommes éloignés volontairement de Dieu, et tout changement dès lors est impossible, parce qu'il n'existe plus de liaison entre ces deux sociétés, mêlées seulement sur la terre, et ensuite éternellement séparées; parce que l'homme ne peut plus ni aimer Dieu, ni s'aimer lui-même, ni par conséquent se repentir: il ne peut s'aimer, parce qu'il ne voit en lui aucun bien; il ne peut aimer Dieu, parce que Dieu, le repoussant de toute sa justice, ne peut vouloir lui imprimer aucun mouvement vers lui. Bien plus, quand le souverain Être, s'oubliant lui-même, lui ouvriroit les portes de l'abîme où il s'est, précipité, sa conscience l'arrêteroit sur le seuil ; il refuseroit une autre demeure; car en celle qu'il a méritée, il est dans l'ordre, et l'ordre même dont nous souffrons est plus conforme à notre nature, il est pour nous une moindre souffrance que ne le seroit sa violation *. Tel est, même ici-bas,

* « La cause du peu d'idées <jue nous avons du péché dans cette vie l'empire de la justice sur l'homme, que, pressé du remords, on l'a vu solliciter la punition comme une grâce: et le supplice soulage quelquefois. Ainsi Dieu ne concourt au châtiment de l'homme coupable qu'en le laissant là où il s'est placé, et où il demeure volontairement.

Et qu'on ne se flatte pas que la longue durée du châtiment efface la faute. La punition ne rend pas plus l'innocence, que la mort, punition aussi des désordres corporels, ne rend la santé : et certes, si nous ne nous étonnons pas en voyant cette punition terrible, immuable, de la violation, même involontaire, des lois physiques, je ne sais

« est le peu de connoissances que nous y avons de la justice de Dieu; « et la cause au contraire de cette grandeur où nous le verrons dans « l'autre, est la vue claire que Dieu nous donnera de cette justice. Nous « verrons jusqu'à quel point le péché est haï de Dieu, la difformité « effroyable qu'il cause dans l'âme, le dérèglement horrible qu'il en« ferme, l'opposition qu'il a avec la sainteté et la justice de Dieu. Nous « serons tous convaincus de la ligueur et de l'inflexibilité de cette jusa lice. Et cette vue sera si terrible pour les méchants, qu'elle leur fera « souhaiter l'enfer pour s'y cacher. Ils s'y réduiront, selon la pensée « d'une âme sainte (sainte Catherine de Gênes), comme au lieu qui « leur convient le plus, et où ils seront le moins pénétrés par les rayons « brûlants de cette lumière qui les chassera de tout autre lieu, et ne « leur permettra que cet abîme. » Nicole, Traité des quatre dernières ftns de l'homme, liv. II, ch. iv; Essais de Morale, t. IV, p. -109 et 110.

Ail good to me becomes
Bane, and in Heav'n much worse would be my state,

dit le Satan de Milton (liv. IX); et cette idée est si vraie, si naturelle, qu'on la trouve également dans le poëme de Dante.

Quelli chè mujon nelT ira di Dio,
Tutti convegnon qui d'ogni paese:
E pronti sono al trapassar del rio,
Che la divina giustizia gli sprona,
Si che la tema si volge in disio.

Cant. 111.

pourquoi nous nous étonnerions de ce qu'un semblable châtiment soit la suitè de la violation volontaire des lois de l'intelligence.

Aussi presque toujours ne feint-on d'en douter, que pour s'étourdir soi-même. L'idée d'une peine infinie consterne l'imagination. Cette idée néanmoins est si naturelle à l'homme, elle le remplit d'une si vive terreur, qu'il embrasse avec joie, pour s'y dérober, l'espoir d'un anéantissement éternel. Otez la crainte de l'enfer, cet horrible amour du néant seroit inexplicable; car l'homme hait invinciblement sa destruction. 11 ne" pourroit songer sans hprreur qu'il cessera d'être, s'il ne redoutoit d'être à jamais misérable. La mort même n'est si affreuse, que parce qu'elle est une image du néant. Nul doute que, si l'on proposoit aux hommes, au prix de longues souffrances dans l'autre vie, une félicité sans terme et sans mesure, ils ne l'acceptassent avec empressement à cette condition, de préférence au néant. Donc, quiconque désire le néant, craint l'enfer.

Je crois avoir prouvé qu'il existe une Religion véritable, ou des rapports nécessaires entre Dieu et l'homme; que ces rapports étant invariables comme la nature de l'homme et celle de Dieu, il n'existe qu'une seule vraie Religion ; et enfin qu'il n'y a de salut, ou de bonheur et de vie, que dans - son sein, puisqu'aucun être ne peut vivre qu'en se conformant aux lois qui dérivent de sa nature.

Ces conséquences se déduisent si évidemment de l'existence simultanée de Dieu et de l'homme, que je ne pense pas qu'on les conteste. Mais quand on les nieroit, il m'importeroit peu, et voici ma réponse à ceux que le raisonnement n'aura pas convaincus : Mon dessein n'est pas de disputer ; je ne viens point m'engager avec vous dans des controverses interminables. Ce n'est ni votre raison, ni la mienne qui doivent décider ces grandes questions, mais la raison générale. Reconnoissez son autorité, ou abjurez votre propre raison, car elle n'a pas d'autre fondement. Ne dites point : Je ne comprends pas : il suffit que tous les peuples aient compris, il suffit qu'ils aient cru. Ne dites point : Cela répugne à mon jugement : qu'est-ce que votre jugement, et de quel droit osez-vous l'alléguer? De qui avez-vous reçu l'intelligence, sinon de la société? Elle vous a donné la parole, elle vous a donné la pensée, et avec cette pensée d'emprunt, vous prétendriez réformer les siennes! Ne voyez-vous pas que, sur aucun point, vous n'êtes assuré de la vérité que par son témoignage? Croyez-la donc, ou ne croyez rien. Croyez tous les peuples, lorsqu'ils attestent . qu'entre l'homme et son auteur il existe des rapports naturels, immuables, ou renoncez à toute certitude. Si, une seule fois, vous vous élevez contre l'autorité du genre humain, à l'instant, comme je l'ai fait voir, vous perdrez le droit de rien affirmer; et l'acte par lequel un esprit créé se constitue roi de ses pensées, n'est qu'une effrayante abdication de la vie.

Or quel est le peuple qui n'ait pas cru à l'existence d'une vraie Religion, quin'ait pas repoussé comme fausses toutes les Religions contraires à la sienne, et regardé comme un crime la violation des devoirs qu'elle impose? Qu'on nous montre ce peuple étonnant, sans Dieu, sans foi, sans culte. On ne le tentera même pas. Depuis l'origine des sociétés,' un pouvoir supérieur, qui n'est que la raison sociale éclairée par une raison plus haute encore, prosterne le genre humain au pied des autels; de tous les points de la terre, une voix puissante n'a cessé de monter vers les cieux pour y porter les prières et les adorations des mortels. Qu'importe, dans ce magnifique concert, le silence de quelques hommes? Qu'importent leurs opinions et leurs doutes solitaires? En accusant d'erreur toutes les nations et tous les siècles, ils se convainquent eux-mêmes de folie; car quelle

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