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Toutes les sectes qui, depuis trois cents ans, se sont séparées d'elle, se déclarent dépourvués d'autorité; et voilà pourquoi ceux des protestants qui sentent le besoin de cette ancre pour retenir les esprits emportés par les flots des opinions, cherchent en vain à la fixer au sein de cette mer sans fond comme sans rivages. Après avoir proclamé l'indépendance de la raison, à quel titre viendroit-on lui ordonner d'obéir? Le principe posé, l'on ne peut plus en arrêter les conséquences; il faut tout permettre, tout consacrer; il faut enfin avouer hautement avec un évêque anglican, que « le protestantisme consiste à croire ce qu'on « veut, et à professer ce qu'on croit1. » Et si cette définition, qui suppose une croyance quelconque, ne paroit pas encore assurer une liberté suffisante à la raison, M. Vincent en retranchera ce qui implique la nécessité de la foi, et dira que la religion est « une « affaire de coéur entre Dieu et sa créature, par le « moyen de l'Évangile \ » Alors les plus difficiles devront être contents.

Au reste, en montrant l'inconséquence et les dangers de la Réforme, notre dessein n'est pas, à Dieu ne plaise, de contrister nos frères séparés. Né comme

1 Prolostantism consiste in belicvmg what eaeh one pleases, and in professing what he believes. Bishop Walson's charge to his clergy; cite par M. Milner dans son ouvrage intitulé : The end of religions cotitroversy, etc., part. 111, p. 125. Il s'ensuit que le protestantisme n'est que la religion naturelle telle que la conçoivent les Déistes modernes. « La loi naturelle, dit Voltaire, permet à chacun de croire ce « qu'il veut, comme de se nourrir de ce qu'il veut. » Dict. philos., art. Catéchisme chinois.

4 Observations, etc., préf., p. 0.

eux au sein de l'erreur, il n'est que trop vraisemblable que nous partagerions leurs préventions contre la vérité. Le seul sentiment que nous éprouvions en combattant, non pas eux, mais les faux principes qui les abusent, est une douleur profonde de les voir s'égarer loin des voies du salut, et un désir ardent que le jour luise enlin où nous nous embrasserons dans le sein de notre mère commune, de l'Épouse sans tache du Sauveur, de l'Eglise dépositaire des promesses, et de toutes les espérances deschrétiens: Ut fiât unum ovile et unus pastor '.

Après avoir répondu aux objections qu'on a faites contre la première partie de l'Essai sur l'indifférence, il nous reste à parler de la seconde. Nous espérions la faire paroitre peu de temps après la première: d'autres travaux nous en ont empêché. Nous nous sommes aperçu, d'ailleurs, qu'au lieu d'un volume, cette seconde partie en exigeoit deux, ce qui-nous a décidé à donner à part le volume que nous publions, et qui pourroit, à la rigueur, terminer l'ouvrage, puisque, pour remplir nos engagements, il suffisoit de prouver que l'indifférence en matière de Religion est aussi absurde dans ses principes que funeste dans ses effets *.

En réfutant les trois systèmes généraux d'indifférence religieuse, nous avons fait voir qu'elle détruit toute vérité, tout ordre, toute verlu, toute société, et qu'elle est, par conséquent, funeste dans ses effets. Ce que nous ajouterons sur ce sujet, dans notre troi

1 Joan. x, lt».

- Introduction, p. 41.. 4" édit.

sième volume, ne servira qu'à fortifier une conclusion déjà évidente pour les lecteurs attentifs.

Nous avons dit, en second lieu, « que l'indifférence « ne peut raisonnablement reposer que sur l'un de « ces principes : que nous n'avons aucun intérêt à << nous assurer de la vérité de la Religion; ou, qu'il « est impossible de découvrir la vérité qu'il nous im« porte de connoître1. »

Certes, il seroit étrange que la Religion, perpétuel objet des pensées de l'homme; la Religion, premier besoin de sa raison et de son cœur; la Religion, que tous les peuples ont regardée comme la base de l'ordre social, le principe et la sanction des lois, la règle des moeurs, ne fût qu'un futile amusement de l'esprit, une idée stérile en bien comme en mal, et l'une de ces chimères dont un être ignorant et foible aime à nourrir ses vagues espérances. S'il en étoit ainsi, toutes les nations, depuis l'origine dumonde^seroient convaincues d'imbécillité. Nous avons justifié le genre humain, et renversé l'un des fondements de l'indifférence dogmatique, en démontrant l'importance de la Religion par rapport à l'homme considéré individuellement, par rapport à la société, et par rapport à Dieu.

