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cherche point ce quon possède, ce qu'on aperçoit pleinement par une claire intuition *.

Cela posé, notre premier soin doit être de nous assurer s'il existe pour nous un moyen de connoitre certainement, et quel est ce moyen; autrement, notre raison manquant de base, il nous faudroit douter de tout sans exception. Or, les seuls moyens de connoitre que chacun de nous trouve en soi, sont les sens, le sentiment et le raisonnement. Aussi n'existe-t-il que trois systèmes généraux de philosophie. L'un de ces systèmes place dans les sens le principe de certitude; c'est le matérialisme, dont Locke est le père : le second place le principe de certitude dans le sentiment; c'est l'idéalisme enseigné d'abord par Berkeley, et plus dangereusement ensuite par Kant: le troisième place dans le raisonnement le principe de certitude; c'est le dogmatisme moderne ou le cartésianisme, qui règne depuis environ deux siècles dans l'école. Examinons ces trois systèmes, et voyons s'ils nous offrent la certitude qu'il nous importe si essentiellement d'obtenir.

De toutes les philosophies, la moins solide est celle qui rapporte aux sens l'origine de nos connoissances, et fait dériver les idées mêmes des sensations : car qu'est-ce que nos sens peuvent nous apprendre de certain, et sur nousmêmes, et sur les autres êtres? Qu'oserons-nous affirmer sur leur témoignage? La première leçon qu'ils nous donnent, c'est de nous en défier. Chacun d'eux, pris à part, nous abuse par de vaines illusions; ils se convainquent à toute heure mutuellement d'imposture; et lors

'Le raisonnement et la raison sont deux choses si différentes, que, solon Hume, « le grand but de toutes les recherches et de toutes les « disputes des sceptiques, est de détruire la raison par le raisonne« ment. The grand scope of ail the inquiries and disputes of the < sceplics is, to destroy reason by ratiocination and argument. » PMlosoph. Kssays, VIII, p. 245.

qu'en modifiant l'un par l'autre leurs rapports divers, on parvient à les accorder sur un point, quelle assurance a-t-on que ce point, au lieu d'être une vérité, ne soit pas une erreur commune? Pourquoi, nous trompant séparément, ne nous tromperoient-ils pas tous ensemble? Comme des témoins suspects, et mille fois reconnus pour menteurs, nous les interrogeons isolément, nous rapprochons, nous comparons leurs dispositions disparates, nous essayons de les concilier; mais quand nous y réussirions toujours, en serionsrnous plus avancés? Qui nous dit qu'un sixième sens, par un témoignage contraire, ne troubleroit pas leur accord? Sur quoi se fonderoit-on pour le nier? Supposons-nous des sens différents de ceux dont la nature nous a doués, nos sensations, nos idées ne seroient-elles pas aussi différentes? Peut-être suffiroit-il, pour ruiner toute notre science, d'une légère modification dans nos organes. Peut-être y a-t-il des êtres organisés de telle sorte que, leurs sensations étant en tout opposées aux nôtres, ce qui est vrai pour nous soit faux pour eux, et réciproquement. 'Car enfin, si l'on veut y regarder de près, quel rapport nécessaire existe-t-il entre nos sensations et la réalité des choses? Et quand il existerait un tel rapport, comment les sens nous l'apprendroiént^ils? Je vois dans mes sensations une suite de phénomènes dont la nature et la cause me sont également inconnues, et dont par conséquent je ne puis rien conclure. Qu'est-ce que sentir ? Qui le sait ? Suis-je même certain que je sens? Quelle autre preuve en ai-je que ma sensation même, ou plutôt je ne sais quelle croyance souvent trompeuse, puisqu'il m'arrive, durant le sommeil, de croire éprouver une sensation ou de plaisir ou de douleur, dont je rèconnois au réveil l'illusion? Que dis-je au réveil? Et ne seroil-ce point encore une nouvelle illusion, un songe qui succède à d'autres songes? Le oui, le non d ses vraisemblances; Qui démontreroit que la vie entière n'est pas un rêve, une chimère indéfinissable, feroit plus que n'ont pu faire tous les philosophes jusqu'à ce jour. Dans ces étranges perplexités, ce qui me paroit le moins douteux, c'est que mes sensations, si j'en ai, sont en moi ; qu'elles y sont fréquemment sans être produites par aucune cause externe; qu'ainsi il n'existe entre elles et l'objet réel ou présumé auquel je les rapporte, aucune liaison nécessaire. Je ne puis donc m'assurer, par mes sens, de l'existence des objets extérieurs, de l'existence de mon propre corps, de l'existence de mes sens mêmes, sur le témoignage desquels reposent toutes mes connoissances. Quel amas d'obscurité! quel chaos! Tout ce qui est, disent-ils, est malière; et à l'instant les voilà contraints d'avouer que l'existence de la matière n'est qu'une simple probabilité*.

