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ment. On croiroit que Marmontel [a] n'avoit pas lu cette pièce, lorsqu'il hasarde contre Despréaux le reproche suivant : « N'y avoit

"

« il donc rien dans les mœurs du siècle de Louis XIV, qui pût lui << allumer la bile? Il n'avoit pas encore vu le monde, il ne con« noissoit que les livres et que le ridicule des mauvais écrivains. » ( Éléments de littérature, article Satire.)

[a] Jean-François Marmontel, secrétaire de l'académie françoise, né à Bort en Limousin, en 1723, mort à Ableville en Normandie, en 1799. Cet écrivain laborieux et fécond, s'est essayé dans presque tous les genres de littérature; il a réussi particulièrement dans le conte moral, dans l'opéra, dans la critique.

SATIRE II [a].

A M. DE MOLIÈRE [6].

Rare et fameux esprit, dont la fertile veine
Ignore en écrivant le travail et la peine [c];
Pour qui tient Apollon tous ses trésors ouverts,
Et qui sais à quel coin se marquent les bons vers;
Dans les combats d'esprit savant maître d'escrime [d],

[a] Cette satire, composée en 1664, est la quatrième dans l'ordre chronologique. En y faisant sentir combien est difficile l'accord de la rime et de la raison, l'auteur sait les concilier de la manière la plus heureuse. Lorsqu'il l'eut terminée, il en donna lecture chez le comte du Broussin, en présence du duc de Vitri et de Molière. Ce dernier, après l'avoir entendue, n'osa pas communiquer une traduction de Lucrèce en vers françois, ouvrage de sa jeunesse. << Il se « contenta, suivant Brossette, de lire le premier acte du Misanthrope, auquel il travailloit [a]; . disant qu'on ne devoit pas s'at

"

....

<< tendre à des vers aussi parfaits et aussi achevés que ceux de « M. Despréaux, parcequ'il lui faudroit un temps infini s'il vou«<loit travailler ses ouvrages comme lui.

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[b] Dans les premières éditions, depuis 1666 jusqu'en 1674, on lit M. MOLIÈRE; dans les suivantes, depuis 1675 jusqu'en 1713, il y a M. de Molière. J. B. Poquelin de Molière, né à Paris en 1622, mort en 1673, le premier des poëtes comiques anciens et modernes. [c] « Une veine qui écrit, terme impropre, etc. » (Le Triomphe de Pradon, page 34. ) Le Brun adopte cette critique rigoureuse.

[d] Voltaire cite ce vers comme le modèle d'une figure juste et soutenue. (Dictionnaire philosophique, article Figure.)

[a] Le Misanthrope fut joué le 4 juin 1666.

I.

Enseigne-moi, Molière, où tu trouves la rime [a].
On diroit, quand tu veux, qu'elle te vient chercher :
Jamais au bout du vers on ne te voit broncher;

Et, sans qu'un long détour t'arrête [b] ou t'embarrasse,
A peine as-tu parlé, qu'elle-même s'y place.
Mais moi, qu'un vain caprice, une bizarre humeur,
Pour mes péchés, je crois, fit devenir rimeur,
Dans ce rude métier où mon esprit se tue,
En vain, pour la trouver, je travaille et je sue.
Souvent j'ai beau rêver du matin jusqu'au soir;
Quand je veux dire blanc, la quinteuse dit noir:
Si je veux d'un galant dépeindre la figure,
Ma plume pour rimer trouve l'abbé de Pure [c];
Si je pense exprimer un auteur sans défaut,

[a] Dans le recueil de P. du Marteau on lit : Où se trouve la rime.

[b] « Arrête n'est pas le mot propre, dit Condillac car un long ✔ détour n'arrête pas, il retarde seulement. » (Art d'écrire, p. 143. ➤ [c] Au lieu de ces deux vers, il y avoit avant l'impression:

Si je pense parler d'un galant de notre âge,

Ma plume pour rimer rencontrera Ménage.

