Obrázky na stránke
PDF
ePub

pêtrière; qu'elle était venue pour prendre mesure à Laurette, devant lui fournir plusieurs robes superbes par ordre de M. le comte; qu'elle avait aussi tiré une chanson de sa poche, et qu'elle l'avait donnée à chanter à mademoiselle Fanier, laquelle s'obstinant de la chanter malgré les huées terribles du parterre, avait prolongé la toilette d'une demi-heure, mais que le parterre ne s'en était pas aperçu, parce que la mesure de la couturière l'avait mis de très-bonne humeur, et que pendant la chanson il n'avait cessé de crier: la Bourbonnaise! la Bourbonnaise!

Interrogé si je croyais que le sieur du Doyer, en composant sa comédie de Laurette, aurait voulu mettre le sujet de la Bourbonnaise sur le théâtre, j'ai dit que, vivant dans la retraite, je n'étais pas bien au fait de l'histoire de la Bourbonnaise; qu'en effet on entendait chanter ses louanges dans toutes les rues de Paris, et que le peuple l'avait prise en affection autant que le célèbre Ramponeau; que s'il faut s'en rapporter à la chanson, cette Bourbonnaise était la fille d'un honnête ouvrier de Paris, laquelle s'étant laissé débaucher par un godelureau, s'était établie dans un autre quartier; et, vivant avec son amant dans le luxe, s'était donnée dans ce quartier pour une fille de condition du Bourbonnais; mais que son père, l'ayant découverte, l'avait fait enlever par ordre de la police et enfermer dans une maison de correction; que cette aventure, qui faisait depuis trois mois les délices du peuple de Paris, en sorte qu'il appelait maintenant toutes les filles d'affaire et d'autre des Bourbonnaises, avait en effet une si grande affinité avec l'histoire de Laurette, que le

parterre lui-même s'y est trompé, mais qu'après tout c'était au sieur du Doyer à déclarer ses intentions à cet égard.

Interrogé si je n'avais plus rien à dire dans cette affaire importante, j'ai dit, Rien, sinon que je trouvais à madame la lieutenante criminelle de fort beaux yeux.

Interrogé si je pouvais en conscience certifier véritable tout ce que je venais de déposer, j'ai dit que je le certifiais, à condition de ne pas relire ma déposition, laissant cette lecture aux risques et périls d'un chacun s'il s'en trouvait d'assez hardi pour l'entreprendre; et ai signé en priant la cour d'user de clémence envers le, ou les coupables.

Et moi retiré, la cour faisant droit sur la dénonciation et sur l'appel interjetés sur cri public par le procureur-général du roi, sur un enlèvement fait nuitamment, le 14 septembre 1768, sur le théâtre de la Comédie Française, a mandé le sieur du Doyer de Gastel à la barre, pour être admonesté sur le scandale par lui donné au public assemblé, ensemble les platitudes et autres misères de sa pièce, et l'a mis au surplus hors de cour et procès. Enjoint audit sieur du Doyer de ne pas récidiver, sous peine d'être poursuivi extraordinairement, et de faire amende honorable devant l'hôtel des comédiens ordinaires du roi, ayant écriteau devant et derrière avec ces mots : Enleveur de filles innocent, et fauteur d'enlèvemens inutiles. Lui défend de composer, imprimer, débiter, faire jouer aucune pièce de théâtre pendant l'espace et le terme de dix aus. Lui enjoint de garder son ban. Le renvoie au surplus, pour purger son décret et autres accusations,

par-devant le lieutenant criminel du Châtelet de Paris; met au surplus les parties sifflées et les parties ennuyées hors de cour et procès. Fait au Palais, ce 1er octobre 1768.

Signé, DUFRANC; collationné, DUREGARD.

A Paris, ce 1er janvier 1770,

SERMON PHILOSOPHIQUE',

Prononcé le jour de l'an 1770, dans la grande Synagogue de la rue Royale, butte Saint-Roch, en présence des archiprétres, marguilliers et autres dignitaires, ainsi que des simples fidèles de la communion philosophique, professant la raison à Paris, par moi, natif de Ratisbonne, prophète mineur, missionnairc indigne dans les pays et langues d'outre Rhin et du Nord, et l'un des moindres parmi les fidèles, à ce commis par grace spéciale de nos supérieurs dont nous nous estimons les égaux.

