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Il n'eu est pas ainsi de la raison individuelle. En s'isolant, elle perd l'appui de la tradition. Incapable dès lors de remonter à son principe, elle ne voit en elle qu'un effet sans cause. Le doute l'envahit de toutes parts. Elle ne trouve en elle aucune certitude, parce qu'elle n'y trouve rien de nécessaire. Pouvant également être, ou n'être pas, son existence lui devient un problème éternellement insoluble 1 ; car le témoignage est l'unique moyen par lequel il puisse être résolu, et elle ne sauroit se rendre à ellemême un témoignage infaillible ou certain. Et ceci nous aide à comprendre cette profonde parole de la souveraine raison, du Verbe éternel revêtu de notre nature : Si je me rends témoignage à moi-môme, mon témoignage n'est pas vrai. Il y a un antre qui rend témoignage de moi'1. Par cela seul donc que la raison se sépare de la société, elle meurt; elle viole la loi du témoignage ou de l'aulorilé, qui, pour les êtres intelligents, est la loi de la vie.

Nulle loi n'est plus générale; elle ne souffre aucune exception; elle embrasse la durée entière de notre existence.- Si l'homme, aveugle et corrompu, n'essayoit pas de s'y soutraire, ses magnifiques destinées s'accompliroient sans effort. En ce qui concerne la vie présente, il se résigne aisément à obéir à l'autorité, parce qu'avant tout il veut vivre, et qu'il aperçoit la mort après la désobéissance. Mais ce qui intéresse la vie éternelle, la vie de l'âme, ne le touche pas, à beaucoup près, autant. Comme il ignore ce que c'est que cette vie, qu'il n'en a pas le sentiment, il n'éprouve point la même horreur de sa privation ou de la mort éternelle. Porté naturellement à ne reconnoître

1 Voyez le chap. î" de la III" partie.

2 Si ego testimonium perhibeo de me ipso, testimonium meum non est verum. Alius est, qui testimonium perhibet de me. Joan., v. 51 et 52. Jésus-Christ parle ici comme hcmme, et verum est synonyme de cerliim.

aucun maître, il cherche en lui-même la loi de vérité et la loi d'ordre, dont il a puisé la notion dans la société. Il la demande d'abord à sa raison, et sa, raison lui répond : Que sais je ? Illa demande ensuite au sentiment, et le sentiment ne lui répond point, car il n'a pas de langage; ou, si l'on prend pour une réponse le penchant qui entraîne vers certains objets, ou l'aversion qu'ils inspirent, la vérité et l'ordre deviennent aussi incertains, aussi variables que nos amours et nos haines. Ainsi l'homme, qui ne peut que penser et sentir, s'adresse tantôt à la raison par mépris pour le sentiment, tantôt au sentiment par mépris pour la raison. Il poursuit, haletant de désir, la vérité qui le fuit ; et quand il se croit près de l'atteindre, ses yeux s'obscurcissent, il chancelle, et ne trouve, dans une nuit profonde, que le doute pour appui. L'orgueil, principe éternel de désobéissance ; l'orgueil, toujours en révolte contre le pouvoir, est la première cause de ce grand désordre, par lequel l'homme, fixé en lui-même, demeure comme suspendu entre la lumière et les ténèbres, entre la vie et la mort. Il se persuade qu'on exige de lui le sacrifice de sa raison, en le pressant d'obéir l'autorité; et tout au contraire, l'autorité n'étant que la raison générale manifestée par le témoignage, il est sou

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« Notre mal ne consiste que dans notre passion pour raisonner. « C'est notre sagesse intempérante et éloignée de toute sobriété, la« quelle nous travaille, comme une fièvre ardente qui met en délire. « C'est la vaine curiosité d'un esprit qui veut toujours tenter l'impos« sible, et qui ne peut ni sortir de son ignorance, ni la supporter hum« blement en paix. C'est ce mésaise et cette rêverie de malade, que « nous n'avons pas honte d'appeler une noble recherche de la vérité... « L'homme prétend, à force de raisonner, se guérir d'un mal qui est « l'intempérie du raisonnement même : c'est en arrêtant notre raison« nement téméraire que nous guérirons notre raison. » Fénelon, Leltre II°, au P. Lami, OEuvres, tome III, page 549, Édit. de Versailles

verainement raisonnable d'y déférer, puisque, iiiême en laissant à part les considérations qui en dénontrent l'infaillibilité, elle a au moins en sa faveur les présomptions les plus fortes. Si se soumettre à ses décisions étoit renoncer à la raison, l'homme ne ferait pas un acte qui ne fût déraisonnable, car toutes ses actions, comme être physique et comme membre de la société, supposent une pleine foi dans le témoigllage, une obéissance complète à l'autorité ; et, sans chercher d'autre exemple, ce n'est pas à sa raison que, l'homme doit le langage ; il l'a reçu, et il l'emploie tel qu'on le lui a donné ; et parler, c'est obéir.