Mais s'il importe essentiellement à l'homme de connoître la vérité, et s'il importe à Dieu même qu'elle soit connue.de l'homme; donc il la peut connoître. Nous prouvons, en effet, dans ce volume, qu'il existe pour tous les hommes un moyen sûr et facile de dis

1 Introduction, p. H, 4"i!dit,

cerner la vraie Religion; et que ce moyen est l'autorité; en sorte que la vraie religion est incontestablement celle qui repose sur la plus grande autorité visible. Par là nous détruisons le second principe de l'indifiërence dogmatique; et, à moins qu'on ne lui trouve un plus soiide fondement, ce qu'on ne fera jamais, il faut nécessairement avouer qu'elle est tout ensemble et une folie et un crime.

N'ayant entrepris d'établir, contre les indifférents, que ces deux points, nous pourrions regarder notre tâche comme remplie. Mais il nous semble utile, et même, à certains égards, nécessaire de développer les conséquences du principe important de l'autorité, et d'en déduire la vérité de la Religion catholique, ce qui nous fournira l'occasion d'affermir le principe même, et de répondre aux objections auxquelles l'application qu'on en doit faire peut donner lieu. Ce sera le sujet d'un troisième volume, qui paroîtra dès que nos occupations nous auront permis de l'achever, mais sans qu'il nous soit possible d'indiquer aucune époque fixe, mille circonstances pouvant nous forcer d'interrompre ce travail. On ne dispose pas toujours de soi-même suivant ses désirs dans ces temps de désordre et de tempêtes.

Nous avons traité une question d'une importance extrême, la question la plus générale que la raison puisse se proposer. De sa solution dépend toute vérité, tout ordre et toute paix; car il n'y a de paix pour l'intelligence que lorsqu'elle est certaine de posséder la vérité, et il n'y a de paix pour les peuples que lorsqu'ils sont certains d'obéir à l'ordre. La société n'est si agitée, si calamiteuse, quepàrce que tout.est incertain, religion, morale, lois, pouvoir; et l'incertitude vient de ce que les esprits ne reconnaissent plus d'autorité qui ait sur eux le droit de commandement. Le monde est la proie des opinions; chacun ne veut croire que soi, et dès lors n'obéir qu'à soi. Plus de dépendance, plus de devoirs, plus de liens. L'édifice social, réduit en poussière, ressemble au sable du désert, où rien ne croit, où rien ne vit, et qui, emporté par les vents, ensevelit les voyageurs sous ses montagnes brûlantes.

Rétablissez l'autorité : l'ordre entier renaît^ la vérité se replace sur sa base immuable, l'anarchie des opinions cesse, l'homme entend l'homme; les intelligences, unies par une même foi, viennent se ranger autour de leur centre, qui est Dieu, et se ranimer à la source de la lumière et de la vie.

Ou la raison humaine n'e-t qu'une chimère, ou elle dérive d'une raison supérieure, éternelle, immuable; car la vérité, si elle existe, a nécessairement existé toujours, et toujours la même. Aucune raison créée ne peut donc être qu'un écoulement, une participation de cette raison première et souveraine, mère et maitresse de tous les esprits. Vivre, pour eux, c'est l'écouler, c'est lui obéir, et la plus parfaite obéissance constitue le plus haut degré de raison, puisque refuser d'obéir au delà de certaines bornes, c'est rejeter une partie du témoignage par lequel la vérité infinie nous est manifestée. Ainsi le genre humain atteste l'existence d'un Dieu souverainement juste, sage, puissant : la raison qui admet en entier ce témoignage,

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