Nunc dimittis servum tuum, Domine, secundùm verbum tuum in pace: quia viderunt oculi mei salutare tuum, quod parasti ante faciem omnium populorum, lumen ad revelationem gentium et gloriam plebis tuæ Israël.

C'est maintenant, seigneur, que vous laisserez mourir en paix votre serviteur selon votre parole: puisque mes

1. Cette parodie nous a semblé l'un des documens les plus curieux à recueillir pour la solution de cette question si long-temps controversée:

A-t-il existé une philosophie du dix-huitième siècle proprement dite, c'est-à-dire une organisation de secte, ou communion philosophique, ayant pour but la destruction de l'Église catholique?

yeux ont vu le sauveur que vous nous avez donné, et que vous avez destiné pour être, à la face de tous les peuples, la lumière qui éclairera les nations, et la gloirė de votre peuple d'Israël. Ces paroles sont tirées de l'évangile de saint Luc, chapitre II.

Messieurs et mes frères, parmi lesquels je fais gloire de distinguer et d'honorer mes maîtres!

Quoique dans le texte qui nous a été prescrit, l'inspiré et imbécile saint Siméon ait eu évidemment et incontestablement en vue la venue du grand prophète et patriarche résidant à Ferney, et que nous qui avons eu le bonheur de naître dans la plénitude des temps où ce véritable messie et sauveur a été accordé au genre humain, nous ne puissions le méconnaître ni dans ses paroles, ni dans ses œuvres, ni dans la révolution salutaire et miraculeuse qu'il a opérée et qui s'accomplit journellement sous nos yeux, il a cependant été permis de tout temps aux confesseurs de notre sainte doctrine d'appliquer les prophéties les plus consolantes, sans préjudice de leur sens direct et véritable, à ces hommes rares qui ont fait leurs efforts pour débarrasser le genre humain de quelque grande et ennuyeuse sottise. Ce sont autant de sauveurs particuliers que la justice recommande à la reconnaissance et à la vénération publiques; et puisque l'auguste solennité de ce jour est principalement consacrée à rappeler les bienfaits dont nous avons joui dans le cours de l'année qui vient de s'anéantir avec une portion de notre existence, je pense, mes frères, qu'il n'y a personne parmi nous qui ne s'empresse d'entonner avec moi le cantique du vieux radoteur, à l'hon

neur d'un frère que mes yeux affligés cherchent en vain à découvrir dans cette respectable assemblée.

Qu'êtes-vous devenue, ô fusée éclatante et resplendissante? Ne vous êtes-vous si souvent élancée du milieu de ce lieu saint dans les régions supérieures que pour nous faire d'autant mieux apercevoir les ténèbres qui nous environnent? Vous avez disparu parmi nous, et les sots ont repris courage. Jurés crieurs de la communauté, appelez à son de trompe notre très-cher et très-vénérable frère, monsignor abate Ferdinando Galiani, Napolitano, secrétaire d'ambassade de Sa Majesté Sicilienne à la cour de France, et l'une des plus grandes lumières qui aient été accordées à l'église en ces derniers temps. Parcourez tous les carrefours de la philosophie, visitez tous les saints asiles où des vestales publiques s'occupent, sous la protection de la police, de la satisfaction particulière du clergé ; redemandez notre charmant abbé à tous ces lieux, et qu'on nous le rende tel qu'il est avec sa petite taille et sa tête sublime. Et vous, filles de Sion des rues Fromanteau et Mauconseil, déchirez vos vêtemens, car vous ne les quitterez plus pour l'amusement du charmant abbé. Il est perdu pour la France: après dix ans de séjour parmi nous, sa patrie nous l'a retiré à son grand regret, à notre éternelle affliction; mais il n'est pas parti sans nous laisser un témoignage public de son affection pour ce pays et des bienfaits innombrables dont cette église se reconnaît redevable envers lui. Je puis donc partager ce discours en deux points également intéressans, quoique bien divers dans leur objet. Je puis vous apporter la joie et la tristesse; je puis vous faire rire et

« PredošláPokračovať »