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CHAPITRE II

SECONDE CONSÉQUENCE DU PRINCIPE DE L'AUTORITÉ : LE CHRISTIANISB
EST LA RELIGION RÉVÉLÉE DE DIEU.

L'universalité des traditions primitives, la facilité avec laquelle la vérité pénètre dans notre esprit qui la reçoit comme l'œil reçoit la lumière, parce qu'elle est conforme à sa nature *, sont une des causes de l'erreur où tombent quelques personnes en pensant que notre raison découvre en elle-même les vérités nécessaires, sans avoir besoin d'être aidée d'aucun enseignement : tant l'homme, aveuglé par son orgueil, est enclin à s'approprier ce qui n'est pas à lui, tant il a de peine à comprendre cette profonde leçon: Qu'avez-vous qui ne vous ait été donné*? Mais, pour peu qu'on y réfléchisse, on voit clairement que l'universalité même de certaines croyances invariables prouve

1 Quod verum, sincerumque sit, id esse naturse hominis aptissimum. Cicer. de Officiis, lib. I, cap. iv, n. 13.

* Quid autem habes, quod non accepisti? si autem accepisti, quid gloriaris quasi non acceperis? Ep. I, ad Corint/i., iv, 7.

ESSAI SUR L'INDIFFÉRENCE EN MATIÈRE DE RELIGION 281

qu'elles ont une origine plus haute que notre raison, et que ce n'est pas celle-ci qui les perpétue; car elles s'altèrent et se détruisent dès que l'homme, les déplaçant de leur base, veut les soumettre à son jugement.

Les croyances universelles ne sont en effet que la Religion originairement révélée ; elles forment cette raison commune qui nous établit en société avec Dieu, parce qu'indépendante de la pensée de chaque homme, elle est, dit Cicéfon une loi qui oblige tous les esprits; et il est étonnant qu'un païen ait eu sur ce sujet des idées plus justes et plus élevées que les philosophes de nos jours, et même que plusieurs chrétiens.

Or, toute loi suppose un législateur dont la volonté la rende obligatoire, et une autorité visible qui la promulgue; et, s'il y a conflit entre des lois diverses, ou si l'on doute quelle est la véritable loi, le moyen naturel, infaillible de résoudre cette question, le seul qui soit à la portée, de tous, n'est pas d'examiner les lois en elles-mêmes pour juger quelle est la meilleure, ce que très-peu d'hommes seroient en état de faire et ce qu'aucun ne feroit avec une complète certitude de ne se point tromper, mais de chercher quelle est celle que proclame l'autorité légitime ou la plus grande autorité. Bossuet le reconnoît en termes exprès: « Je dis qu'il n'y eut jamais aucun temps où il « n'y ait eu sur la terre une autorité visible et parlante à « qui il faille céder... Je dis qu'il faut un moyen extérieur « de se résoudre sur les doutes, et que ce moyen soit « certain*. » . - ,

Niez ce principe, il ne reste d'autre base à toutes les croyances que le jugement de la raison individuelle. La

1 De legib., lib. I, cap. Vii.

a Conlér. avec M. Claude. Œutres de Bossuet, tom. XXIII, p. 294 et 295. Édit. de Versailles.

W.

Religion devient dès lors aussi incertaine que ce jugement; elle n'est plus une loi, mais une opinion. Aucune raison n'étant tenue d'obéir à une raison égale, chacun demeure autorisé à ne croire que ce qui paroit vrai à son propre esprit On est libre de tout nier et de tout affirmer. Plus de vérités, plus d'erreurs, nulle société, nul ordre entre les intelligences; mais une effroyable confusion de pensées contraires, d'où sortira bientôt, avec l'indifférence absolue, un doute universel et irrémédiable.

Ainsi toujours nous sommes ramenés à cette importante conclusion, que pour discerner avec certitude la Religion véritable, il faut considérer quelle est celle qui repose sur la plus grande autorité visible*. La question réduite à ce point est extrêmement facile à résoudre, car d'abord, pour les temps qui précèdent Jésus-Christ, nous avons l'autorité du genre humain ou le témoignage unanime des peuples qui tous, comme nous le montrerons, avoient conservé, au milieu même de l'idolâtrie, les traditions primitives; la notion d'un dieu unique, du vrai Dieu, qu'Us connoissoient sans le glorifier, selon la parole de l'apôtre3; la croyance de l'immortalité de l'âme, des

1 « N'est-il pas manifeste que c'est saper les fondements de toute « autorité pour la religion, que de la rendre dépendante d'un examen « philosophique? C'est ce que les Pères ont dit mille fois; c'est cette < science du dehors qu'ils ont toujours regardée comme suspecte à « l'Église, et comme profane. » Fénelon, Réfutat- du P. Malebranche, ch. xix. Œuvres, tom. III, p. 145. Édit. de Versailles.

a « La religion catholique est une religion d'autorité, et par cela « même, elle est seule une religion de certitude et de tranquillité. » Terrasson, la Philosophie applicable à tous les objets de l'esprit et de la raison, \" part., ch. m, sect. n, p. 88.

