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En me tirant d'erreur m'ôte du paradis [a]!

J'approuve son courroux; car, puisqu'il faut le dire,

Souvent de tous nos maux la raison est le pire.
C'est elle qui, farouche au milieu des plaisirs,

[a]

Fuit haud ignobilis Argis

Qui se credebat miros audire tragœdos,
In vacuo lætus sessor plausorque theatro;
Cætera qui vitæ servaret munia recto
More; bonus sanè vicinus, amabilis hospes,
Comis in uxorem; posset qui ignoscere servis,
Et signo læso non insanire lagenæ;
Posset qui rupem et puteum vitare patentem.
Hic ubi cognatorum opibus curisque refectus,
Expulit helleboro morbum, bilemque meraco,
Et redit ad sese: « Pol, me occidistis, amici,
«Non servastis, ait, cui sic extorta voluptas,
« Et demptus per vim mentis gratissimus error. »

(Horace, liv. II, ép. II, vers 128-140.)

On raconte qu'Argos avoit un citoyen
Assez noble d'ailleurs, mais de qui la folie
Étoit de croire entendre une belle harmonie,
Et d'aller au théâtre, où l'on ne jouoit rien,
Pâmer seul de plaisir tous les jours de sa vie ;
Du reste, bon époux, bon hôte, bon voisin;
Fidéle observateur des lois de sa patrie;

Ne battant point ses gens pour quelques pots de vin,
Et sachant éviter un puits sur son chemin.

Ses fils surent pourtant, grace au dieu d'Épidaure,
Rappeler sa raison à force d'ellébore.

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On trouve de pareils traits de folie dans Aristote, liv. VI De Reb. mir.; dans Élien, Hist. divers., liv. IV, chap. XXV; dans Galien, liv. De Symptomatum differentiis, chap. III.

D'un remords importun vient brider nos desirs.

La fâcheuse à pour nous des rigueurs sans pareilles [a];
C'est un pédant qu'on a sans cesse à ses oreilles [b],
Qui toujours nous gourmande, et, loin de nous toucher,
Souvent, comme Joli (1), perd son temps à prêcher.
En vain certains rêveurs nous l'habillent en reine,
Veulent sur tous nos sens la rendre souveraine,
Et, s'en formant en terre une divinité,

Pensent aller par elle à la félicité:

C'est elle, disent-ils, qui nous montre à bien vivre.
Ces discours, il est vrai, sont fort beaux dans un livre:
Je les estime fort; mais je trouve en effet

Que le plus fou souvent est le plus satisfait [c].

[a] Le poëte affecte d'appliquer à la raison l'un des vers si connus de Malherbe sur la mort.

[b] « Il faut, dit J. B. Rousseau, remarquer le choix des syllabes « au second hémistiche, qui font une image du sifflement importun « de la raison. Nous avons peu de vers dans notre langue qui exprime comme celui-ci la chose par le son. » (Lettre à Brossette, du 13 août 1717.)

"

(1) Illustre prédicateur, alors curé de Saint-Nicolas-des-Champs à Paris, et depuis évêque d'Agen. (Despréaux, édit. de 1713.) * Claude Joli, né en 1610 à Buri-sur-l'Orne, dans le diocèse de Verdun, mourut en 1678. Il avoit beaucoup d'onction; ses prônes ont été recueillis en huit volumes.

[c] La fin de cette satire est une plaisanterie analogue au ton général de la pièce : il ne faut donc pas la prendre à la lettre, comme on l'a fait dans les Essais philologiques de l'édition de Saint-Marc, tome V, page 318, et n'y voir qu'une invective contre la raison. Horace traite le même sujet, liv. II, sat. III. Il offre de nombreux exemples pour prouver que chaque homme érige sa folie en sa gesse, et ne sait apercevoir que les travers des autres.

SATIRE V [a].

A M. LE MARQUIS DE DANGEAU[b].

La noblesse, Dangeau, n'est pas une chimère,
Quand, sous l'étroite loi d'une vertu sévère,
Un homme issu d'un sang fécond en demi-dieux

[a] Cette satire fut composée en 1665, si l'on s'en rapporte à Brossette: dans ce cas, elle n'est point le second ouvrage de l'auteur, comme le dit Fontenelle dans l'Éloge de Dangeau. La Harpe la trouve fort belle; mais il croit qu'elle pourroit être plus approfondie.

[b] Dans les éditions antérieures à celle de 1683, on lit à M. le marquis D'Angeau; ce n'est pas l'une des moindres preuves du peu d'importance que l'auteur attachoit à l'orthographe des noms propres souvent il les altère, sans le vouloir.

