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folie plus extrême que d'opposer à la raison générale sa propre raison, incapable dès lors de se prouver à ellemême qu'elle est?

Enfin, il se trouvera des intelligences rebelles qui en viendront jusque-là. Elles mettront leur gloire à se séparer de la société où elles puisent la vie, et on les entendra chanter en triomphe leur hymne de mort. Étrange dégradation! Et qui peut donc inspirer à quelques insensés cette monstrueuse répugnance pour leur auteur? Ils s'en vont cherchant ardemment de nouveaux rapports entre eux et les créatures, entre leurs organes et les substances brutes ; même ils en rêveront avec joie entre la matière et leur pensée, entre leurs destinées et le néant; et les voilà qui s'indignent quand on leur parle de leurs rapports avec la Divinité! Cela confond; mais il est ainsi : Dieu les fatigue, Dieu leur déplaît ; ils l'ont pris à dégoût . Ils pourront supporter toutes les lois, hors les siennes. Ah ! j'en aperçois la raison. Pénétrez au fond de ce éœur, qu'y découvrez-vous? des penchants que la Religion réprouve ; il faut les vaincre, on ne le veut pas; un orgueil démesuré, qui aspire à une indépendance sans bornes, et refuse d'obéir même à Dieu ; il faut le soumettre, on ne le veut pas. Donc c'est la volonté qui déprave l'entendement; et j'en comprends mieux encore cette grande loi de châtiment portée contre l'impie. Oui, une effroyable punition est due à ce désordre effroyable. Qui se soustrait au sceptre du monarque trouvera tôt ou tard le glaive du juge. J'en atteste la foi du genre humain, la raison de toutes les sociétés. Une autre vie au delà de cette vie, des peines et des récompenses infinies en durée, tel est le symbole de la tradition. Partout vous rencontrerez la crainte et l'espérance à l'entrée du tombeau; partout on vous dira que, de ses profondeurs mystérieuses partent deux routes à jamais séparées, dont l'une conduit au royaume des ténèbres, des 176 ESSAI SUR L'INDIFFÉRENCE EN MATIÈRE DE RELIGION.

souffrances et de la haine, et l'autre aux régions de la lumière, des joies immortelles et de l'amour. Mais nous n'avons pas même besoin de recourir à cet infaillible témoignage. Lorsqu'au milieu des Religions diverses, nous aurons découvert la véritable, il suffira d'écouter ce qu'elle nous apprend sur ce point. Cherchons donc par quel moyen nous apprendrons à la reconnoitre; et d'avance, nous dégageant de tout préjugé contraire à ses enseignements, de toute passion contraire à ses lois, préparons notre esprit à lui obéir et notre cœur à l'aimer.

CHAPITRE V

RÉFLEXIONS GÉNÉRALES SDR LA POSSIBILITÉ ET LES MOYENS
DE DISCERNER LA VRAIE RELIGION.

Élevons-nous un moment au-dessus de la terre et de tout cet univers visible, pour entendre ce que c'est que l'homme, et le contempler dans sa grandeur. A peine s'est-il reconnu lui-même, qu'il sè sent à l'étroit dans l'immensité. Roi de la création, il jette un regard sur son empire, et le dédaigne. Sa pensée, son amour, s'élancent dans l'infini; il y cherche l'Être éternel, il le découvre; et alors, seulement alors, ses anxiétés s'apaisent et ses désirs se reposent. L'ordre universel lui apparoît dans son immuable magnificence; il y voit sa place fixée à jamais par la sagesse suprême; il y voit les rapports qui l'unissent avec toutes les intelligences, avec Dieu même, leur principe et leur centre, avec la vérité souveraine et le souverain bien. A cette hauteur, il s'appuie sans étonnement sur ses destinées immortelles, et il aspire avec calme au rang qui lui est promis dans la sublime société dont le Tout-Puissant est le monarque.

Pour obtenir ce rang ou pour atteindre sa fui, il faut qu'il obéisse aux lois de son être; car tout être, comme nous l'avons vu, a ses lois ou sa manière propre d'èxister : il vit en s'y conformant, il périt s'il les viole. Relatives à notre nature, les lois de notre être embrassent nécessairement toutes nos facultés : et il est étrange que, reconnoissant les lois de la matière et de notre organisation physique, on se pérsuade que l'intelligence, l'amour, ou ce qui constitue véritablement l'homme, ne soit soumis à aucune loi.