3 Ita ut sint inexcusahiles : quia cùm cognovissent Deum. non sirut Deum glorilicaverunt, aut gratins egerunt : sed evanuerunt in cogitalionibus suis, et obscuratum est insipiens cor corum. Ep. ad Rom., cap. i,20 et 21.

peines et des récompenses futures et de la nécessité d'un culte; les préceptes de justice, ainsi que beaucoup d'autres vérités appartenantes à la première révélation; et qui n'ignoroient non plus, ni l'antique dégradation de l'homme1, ni le besoin qu'il avoit d'expiation, comme l'usage universel des sacrifices le prouve invinciblement.

Ce qui avoit été cru toujours, partout et par tous, telle étoit donc, avant Jésus-Christ, la vraie Religion; et sa certitude reposoit sur le témoignage de toutes les nations, nu sur l'autorité du genre humain, sans contredit la plus grande qui eût existé jusqu'alors: celle de Moïse, qui d'ailleurs ne lui étoit point opposée, ne regardant que le peuple hébreu, assujetti seul à la loi qu'il avoit plu à Dieu de lui imposer, dans les desseins de la sagesse éternelle.

Depuis Jésus-Christ, quelle autorité oseroit-on comparer à celle de l'Église catholique, héritière de toutes les traditions primordiales, de la première révélation et de la révélation mosaïque, de toutes les vérités anciennement con" nues dont sa doctrine n'est que le développement, et qui' remontant ainsi à l'origine du monde, nous offre dans son autorité toutes les autorités réunies*? Frappé de ce carac

1 La chute de l'homme dégénéré, dit Voltaire, est le fondement de la théologie de toutes les anciennes nations. Quest. sur l'Encyclop.

* Si notre esprit, naturellement incertain, dit Bossuet, et devenu par ses incertitudes le jouet de ses propres raisonnements, a besoin dans les questions où il y va du salut d'être fixé et déterminé par quelque autorité certaine, quelle plus grande autorité que celle de l'Église catholique, qui réunit en elle-même toute l'autorité des siècles passés et les anciennes traditions du genre humain jusqu'à sa première origine...? Si Dieu a créé le genre humain, si, le créant à son image, il n'a jamais dédaigné de lui enseigner le moyen de le servir et de lui plaire, toute secte qui ne montre pas sa succession depuis l'origine du monde n'est pas de Dieu. Ici tombent aux pieds de l'Église toutes les sociétés et toutes tère éclatant qui lui est propre, Rousseau lui-même n'a pu s'empêcher de lui rendre hommage. « Qu'on me prouve « aujourd'hui, dit-il, qu'en matière de foi, je suis obligé « de me soumettre aux décisions de quelqu'un, dès de« main je me fais catholique, et tout homme conséquent « et vrai fera comme moi1. »

L'Eglise catholique seule, société religieuse constituée, est aussi la seule qui lie le présent au passé sur lequel elle s'appuie, la seule qui ait succédé et n'ait point commencé, la seule qui n'ait jamais varié, la seule qui ait un symbole, ou qui exerce le droit de commandement sur les esprits, la seule qui promette la certitude, puisqu'elle seule réclame l'infaillibilité. Que pourriez-vous demander de plus? La voilà, oui la voilà, l'autorité que nous cherchons; il ne faut qu'ouvrir les yeux pour l'apercevoir ; elle brille comme le soleil au milieu de l'univers. Et quelle autre autorité

«

les sectes que les hommes ont établies au dedans et au dehors du Christianisme... Ainsi quatre ou cinq faits authentiques et plus clairs que U lumière du soleil. font voir notre religion aussi ancienne que le monde. Ils montrent par conséquent qu'elle n'a point d'autre auteur que celui qui a fondé l'univers, qui, tenant tout en sa main, a pu seul et commencer et conduire un dessein où tous les siècles sont compris.

Il ne faut donc plus s'étonner, comme on fait ordinairement, de ce que Dieu nous propose à croire tarit de choses si dignes de lui, et tout ensemble si impénétrables à l'esprit humain. Mais plutôt il faut s'étonner 'de ce qu'ayant établi la foi sur une autorité si ferme et si manifeste, il reste encore dans le monde des aveugles et des incrédules.

Nos passions désordonnées, notre attachement à nos sens et notre orgueil indomptable en sont la cause. Nous aimons mieux tout risquer que de nous contraindre; nous aimons mieux croupir dans notre ignorance que de l'avouer; nous aimons mieux satisfaire une vaine curiosité, et nourrir dans notre esprit indocile la liberté de penser tout ce qu'il nous plaît, que de ployer sous le joug de l'autorité divine. De là vient qu'il y a tant d'incrédules, et Dieu le permet ainsi pour l'instruction de ses enfants. Disc- sur l'Ilist. Univ., 11° part., ch. xm.

1 Lettres écrites de la Montagne, p. 55. Paris, 1783.

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