:

Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau, né en 1638, mort en 1720, étoit, par sa mère, arrière-petit-fils de Du Plessis-Mornay. Il se convertit de bonne heure à la religion catholique, et Louis XIV le combla de faveurs. Il fut le premier colonel du régiment du roi, ensuite gouverneur de Touraine, aide-de-camp de sa majesté dans les campagnes de 1672, 1674, chevalier des ordres du roi, grand-maître des ordres de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem. En 1668 il fut admis à l'académie françoise, et fut, en 1704, nommé membre honoraire de celle des sciences. Il a laissé des mémoires très volumineux, dont Voltaire attribue la rédaction « à un vieux valet-de-chambre imbécile, dont il a néanmoins publié, sans y mettre son nom, un extrait sous ce titre: Journal de la cour de Louis XIV, depuis 1684 jusqu'en 1715, avec des notes intéressantes (de l'éditeur), Londres, 1770, in-8°. Dans ces notes, presque toujours ironiques, on donne par dérision à

» et

Suit, comme toi, la trace où marchoient ses aïeux.
Mais je ne puis souffrir qu'un fat, dont la mollesse
N'a rien pour s'appuyer qu'une vaine noblesse,
Se pare insolemment du mérite d'autrui,

Et me vante un honneur qui ne vient pas de lui [a].
Je veux que la valeur de ses aïeux antiques
Ait fourni de matière aux plus vieilles chroniques,
que l'un des Capets, pour honorer leur nom,
Ait de trois fleurs de lis doté leur écusson [b].
Que sert ce vain amas d'une inutile gloire,

Et

Si, de tant de héros célébres dans l'histoire,

l'auteur le nom de Tacite. Plusieurs écrivains ont récemment mis au jour des extraits plus considérables de ces mémoires.

Voyez sur l'abbé de Dangeau, frère du précédent, le tome IV, pages 352 et 356.

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( Sénèque le tragique, Hercul. fur., acte II, sc. II, vers 340–341. ) [b] Ce vers se lit ainsi dans toutes les éditions avouées par Despréaux. On substitue quelquefois, par erreur, le mot doré au mot doté. Dieudonné d'Estaing sauva le roi Philippe-Auguste d'un péril imminent à la bataille de Bouvines, en 1214, et pour récompense il lui fut accordé par ce prince de prendre pour son écusson les armes de France, avec un chef d'or. Dans le temps que Despréaux composoit sa satire, Joachim, comte d'Estaing, né vers 1617, mort en 1688, travailloit à l'Histoire généalogique de sa maison, et revenoit sans cesse sur l'action d'éclat qui en étoit le plus bel ornement. C'est lui que le poëte désigne; et l'on voit qu'il avoit eu à s'en plaindre, par la lettre que Brossette lui adresse : « Ce M. d'Estaing,

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qui étoit boiteux, lui dit-il, se brouilla avec vous, je ne sais com« ment, et ce fut pour le railler de sa vanité que vous le plaçâtes «< dans votre satire. » ( Lettre du 20 septembre 1702.) Brossette, te

Il ne peut rien offrir aux yeux de l'univers

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Que de vieux parchemins qu'ont épargnés les vers;
Si, tout sorti qu'il est d'une source divine,
Son cœur dément en lui sa superbe origine,
Et, n'ayant rien de grand qu'une sotte fierté,
S'endort dans une lâche et molle oisiveté?
Cependant, à le voir avec tant d'arrogance
Vanter le faux éclat de sa haute naissance,
On diroit que le ciel est soumis à sa loi,
Et que Dieu l'a pétri d'autre limon que moi.
Enivré de lui-même, il croit, dans sa folie [a],
Qu'il faut
que devant lui d'abord tout s'humilie.
Aujourd'hui toutefois, sans trop le ménager,
Sur ce ton un peu haut je vais l'interroger:

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nant cette particularité de l'évêque de Saint-Flour, neveu de M. d'Estaing, en demande la confirmation; mais il ne paroît pas que Despréaux lui ait répondu sur cet article.

Le Duchat, dans ses Remarques sur divers sujets d'histoire ou de littérature, 1738, blâme les vers de Despréaux comme inexacts, parceque « ce fut le roi Charles VI qui, environ l'an 1381, réduisit

« à trois les fleurs de lis sans nombre que ses prédécesseurs avoient « dans leur écu. » Le poëte a fort bien pu négliger ces détails historiques : il suffit, pour le justifier, que la maison d'Estaing se soit, dans la forme de son écusson, conformée par la suite au changement fait dans les armes de France, plus d'un siècle et demi après la bataille de Bouvines.

L'amiral Charles-Hector comte d'Estaing, qui périt en 1794 sur l'échafaud révolutionnaire, descendoit de cette ancienne maison, nommée De Stagno dans des actes du dixième siècle.

[a] Ces quatre vers furent ajoutés dans l'édition de 1713, parceque le lecteur pouvoit croire que l'apostrophe qui les suit s'adressoit au marquis de Dangeau.

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