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« cune voie certaine par où les âmes puissent arriver à la « sagesse et au salut, à moins que la foi ne les prépare à « la raison1. »

Les faux systèmes de philosophie adoptés tour à tour depuis Aristote, et dont l'influence s'étendit jusque dans les écoles chrétiennes, avoient tous une tendance commune. Us jetèrent les esprits dans le vague, en substituant de pures abstractions à la réalité des choses. Ne considé

« n'établit point le pyrrhonisme en se fixant à la tradition constante, « uniforme, universelle de tous les peuples dans leur origine qui atteste « une révélation. C'est, au contraire, en suivant une route différente, « en donnant tout au raisonnement et rien à la tradition, que les philo— « sophes ont fait naître le 'pyrrhonisme. Tous ceux qui veulent retenir « la même méthode, aboutiront au même terme; Dieu a voulu nous « instruire par la tradition et par la voie d'autorité, et non par le raia sonnement. » (Bergier, Traité de la vraie religion, tom. I, p. 516. Edit. de Besançon, 1820.) Le premier auteur qui ait entrepris, depuis la renaissance des lettres, de défendre la religion chrétienne contre les athées, les déistes et les hérétiques, établit le principe d'autorité comme la seule base sur laquelle on puisse élever solidement l'édifice de nos eonnoissances, de quelque ordre qu'elles soient. « Par l'inclination na<t turelle des hommes, dit-il, ils sont continuellement en cherche de « l'évidence, de la vérité et de la certitude, et ne se peuvent assouvir « ni contenter qu'ils ne s'en soient approchés jusques au dernier point « de leur puissance. Or, il y a des degrés en la certitude et en la preuve, « qui font les unes preuves plus fortes, les autres plus foibles, quelque « certitude plus grande, quelque autre moindre. L'auloriléde la preuve « et la force de la certitude s'engendrent de la force des témoins et « des témoignages, desquels la vérité dépend : et de là vient que d'au« tant que les témoins se trouvent plus véritables, apparents et indubi« tables, d'autant y a-Uil plus de certitude en ce qu'ils prouvent. Et s'ils « sont tels que leurs tesmoignages par leur évidence ne puissent tomber « en nul doute, tout ce qu'ils vérifieront nous sera très-certain, très« évident et très-manifeste. » La théologie naturelle de Raymond Sebon, ch. î, p. 1 et 2. Paris, 1611.

1 Nulla certa ad sapientiam salutemque animis via est, nisi cùm eos rationi praecolit lides. De utilit. credendi, cap. xvu, Oper. tom. VIII, col 09.

rant jamais que l'homme isolé, et le privant ainsi de l'appui de la tradition, ils l'obligèrent de chercher en lui-même toutes les vérités nécessaires, et la certitude de ces vérités, attribuant à la raison de chaque individu les droits de la raison universelle, de la raison divine elle-même, et l'affranchissant de toute dépendance comme de toute autorité. De ce moment l'homme fut l'unique maître de ses croyances et de ses devoirs: il fut infaillible, il fut Dieu, puisqu'il s'arrogea la plénitude de la souveraineté intellectuelle, et qu'au lieu de dire, comme la Religion et le sens commun le lui commandent : Dieu est, donc je suis, il se plaça insolemment à la tête de toutes les vérités et de tous les êtres, en disant: Je suis, donc Dieu est.

Ce n'est pas ici qu'il convient de développer les conséquences de cette grande et fatale erreur. Nous devons néanmoins en remarquer une qui se lie au sujet que nous traitons en ce moment. Après avoir systématiquement séparé l'homme de la société, il a fallu ou l'abandonner à un athéisme irrémédiable, ou soutenir qu'il existe en lui une loi morale et religieuse,indépendante de la tradition; loi certaine et connue de tous, sans révélation primitive et sans enseignement extérieuu qui la perpétue. Une juste horreur de l'athéisme a porté la plupart des philosophes à prendre ce dernier parti. Ils ont donc imaginé une Religion qu'ils appellent naturelle parce que la nature, disent-ils, l'enseigne à tous les hommes, de sorte que chacun, en consultant sa raison seule, y découvre ce qu'il doit croire et ce qu'il doit pratiquer. On s'est habitué dès lors à distinguer deux Religions différentes par leur origine, l'une naturelle et nécessaire, l'autre contingente et révélée, opposant ainsi la nature et la révélation; comme si la révélation qui n'est que la manifestation de Dieu à l'homme, le Créateur parlant à sa créature intelligente, le pouvoir à ses sujets, le père à ses enfants, n'étoit pas tout ce qui se peut concevoir de plus conforme à la nature de l'homme, qui ne sait rien que ce qu'on lui a appris, et à la nature de Dieu, qui n'a créé l'homme que pour en être connu, aimé et servi. Mais les idées les plus simples, et que tous les peuples ont comprises, sont précisément celles qui choquent l'orgueil philosophique. Le philosophe ne veut point de maître dans la recherche de la vérité : elle doit être sa possession propre, sa conquête, ou il la repousse avec mépris. Nul n'a le droit de lui dire : Croyez ; et, s'il consent à reconnoître quelque chose au-dessus de lui, s'il daigne admettre un Dieu, il faut qu'il se soit fait lui-même ce Dieu, et que sa raison d'un jour ait créé l'Éternel. Certes, il est permis de s'étonner que l'absurde hypothèse d'une Religion que chacun trouve en soisans instruction précédente, ait pu être adoptée par des Chrétiens. Cette Religion, qui n'est que le déisme*, n'auroit aucune base, ou reposeroit soit sur le sentiment, soit sur le raisonnement individuel, et même toujours, en dernière analyse, sur le raisonnement; car, que feroit-on, que devroiton faire, si ce que l'on pense ne s'accordoit pas avec ce que l'on sent? et n'est-ce pas la raison qui juge, qui décide, qui affirme?La Religion naturelle ne seroit donc ni certaine, ni obligatoire * : elle ne seroit pas certaine, puisque sa certitude n'auroit d'autre fondement qu'une raison faillible: elle ne seroit pas non plus obligatoire; car pourquoi seroit-on obligé de croire vrai ce qui pourroit être faux? « Notre doctrine, dit un ancien Père, ne seroit « qu'une doctrine humaine, si elle n'étoit appuyée que « sur le raisonnement1. » Or, quelle obligation morale peut-il résulter d'une doctrine humaine, ou d'une opinion?

