Obrázky na stránke
PDF
ePub

avec la vertu quand ils l'ont une fois répudiée. Qu'un empire se forme, les mœurs y sont austères et pures, mais elles se corrompent à mesure que les conquêtes accroissent ses richesses. Enfin, quand cet empire est parvenu au degré de gloire qui lui étoit limité par la Providence, l'abus des richesses, le luxe destructeur ont énervé les corps et perverti les mœurs ; les esprits n'ont plus d'énergie, et le mal est sans remède: (j'en excepte la France, car la nation y est si flexible, que le souverain peut en trois ans la rendre méconnoissable ;) mais par-tout ailleurs, il y a un terme fatal, qui ne laisse d'espoir qu'à la dissolution. A Rome par exemple, je crois, par cette raison, que la satire étoit impuissante quand vous avez écrit.

J.U VÉN A L.

Je conviens qu'il est très-rare de ramener à la pratique de la vertu les hommes qui ont une fois méconnu cettè source de délices; aussi ne croyez pas que je me flattasse de retirer de la fange ceux ds mes concitoyens qui marchoient sur les traces de Domitien, de Péribome ou de Névolus : mais comme nos provinces, sans être infectées, témoignoient déja le penchant naturel à imiter la capitale, je prétendois les retenir sur le bord du précipice, et garantir de la contagion jusqu'à nos derniers neveux. Eh ! qui pourroit calculer les maux que j'aurois prévenus dans les générations futures, si ma triste patrie, déchirée par ses propres enfans, démembrée par des barbares, eût pu vivre

aussi long-temps que mes écrits, que vous m'apprenez être parvenus jusqu'à vous? Mais l'Eternel souffle sur les em¬ pires, et n'en conserve que les noms, pour attester aux siècles à venir l'immensité de sa puissance.

[blocks in formation]

J'avois craint que le terme de Providence ne fût hasardé avec vous, mais votre réponse m'enhardit à vous proposer d'autres doutes que je n'ai pu concilier en vous lisant. Dans plus d'un endroit de vos satires, vous paroissez pénétré d'un respect profond pour vos dieux, dans d'autres vous les menez très-lestement; et à présent je soupçonne que vous n'y avez jamais cru.

JUVÉ NA L..

Moi! que je crusse à la multitude de ces dieux prétendus dont je savois l'âge, la patrie et l'histoire scandaleuse? J'affectois de temps à autre d'exalter leur pouvoir, je menaçois de leur courroux un dépositaire infidèle, je répétois que Jupiter avoit réveillé les oies du capitole ; c'étoit pour me conformer au langage et à la créance d'un peuple qui admettoit les dieux de tout pays et de tout usage, qui se laissoit guider par ses aruspices; mais ce que j'entendois par les dieux, ce n'étoit pas ceux de métal, de pierre, de bois ou d'argile que j'avois vu fondre, dégrossir, sculpter ou modeler. J'ai attaqué hardiment les divinités des Egyptiens, mais il falloit respecter celles de l'empire: d'ailleurs

c'étoit une chimère utile, que des dieux réputés présens dans chacune de nos maisons, et placés dans l'endroit où la nécessité ramenoit le plus souvent; mais tenez pour certain, que je ne révérois pas plus les pénates de mon foyer, qu'Ovide, Virgile et Caton ne révéroient les pénates d'Anchise. Comment ai-je traité la Fortune, cette déesse privilégiée à laquelle tous les mortels rendent hommage? Dans un autre moment, si je rassemble au banquet de l'olympe tous les dieux du ciel et du ténare, en m'extasiant sur leur nombre, l'ironie n'est-elle pas assez sensible * ? Ganymède et la femme d'Hercule ne sont-ils pas auprès du maître du tonnerre? Moi, adorer l'indécent Priape, ou le honteux Crépitus! Non, vous ne me faites pas cette injure. Ce que j'adorois, c'étoit le Créateur de l'univers, un Dieu dont Cicéron avoit démontré l'existence. Je l'ai dit aussi clairement que ce prince des orateurs, en observant comme lui de ne pas me compromettre avec les augures. Voyez Sav. 87; Sat. xv, v. 148. ·

tire XIII

[ocr errors]
[blocks in formation]

Cependant vous avez plaisanté sur le culte des Juifs qui adoroient comme vous le Créateur de l'univers.

Les interprètes ont pris pour une déclamation de rhéteur ce passage, qui commence au vers 38 de la treizième Satire; mais le traducteur, qui, par la nature de son travail, saisit l'esprit et l'ensemble d'un auteur, a de grands avan tages sur le savant qui fait des notes suivant la manière dont il est affecté pour le moment.

e

JUVÉNA L.

Assurément, c'est au vers 96 et suivans de la quator zième Satire; je leur ai dit assez librement ma façon de penser, quoique je ne connusse pas leur religion; car ils avoient toujours fait si grand mystère du livre de Moïse! Mais comment se persuader qu'il leur eût prescrit le défaut de charité, le sortilège, et l'ivrognerie du sabbat, que je leur reprochois?

LE TRADUCTEUR.

Ombre vénérable, recevez mes actions de grace: mes - doutes sont dissipés, et vous m'avez enhardi à publier la traduction de vos Satires. Je ne m'oppose plus à votre départ; retournez dans ces lieux enchantés qu'habite l'inno

cence,

Quæque pii vates et Phabo digna locuti.

Il est facile de sentir à présent que je serois tombé dans l'inconvénient des répétitions, et que j'aurois enflé le volume sans nécessité, si j'avois voulu rejeter dans mes Notes les différentes idées que j'ai rassemblées dans ce Discours, et donner à chacune le développement dont elle auroit été susceptible: il est vrai aussi qu'en divisant et éparpillant mes remarques, j'aurois peut-être encouru moins de défaveur, si les critiques que je me suis permises ne sont pas justes; mais il n'entroit pas dans mon plan d'esquiver le ju

gement du public, ou d'escamoter furtivement son approbation.

Les personnes qui seront curieuses de connoître l'origine et les progrès de la satire chez les Romains

, pour

ront lire, dans les Principes de Littérature de M. l'abbé Le Batteux, volume iij, le premier chapitre de la seconde partie.

« PredošláPokračovať »