Le recueil de P. du Marteau met LE PAGE à la place de MÉNAGE, Heureusement pour le dernier, l'abbé de Pure fit alors ou distribua contre le satirique une parodie de la scène de Cinna dans laquelle Auguste confond ce conjuré : Despréaux étoit, dans cette parodie, convaincu par le ministre Colbert d'avoir composé des libelles. Pour se venger d'un homme qui avoit au moins eu le tort de faire circuler une calomnie aussi noire, il lui décocha un trait d'autant plus piquant que «< cet abbé, suivant Brossette, affectoit un air de propreté et de galanterie, quoiqu'il ne fût ni propre ni galant. » Le nom de l'abbé de Pure est imprimé pour la première fois en toutes lettres

La raison dit Virgile, et la rime Quinault [a];
Enfin, quoi que je fasse ou que je veuille faire,
La bizarre toujours vient m'offrir le contraire.
De rage quelquefois, ne pouvant la trouver,
Triste, las et confus, je cesse d'y rêver;

Et, maudissant vingt fois le démon qui m'inspire,
Je fais mille serments de ne jamais écrire.

Mais, quand j'ai bien maudit et Muses et Phébus,
Je la vois qui paroît quand je n'y pense plus:
Aussitôt, malgré moi, tout mon feu se rallume;
Je reprends sur-le-champ le papier et la plume,
Et, de mes vains serments perdant le souvenir,
J'attends de vers en vers qu'elle daigne venir.
Encor si pour rimer, dans sa verve indiscrète,
Ma muse au moins souffroit une froide épithète,

dans l'édition de 1783; auparavant il étoit désigné par un P*** initial.

Michel de Pure étoit de Lyon, où son père avoit été prevôt des marchands en 1634. Sa mauvaise traduction de Quintilien parut en 1663. Il a traduit du latin, avec aussi peu de succès, l'Histoire générale des Indes, par le père Maffei, jésuite, la Vie de Léon X, par Paul Jove, et de l'italien l'Histoire africaine, par J. B. Birago. Ses autres ouvrages en prose sont un roman intitulé Les Précieuses, l'Histoire du maréchal de Gassion, etc.

[a] En 1664, Quinault n'avoit donné que des tragédies foibles et romanesques; son agréable comédie de la Mère coquette parut l'année suivante; ses opéra, genre dans lequel on ne l'a pas encore égalé, se jouèrent long-temps après. Saint-Marc n'est pas exact lorsqu'il dit: « Du vivant de Quinaut, son nom étoit écrit ici Kainaut. » Les éditions portent Kynaut depuis 1666 jusqu'en 1668; Quinaut depuis 1669 jusqu'en 1674; Kainaut depuis 1675 jusqu'en 1694; enfin Quinaut reparoît en 1701 et 1713, c'est-à-dire treize ans après sa mort.

Je ferois comme un autre; et, sans chercher si loin,

J'aurois toujours des mots pour les coudre au besoin [a]:
Si je louois Philis EN MIRACLES Féconde,

Je trouverois bientôt, a NULLE autre secondE;
Si je voulois vanter un objet NOMPAREIL,

Je mettrois à l'instant, PLUS BEAU QUE LE SOLEIL;
Enfin, parlant toujours [b] d'ASTRES et de MERVEILLES,
DE CHEFS-D'OEUVRE DES CIEUX, de BEAUTÉS SANS PAREILLES,
Avec tous ces beaux mots, souvent mis au hasard,
Je pourrois aisément, sans génie et sans art,

Et transposant cent fois et le nom et le verbe,
Dans mes vers recousus mettre en pièces Malherbe [c].
Mais mon esprit, tremblant sur le choix de ses mots,
N'en dira jamais un, s'il ne tombe à propos,
Et ne sauroit souffrir qu'une phrase insipide

[a] L'auteur avoit en vue Gilles Ménage, né en 1613 à Angers, mort en 1692, dont les vers, quelquefois soignés, offrent beaucoup de ces locutions parasites, tournées ici en ridicule. Pour s'en convaincre, il suffit de lire son églogue intitulée Christine, sur laquelle Gilles Boileau avoit fait auparavant des remarques critiques.

[b] Dans les éditions de 1666 et de 1667 cet hémistiche est ainsi :

ET D'ASTRE ET DE MERVEILLES, etc.

[c] La Fontaine, Molière et tous les amis de Despréaux regardoient comme impossible de faire un vers qui rimât convenablement avec celui-ci. Lorsqu'il en eut rencontré un tel qu'il le cherchoit, La Fontaine s'écria, dans sa modeste ingénuité : « Ah! le « voilà; vous êtes bien heureux. Je donnerois le plus beau de mes « contes pour avoir trouvé cela. »

François Malherbe, qui fixa les lois de la poésie françoise, et dont le style fut si long-temps mis en pièces par ses imitateurs, naquit à Caen en 1556, et mourut à Paris en 1628.

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