* Voyez tom. I, part. I, ch. Iv et v.

* Voyez tom. II, ch. xvIII et xIx.

Ratio humana in rebus humanis est multùm deficiens : cujus signum est, quia philosophi de rebus humanis naturali investigatione perscrutantes, in multis erraverunt, et sibi ipsis contraria senserunt : ut ergo esset indubitata et certa cognitio apud homines de Deo, oportuisse quod divina eis per modum fidei traderentur, quasi à Deo dicta, qui mentiri non potest. S. Thom. 2. 2°. q. 2. art. 4. Explicatio credendorum fit per revelationem divinam. Credibilia enim naturalem rationem excedunt. Ib. art. 6. — Longtemps avant saint Thomas, saint Athanase avoit dit :

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Supposez, d'ailleurs, que ce soit un devoir pour chaque homme de regarder comme la vérité ce qui paroît tel à sa raison, et d'agir conformément à ce qu'il pense et ce qu'il sent, il y aura autant de vérités diverses, autant de Religions et de morales qu'il y a de têtes. L'ignorance qui obscurcit l'entendement, le fanatisme qui le subjugue, les passions qui le corrompent, détermineront pour chacun des lois opposées, et néanmoins également certaines, également obligatoires ; et c'est ce qui arrive toutes les fois qu'on ne donne à l'esprit d'autre règle que ses propres jugements. « Il n'y a point de particulier, dit Bossuet, qui « ne se voie autorisé par cette doctrine à adorer ses inven« tions, à consacrer ses erreurs, à appeler Dieu tout ce « qu'il pense \ »

« Divinitas non demonstratione rationum traditur; sed fide, et pià cogia tatione, cum religione. » Athan. ad Serap., tom. I, p. 360. Et saint Jean Damascène : <t Nemo unquàm Deum cognovit, nisi cui ipse revelaa verit. >, Exposit. accurata flttei orthodoxx, lib. I, cap. i, Oper. tom. I, p. 123.—Lactanceest encore, s'il se peut, plus précis: « NulU « est humana sapientia, si per se ad notionem veri, scientiamque nita« tur; quoniam mens hominis cum fragili corpore illigata et in lene« broso domicilio inclusa, neque liberiùs evagari, neque clariùs perspi« cere veritatem potest; cujus notio divinae conditionis est. Deo enim « soli opera sua nota sunt; homo autem non cogitando, aut disputando « assequi eam potest; sed discendo, et audiendo ab eo, qui scire solus « potest, et docere. » De Vitâ beatâ, lib. VII, n. 2. 1 Athenag. Apolog., n. 9.

* Oraison funèbre de la reine d'Angleterre. — Bossuet parle dans ce

Nul moyen d'exiger la croyance d'aucun dogme, ni l'obéissance volontaire à aucune loi, dès qu'on admet le principe sur lequel repose ce qu'on appelle la Religion naturelle, et qui n'est que le renversement de toute Religion; car ma Religion, dans ce système, c'est ma pensée, mon sentiment, comme le sentiment, la pensée d'un autre est sa Religion; d'où il suit que toutes les Religions sont vraies, ou qu'aucune ne l'est : or, soutenir que des Religions contraires sont toutes vraies, c'est affirmer qu'elles sont toutes fausses, c'est établir l'indifférence absolue des Religions, et ne laisser aux esprits conséquents d'autre refuge que l'athéisme.

Voilà où les philosophes de toutes les écoles ont été conduits, en rêvant un chimérique état de nature, qu'ils se sont efforcés de trouver partout, où ils ont cherché l'origine et la raison de tout, même de la Religion, même de la pensée; état qui, s'il pouvoit exister, ne seroit que l'isolement absolu ou la destruction de l'homme moral et intelligent. Et ils n'ont pas vu ou voulu voir ce que les plus sages des anciens avoient reconnu, que l'homme est fait pour la société, hors de laquelje il ne peut vivre; que c'est là sa vraie nature*, et que dès lors on ne doit jamais

passage de la doctrine des protestants, qui veulent que chacun soit, pour soi, l'unique interprète de l'Écriture. Les conséquences qu'il lire de et! faux principe du protestantisme, s'appliquent avec beaucoup plus de force encore au* hommes privés de l'Ecriture sainte, ou qui n'en reconnoissent point l'autorité. Car enfin l'Écriture est la parole de Dieu, elle est un secours immense offert à la raison ; et si ce secours est insuffisant, si la parole de Dieu écrite n'empêche pas l'homme qui veut l'interpréter seul, de tomber dans les abîmes que Bossuet nous montre ouverts sous ses pas, que sera-ce donc quand ce même homme, sans guide, sans conseil, sans flambeau qui l'éclaire, sera complètement abandonné à son propre esprit? La raison, aidée de l'Écriture, ne peut que s'égarer, on l'avoue; mais sans l'Écriture, c'est autre chose : alors elle est toute-puissante pour découvrir la vérité. * Aristote le reconnoît formellement : « Nous regardons comme l'état

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