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L'autre, en vain se lassant à polir une rime,
Et reprenant vingt fois le rabot et la lime,
Grand et nouvel effort d'un esprit sans pareil!
Dans [a] la fin d'un sonnet te compare au soleil (1).
Sur le haut Hélicon leur veine méprisée
Fut toujours des neuf sœurs la fable et la risée.
Calliope jamais ne daigna leur parler,
Et Pégase pour eux refuse de voler.

Cependant à les voir, enflés de tant d'audace,
Te promettre en leur nom les faveurs du Parnasse,
On diroit qu'ils ont seuls l'oreille d'Apollon,
Qu'ils disposent de tout dans le sacré vallon:

en vers magnifiques, intitulée Églogue royale. ( Desp.) * Cette note fut ajoutée en 1713, lorsque François Charpentier n'existoit plus. Né à Paris en 1620, il mourut en 1702, doyen de l'académie françoise et de l'académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Les notes qui accompagnent ses traductions en font aujourd'hui le principal mérite. Pour démontrer que les inscriptions devoient être écrites en françois, il composa deux ouvrages, intitulés, l'un Défense de la langue françoise, 1676; l'autre, De l'excellence de la langue françoise, 1683; mais il décria sa cause par son propre exemple : ses inscriptions étoient d'un si mauvais goût qu'il fallut les effacer. Les seuls vers que l'on ait retenus de lui sont l'imitation du distique d'Ausone sur Didon. Voyez sur Charpentier la note a, t. IV, p. 180.

[a] La préposition dans, placée au commencement de ce vers, semble un peu lourde à Le Brun. Il est vraisemblable que Despréaux l'a employée exprès, pour mieux exprimer la pesanteur du style de Chapelain.

(1) C'est Chapelain qui avoit fait un sonnet à la fin duquel il comparoit le roi au soleil. (Brossette.) * L'abbé Goujet avoit lu ce sonnet travaillé si péniblement, dans un recueil in-4° formé par Chapelain.

C'est à leurs doctes mains, si l'on veut les en croire,
Que Phébus a commis tout le soin de ta gloire;
Et ton nom, du midi jusqu'à l'ourse vanté,
Ne devra qu'à leurs vers son immortalité.
Mais plutôt, sans ce nom dont la vive lumière
Donne un lustre éclatant à leur veine grossière,
Ils verroient leurs écrits, honte de l'univers,
Pourrir dans la poussière à la merci des vers.

A l'ombre de ton nom ils trouvent leur asile [a], Comme on voit dans les champs un arbrisseau débile, Qui, sans l'heureux appui qui le tient attaché, Languiroit tristement sur la terre couché [b].

[a] Deux écrivains d'un esprit absolument opposé, l'abbé de Condillac et Le Brun, s'accordent pour voir de la contradiction dans le sens qu'offrent les vers suivants :

Mais plutôt, sans ce nom dont la vive lumière

A l'ombre de ton nom ils trouvent leur asile.

Ils ont peine à concilier la lumière et l'ombre de ce nom; cette remarque n'est pas dépourvue de justesse.

Ponce Denys Écouchard Le Brun, né en 1729 à Paris, mort en 1807, a plus de verve que de goût: aussi, quoique la poésie l'ait occupé toute sa vie, les petites notes qu'il a laissées sur les œuvres de Despréaux doivent-elles être lues avec circonspection.

Étienne Bonnot de Condillạc, né en 1715 à Grenoble, mort en 1780, a porté dans la métaphysique l'évidence de l'analyse; mais il étoit privé du sentiment nécessaire pour goûter le charme des arts de l'imagination. La décomposition froide à laquelle il soumet tout ce passage du discours est d'un homme étranger aux mystères de la langue poétique. (Art d'écrire, in-8°, 1798, livre II, chapitre I, page 148.)

[b] Ce vers excellent, qui fait image, n'a pu trouver grace aux

Ce n'est pas que ma plume, injuste et téméraire,
Veuille blâmer en eux le dessein de te plaire;
Et, parmi tant d'auteurs, je veux bien l'avouer,
Apollon en connoît qui te peuvent louer;

Oui, je sais qu'entre ceux qui t'adressent leurs veilles,

Parmi les Pelletiers [a] on compte des Corneilles [b].

Mais je ne puis souffrir qu'un esprit de travers,

Qui, pour rimer des mots, pense faire des vers,
Se donne en te louant une gêne inutile;

Pour chanter un Auguste, il faut être un Virgile:
Et j'approuve les soins du monarque guerrier (1)
Qui ne pouvoit souffrir qu'un artisan grossier

yeux de quelques censeurs de Despréaux. Voyez le commentaire de Saint-Marc, Essais philologiques, tome V, page 301.

[a] Pierre Du Pelletier, né à Paris, y mourut en 1680 dans un âge peu avancé. Suivant Baillet, on a de lui quatre centuries de sonnets. (Jug. des savants, tome V, page 292.) Il en portoit un à quiconque faisoit imprimer un ouvrage. Ayant conçu de l'amour pour une jeune personne, il lui en adressa un si grand nombre qu'il parvint à lui plaire et à l'épouser.