Mais si, comme on n'en sauroit douter, il existe entre notre intelligence et la vérité, entre notre amour et le bien, des rapports indépendants de notre volonté, ces rapports sont, pour l'homme moral et intelligent, les lois naturelles de la vie, et il ne peut pas plus les enfreindre impunément que les lois du corps.

On ne dira pas que nous avons la connoissance innée de celles-ci, ni que nous les découvrons par le raisonnement. Nous apportons, il est vrai, la faculté de cônnoître, mais nous ne connoissons rien en naissant. Incapables de pourvoir à notre conservation, nous ne savons même pas faire usage de nos sens, et il en seroit ainsi, de l'aveu dp Rousseau \ quand nous naîtrions avec des organes plei

1 « Supposons qu'un enfant eût à sa naissance la stature et la force « d'un homme fait, qu'il sortît pour ainsi dire tout armé du sein de sa « mère, comme Pallas sortit du cerveau de Jupiter; cet homme enfant « seroit un parfait imbécile, un automate, une statue immobile et pres« que insensible. Il ne verroit rien, il n'entendrait rien, il ne connoî« trait personne, il ne sauroit pas tourner les yeux vers ce qu'il au« roit besoin de voir. Non-seulement il n'apercevrait aucun objet hors « de lui, il n'en rapporterait même aucun dans l'organe du sens qui « le lui ferait apercevoir; les couleurs ne seraient point dans ses yeux, « les sons ne seraient point dans ses oreilles, les corps qu'il toucherait « ne seraient point sur le sien, il ne sauroit même pas qu'il en a un...

« Cet homme formé tout à coup ne sauroit pas non plus se redresser n sur ses pieds; il lui faudrait beaucoup de temps pour apprendre à nenient développés. Dans les premiers temps de notre existence, on nous force d'obéir aveuglément aux lois physiques, les seules auxquelles nous soyons alors soumis, parce que nous ne sommes encore qu'êtres physiques. Lorsque nous devenons capables de pensée, on nous instruit de ces mêmes lois, on nous les notifie, pour ainsi dire, sans se mettre en peine de les expliquer, et nous y croyons sur le témoignage des autres hommes ou de la société. Ainsi se forme la foi, ainsi la vie se conserve. Ni la raison, ni l'expérience ne sauroient, à cet égard, suppléer l'autorité; car, avant que la raison ait commencé de poindre, avant que nous ayons pu acquérir aucune expérience, il faut nécessairement ou mourir, ou se conformer aux lois du corps.

i s'y soutenir en équilibre; peut-être n'en feroil-il pas même l'essai, « et vous verriez ce grand corps fort et robuste rester en place comme « une piejfe, ou ramper et se traîner comme un jeune chien.

« Il sentiroit le malaise des besoins sans les connoître, et sans imai giner aucun moyen d'y pourvoir. Il n'y a nulle immédiate commuai-> i cation entre les muscles de l'estomac et ceux des bras et des jambes, « qui, même entouré d'aliments, lui fit l'aire un pas pour en approcher, « ou étendre la main pour les saisir; et comme son corps auroit pris « son accroissement, que ses membres seroient tout développés, qu'il « n'auroit par conséquent ni les inquiétudes, ni les mouvements con« tinuels des enfants, il pourrait mourir de faim avant de s'être mu « pour chercher sa subsistance. Pour peu qu'on ait réfléchi sur l'ordre 5 et le progrès de nos connoissances, on ne peut nier que tel ne fût à « peu près l'état primitif d'ignorance et de stupidité naturel à l'homme, « avant qu'il eût rien appris de l'expérience et de ses semblables- i [Emile, t. I, p- 07 et 68, édit. de 1785.) Par ces dernières paroles, Rousseau rentre dans son système sur l'état naturel de l'homme, état où, comme il vient de le dire, l'homme ne pourroit se conserver; de sorte que, selon ce système, la nature de l'homme seroit de ne pas être; et Rousseau avoue que, pour qu'il vive, il faut que ses semblables lui apprennent à vivre : importante vérité qui auroit du le conduire a beaucoup d'autres, et qui détruit par leur fondement toutes les erreurs ou il est tombé.

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