Ainsi partout l'autorité se découvre à nos regards ; elle anime et conserve l'univers qu'elle a créé. Sans elle, nulle existence, nulle vérité, nul ordre. Principe et règle de nos pensées, de nos affections, de nos devoirs, elle règne · sur l'âme tout entière, qui vit uniquement de foi, et qui meurt à l'instant où elle cesse d'obéir. Et l'on ne doit pas s'en étonner, puisque l'empire de l'autorité n'est que l'empire de la raison manifestée par la parole. Qui ne l'a pas entendue ne sait rien, ne connoit rien. L'intelligence n'a point d'autre fondement, la certitude n'a point, ne sauroit avoir d'autre base que ce grand témoignage originairement rendu par Dieu même, raison universelle, immuable, infinie. A"

On ne peut donc trouvér ailleurs la certitude de la Religion; et Bossuet insiste sur cette vérité dans les termes les plus forts. « Je dis qu'il n'y eut jamais aucun temps « où il n'y ait eu sur la terre une autorité visible et par« lante à qui il faille céder... Je dis qu'il faut un moyen « extérieur de se résoudre sur les doutes, et que ce moyen « soit certain*. » *

* Conférence avec M. Claude. OEuvres de Bossuet, t. XXIII, p. 294 et 295, Edit. de Versailles.

En d'autres mots, il faut que la Religion soit certaine. Or, comment l'homme, qui ne peut acquérir par sa seule raison, par son jugement individuel, la certitude d'aucune connoissance, même la plus simple, trouveroit-il dans cette même raison la certitude des dogmes les plus élevés, des mystères les plus incompréhensibles ; mystères dont il n'a nulle idée avant qu'on les lui révèle, et qu'il ne connoît que par l'enseignement de l'autorité qui lui commande de les croire?

Mais la Religion n'est pas seulement un ensemble de connoissances ; elle est encore, elle est principalement une loi, puisqu'elle renferme toute vérité et tout ordre, ou tout ce qui doit régler la raison, le cœur et les actions de l'homme, tout ce qu'il doit croire et pratiquer. Çr, point de loi sans autorité : ces deux idées sont corrélatives. Donc la Religion repose nécessairement sur l'autorité, et la vraie Religion sur la plus grande autorité, sans quoi les hommes ne pourroient la reconnoître, ou savoir à quoi Dieu leur commande d'obéir.

Tous, nous l'avons prouvé1, doivent parvenir à la connoissance de la vraie Religion. Il doit donc exister un moyen général de la discerner. Or la Religion est vérité, et le seul moyen que nous ayons de discerner avec certitude la vérité de l'erreur, est l'autorité: donc l'autorité est le seul moyen, le moyen général de discerner la vraie Religion; en sorte que celle-là est certainement ou nécessairement la véritable qui repose sur la plus grande autorité.

La Religion est l'ensemble des lois qui résultent de la nature des êtres intelligents. Or le genre humain périroit

1 Voyez le chapitre v de la III" partie. Omnes homines vult salros fteri, et ad agnitionem veritatis venire : Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, et parviennent à la connoissance de la vérité. Ep. I ml Timoth. n, 4.

s'il falloit que chacun découvrit, ou même comprit clairement les lois naturelles, qu'il ne peut néanmoins transgresser sans mourir : donc nous en devons être instruits parle témoignage1, donc l'autorité est le seul moyen, le moyen général de connoitre les lois de l'intelligence ou de discerner la vraie Religion ; en sorte que celle-là est certainement ou nécessairement la véritable qui repose sur la plus grande autorité.^

La Religion enfin est l'expression de la volonté de Dieu, puisqu'il veut que l'homme vive *, et qu'il ne peut vivre de la vie de l'âme qu'en se conformant aux lois de la Religion3: c'est donc un devoir de s'y soumettre; or tout devoir suppose une autorité qui commande: donc l'autorité est le seul moyen, le moyen général de nous assurer de nos devoirs comme êtres intelligents, ou de discerner la vraie Religion; en sorte que celle-là est certainement ou nécessairement la véritable qui repose sur la plus grande autorité.

1 C'est uniquement par ce moyen que les hommes s'instruisent des lois de leur conservation physique. Ils croient au témoignage, et ils vivent : qu'arriveroit-il s'ils le rejetoient? La vie de l'âme se conserve donc de la même manière que la vie du corps, en obéissant à l'autorité. Dirà-t-on qu'on est d'accord sur les lois physiques, et qu'on ne l'est pas sur les lois de l'intelligence? Je répondrai qu'il existe des opinions particulières, des erreurs, sur les unes comme sur les autres. Tous les hommes, dans tous les pays, sont-ils d'accord sur les bons ou mauvais effets de telle ou telle substance, sur les règles d'hygiène, et mille choses semblables? Se se trompent-ils jamais sur ce qui est propre à entretenir la santé, à conserver la vie? Assurément, rien n'est plus commun. Qu'y a-t-il donc de certain en ce genre? ce que l'autorité générale atteste. Il en est ainsi à l'égard de l'intelligence.

- Je suis venu pour qu'ils aient la vie, et une plus grande abondance devie: Ego veni ut vitamhabeant, ettabundantius habeant- Joan. x, 10.

r' Ce que Dieu commande est la vie éternelle : Mandatum ejus, vita xterna est. Joan^ xu, 50.

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