"C'est ce que disent nettement Hclvétius et Condorcet. Voyez l'ouvrage de ce dernier intitulé : Essai sur l'application de l'analyse à la probabilité des décisions rendues à la pluralité des voix. Disc, prélim., pag. m. D'Alembert jugeoit impossible de répondre aux objections de lierkeley contre l'existence des corps. Hume, rejetant à la fois le témoignage des sens et l'évidence du sentiment intime, est contraint de douter de l'existence de la matière, et de celle des substances spirituelles. Un philosophe de nos jours a été conduit, par des principes analogues, à peu près à la même conclusion. c Contenions-nous, dit-il, « de savoir qu'il existe des apparences physiques que nous appelons « corps, parce que nous sentons de la résistance, et ne cherchons ni à « deviner leur origine, ni à les défmir. Noire âme, sans la révélation, -i serait même une abstraction métaphysique dont nous n'aurions au« cune idée; encore moins pourrions-nous la supposer immortelle. « La raison humaine ne s'étend pas jusque-là. » (tettres américaines, par M. le comte J. Ii. Carli; préf. du trad., p. x.) Silon Kant, Dieu, l'univers, l'âme, ne peuvent être connus de nous. 11 ne voit dans les corps que de purs phénomènes : nous ne savons point ce qu'ils sont, mais seulement ce qu'ils nous paraissent être. [Krilik der reinen Vernunft; s. 306, 518, 521, etc.) Notre propre moi, considéré comme objet, n'est non plus, pour nous, qu'un phénomène, une apparence. Nous ne pouvons rien apprendre sur son essence intime. j Ibid., s. 155, Ils ne sont donc pas même certains qu'ils existent; et le doute, envahissant jusqu'au fond le plus intime de leur être, il ne leur reste pour toute science, pour toute vérité, que cette parole, qu'encore, s'ils l'entendent bien, ils ne prononceront qu'avec défiance et en hésitant : Il est probable que je suis.

Le sentiment, et sous ce nom je comprends l'évidence, n'est pas une preuve plus certaine de vérité que les sensations. De combien de manières diverses la même idée n'affecte-t-elle pas les hommes, et quelquefois le même homme en différents temps? Le sentiment du vrai et du faux, du bien et du mal, varie selon les circonstances, les intérêts, les passions. Rien ne nous est aujourd'hui si évident, que nous puissions nous promettre de ne le pas

157, 399, etc.) Il est clair que, dans ce système, nul ne peut affirma' qu'il existe. Ceux qu'étonneroit un pareil excès d'extravagance verront plus loin que c'est le résultat nécessaire de toute philosophie qui ne considère que l'homme isolé. Les disciples de Kant se sont tous fort éloignés de sa doctrine, sans s'accorder davantage entre eux, et sans pouvoir jamais sortir du scepticisme. Il n'est aucun excès où ils ne soient tombés. Dans l'ouvrage intitulé : Dit moi, comme principe de la philosophie, ou de VAbsolu dans la science humaine, Schelling enseigne le panthéisme aussi ouvertement que Spinosa. « Le Moi, dit-il, ren« ferme toute existence, toute réalité. S'il y avoit quelque chose hors « de lui, ce seroit un absolu ; ce qui est absurde. Ce Moi, est donc in« fini, indivisible et immuable. Si la substance est un absolu, le Moi « est l'unique substance; où il y aurait plusieurs substances, il.y aui roit un Moi hors de moi; conséquence évidemment contradictoire. « Tout ce qui est, est dans le Moi : hors du Moi est le néant. Si le Moi « est la seule substance, tout ce qui est n'est qu'un accident du Moi. » Voulez-vous voir le ridicule joint à l'absurdité : « Dans la théorie, dit « Schelling, Dieu est Moi—Non-Moi; dans la pratique, c'est le Moi « absolu qui détruit le Non-Moi. » Ailleurs il soutient <i que le prina c.ipe fondamental du kantisme : Je suis, est vide de sens. » Lettres philosophiques sur le dogmatisme et le criticisme. Au Moi absolu de Schefling, Fichle substitua le Moi contemplant, qui le conduisit non moins vite au scepticisme universel. Il recula devant cet abîme, et le trouver demain ou obscur ou erroné. Je ne sais quoi emporte au hasard notre acquiescement, et nous roule d'un mouvement aveugle dans un cercle éternel d'évidences contradictoires. Il arrivera, nous ne savons comment, que, dans notre foiblesse et nos ténèbres, une idée, dont la nature et l'origine nous sont inconnues, dompte soudain notre âme et s'en empare; aussitôt nous nous prosternons en esclaves devant cette idée qui nous a conquis, et parce que nous n'avons pas su lui résister, nous la déclarons irrésistible; nous la couronnons, si je l'ose dire, et la sacrons reine de notre entendement. Tout ce qu'on appelle axiome n'a pas d'autre droit à la soumission de notre esprit.

La force avec laquelle le sentiment nous entraine ne prouve rien en faveur des principes que nous adoptons sur son autorité; car qui nous assure qu'il soit une règle infaillible du vrai? Au contraire, nous savons qu'il

seul moyen qu'il tru'iva de l'éviter mérite une attention sérieuse. Ecoutons ses propres paroles, telles que les rapporte un des auditeurs de ses leçons de philosophie à Erlang: « En montant de doute en doute, n de question en question, je suis arrivé fatigué jusqu'au dernier degré « de l'échelle, au-dessus de laquelle ma main n'a plus trouvé que le « néant des chimères. Abandonnant ces "vaines difficultés, je vais de « bonne foi me placer dans ce coin, où repose tranquillement ma peni sée; c'est là que me conduit cette force intérieure qui me soutient. « Je l'ai trouvé, ce sixième organe, avec lequel je saisis la réalité des -< choses- (lu'est-il donc? C'est une croyance tranquille; c'est une pen* sée qui se présente naturellement, et qui lient à ma destination.

< Cette croyance vient du sentiment, et non de la science. Ne vous

< approcher plus de moi, pour m'entretenir de vos vaines disputes! « vous n'y gagneriez rien; vous êtes bien au-dessous de la source à « laquelle je pnise ma persuasion. Vous partagerez ce sentiment avec « moi, si vous êtes de bonne foi. Nous naissons Ions dans la croyance; « celui qui c^t aveugle lui obéit sans voir; celui qui a des yeux la suit u en voyant. » Estai sur les Élements de la Philosophie, par G. Uley, p. m.

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