[b] Pierre Corneille, né à Rouen en 1606, mort en 1684, composa en l'honneur de Louis XIV des poëmes qui, malgré leur mé`rite, se confondent dans la gloire du père du théâtre françois.

(1) Alexandre-le-Grand. (Despréaux, édit. de 1713.) * Les éditions de 1694 et de 1701 portent Alexandre. Brossette développe cette note par les citations suivantes : « Alexandre-le-Grand n'avoit per« mis qu'à Apelle de le peindre, à Lysippe de faire son image en bronze, et à Pyrgotèle de la graver sur des pierres précieuses; il

"

« étoit défendu à tout autre de faire le portrait ou l'effigie d'A« lexandre. Plin. nat. hist. VII, 38. « L'empereur Auguste fit avertir « les magistrats de ne pas souffrir que son nom fût avili, en le fai<< sant servir de matière pour les prix de prose et de vers. » Suet., c. 89.

Entreprît de tracer, d'une main criminelle,

Un portrait réservé pour le pinceau d'Apelle [a].

Moi donc, qui connois peu Phébus et ses douceurs, Qui suis nouveau sevré sur le mont des neuf sœurs, Attendant que pour toi l'âge ait mûri ma muse, Sur de moindres sujets je l'exerce et l'amuse; Et, tandis que ton bras, des peuples redouté, Va, la foudre à la main, rétablir l'équité (1),

[a] Edicto vetuit ne quis se, præter Apellem, Pingeret, aut alius Lysippo duceret æra Fortis Alexandri vultum simulantia.

Horace, liv. II, épît. I, vers 239–241.

Malgré le peu de confiance que méritent les premières éditions des satires de Despréaux, imprimées en Hollande sur des manuscrits défectueux, on y remarque des vers qui n'existent pas dans les éditions avouées, et qui néanmoins portent l'empreinte de son talent. En voici que l'on pourroit considérer comme une première leçon:

Et j'approuve les soins de ce prince guerrier,
Qui, craignant le pinceau d'un artisan grossier,
Voulut qu'Apelle seul exprimât son visage,
Ou Lysippe en airain fit fondre son image.

(Recueil de quelques pièces nouvelles et galantes, tant en prose qu'en vers. Cologne, Pierre Du Marteau, petit in-12, deux. part., page 52.) On citera dorénavant cet ouvrage sous le titre de Recueil de P. Du Marteau.

(1) Le bras est employé ici pour la personne même, la partie pour le tout. Ainsi c'est mal à propos que l'on a condamné cette expression. « Mais il faut être poëte, disoit l'auteur, et sentir les « beautés de la poésie, pour justifier cette faute qui n'en est pas « une. » Il la justifioit par ce beau vers de M. Racine, dans la dernière scène de Mithridate :

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Et mes derniers regards ont vu fuir les Romains.

Mes regards ont vu » est la même chose que « le bras qui va la

Et retient les méchants par la peur des supplices,
Moi, la plume à la main, je gourmande les vices [a],
Et, gardant pour moi-même une juste rigueur,
Je confie au papier les secrets de mon cœur [b].

« foudre à la main. » ( Brossette. )* Despréaux répondoit à la critique de Boursault, qui, dans sa petite comédie intitulée La satire des satires, imprimée en 1669, fait dire à Émilie, scène VI:

Et les vers dont on parle auroient moins d'embarras,

S'il eût mis la personne en la place du bras.

Le Brun fait une autre critique, mais elle ne semble pas mieux fondée. « C'est, dit-il, une figure incohérente qu'il ne faut point ranger « au nombre des beautés audacieuses, quoique la langue poétique « en puisse offrir des exemples.

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Edme Boursault, né à Mussi-l'Évêque en 1639, mort à MontLuçon en 1701, se forma lui-même. Louis XIV l'ayant nommé sous-précepteur du Dauphin, il craignit d'être au-dessous des fonctions de cette place; il refusa également d'être de l'académie françoise, parcequ'il ne savoit pas le latin. Plusieurs de ses pièces obtinrent un succès qui ne s'est point démenti, telles que le Mercure galant, Ésope à la ville, Ésope à la cour.

[a] Boursault blâme encore Despréaux de se comparer à Louis XIV. Le Chevalier dit à cet égard, scène VI:

Ces comparaisons ne se sont jamais faites
Qu'entre de petits rois et d'excellents poëtes,
Au lieu que dans l'exemple allégué tant de fois,
C'est un petit poëte et le plus grand des rois.
[b] Horace, parlant du poëte Lucilius:

Ille velut fidis arcana sodalibus olim
Credebat libris.

Liv. II, sat. I, vers 30.

Cette note est de Brossette: mais l'éditeur de 1740 ajoute:

« Ce

« n'est ni à Lucilius ni à Horace que M. Despréaux doit ce vers; « c'est à Montaigne. Il en convenoit lui-même. »

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