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combien de maisons de campagne poffede aujourd'huy, celuy que j'ay veu autrefois dans une boutique de Barbier, & qui m'a rafé dans ma jeuneffe.

Celuy-là fe plaint des épaules, celuy-cy des reims, l'un du relafchement de nerfs, l'autre d'avoir perdu la veuë, & il porte envie à ceux, aux quels ils refte du moins un œil, comme au Cyclope. Il y en a qui ont déja les lévres pafles, & qui ne mangent plus que par les mains d'autruy. Il y en a qui n'ont plus d'autre mouvement, que celuy d'ouvrir la bouche, à la veuë de leur fouper, de mefme que les petits des hirondelles, qui reçoivent leur nourriture du bec de leurs meres.

Mais ce qui furpaffe beaucoup toutes ces pertes, c'eft l'absence d'efprit. Ils ne se souviennent plus des noms de leurs efclaves. Ils ne reconnoiffeur plus leurs amis, qui fouppoient avec eux la nuit derniere; Ils oublient leurs propres enfans, & ils les desheritent par un cruel teftament, pour donner tout_leur bien à Phiale, qui s'eft renduë Maistresse de leur cœur par fes careffes.

Mais quand on conferveroit la vigueur des fens & la force de l'efprit. Il faut eftre témoin de la mort de vos enfans, du trifte fpectacle du bucher d'une épouse, que vous avés aymée tendrement, & avoir devant les yeux les urnes des cendres de vos freres & de vos feurs.

Ce font les amertumes, que ceux qui vivent long-temps, ne peuvent éviter; de forte que l'on ne vieillit point, qu'en prenant souvent des habits de deuil, & en voyant renouveller noftre tristeffe par la perte de nos amis, & 'de nos parens.

Si nous donnons quelque creance au Grand Homere, Neftor Roy de Pilos a efté celuy de tous les hommes, dont l'age a le plus approché de celuy des Corneilles. N'eft-il pas heureux d'avoir differé fi long-temps de mourir, d'avoir compté fon age fur les doits de fa main droite, d'avoir goûté tant de fois du vin nouveau › Mais je vous prie d'attendre un mos ment, & vous entendrés qu'il fe plaindra du deftin, & des parques, lors qu'il verra fon fils, fon cher fils Antiloque, fur un bûcher. Il demandera triftement à ceux qui font témoings. de fa douleur, pourquoy les Dieux l'ont refer vé à des peines fi fenfibles, & quel crime l'a rendu coupable d'une fi longue & fi déplorable vie. Pelée fift entendre les mefmes regrets à la mort de fon fils Achille, & Laerte ne répandit pas moins de larmes, pendant les voiages & l'absence d'Vlysse.

Si Priam eût ceffé de vivre > pendant que Troye eftoit floriffante, fi sa mort eût prévenu le defefpoir de Polixené, & là trifte évenement des Oracles de Caffandre: Enfin, s'il euft perdu le jour, avant que Paris

Hac data pœna din viventibus, ut renovata
Semper clade domus multis in luctibus, inque
Perpetuo moerore & nigra vefte fenefcant.
Rex Pylius (magno fi quicquam credis Homero)
Exemplum vita fuit à cornice fecunda.

Felix nimirum, qui tot per fecula mortem
Diftulit, atque fuos iam dextrâ computat an-

nos,

Quinque novum toties mustum bibit : oro pa rumper

Attendas, quantum de legibus ipfe queratur Fatorum, & nimio de ftamine, cum videt acris Antilochi barbam ardentem. nam quærit ab

omni

Quifquis adeft focio, cur kac in tempora duret. Quod facinus dignum tam longo admiferit avo Hac eadem Peleus, raptum cum luget Achil

lem,

Atque alius, cui fas Ithacum lugere natantem、 Incolumi Traiá Priamus veniffet ad umbras.

Affaraci magnis folemnibus, Hectore funus.

Portante ac reliquis fratrum cervicibus inter
Iliadum lacrymas, ut primos edere planētus
Caffandra inciperet, fciffaque Polyxena palla:
Si foret extinctus diverfo tempore, quo iam,
Coperat andaces Paris adificare carinas.
Longa dies igitur quid contulit? omnia vidit
Everfa,& flammis Afiam, ferroque cadentem.
Tunc miles tremulus pofita tulit arma tiara:
Et ruit ante aram fummi Jovis, ut vetulus
bos,

Qui domini cultristenne & miferabile collum
Prabet, ab ingrato iam faftiditus aratro,

Exitus ille utcunque hominis: fed torva ca

nino

Latravit rietu, qua poft hunc vixerat uxor.
Feftino ad noftros, & Regem tranfee Ponti,
Et Cræfum, quem vox uti facunda Solonts

;

eût affemblé des vaiffeaux pour fon entreprife temeraire ; Il fuft defcendu vers l'ombre d'Affaracus avec magnificence; il eut receu de la main de fes enfans les triftes devoirs de leur pieté & de leur amour. Hector accompagné de fes freres eût porté fon corps au tombeau au milieu des larmes & des regrets de fes peuples. Que luy a t-il donc fervy de vivre fi long-temps?

Il a veu la cheutte de fon Throfne, fes enfans égorgez, fon Palais confumé par les flames, & l'Afie vaincuë. Il a efté contraint de mettre bas fon Diadême, pour reprendre fon épée, & faire le Soldat en un age tremblant & fans force: Enfin il est tombé comme une victime au pied de l'Autel de Jupiter, de mefme qu'un vieil boeuf que les ans ont renfoible pour le travail, & qui presente fans refiftance fon col maigre & décharné aux coûteaux de fon Maiftre ingrat. Cette mort toute déplorable qu'elle eft, n'a rien qui ne convienne à la triste destinée des hommes. Mais qui ne plaindra le fort de fa femme, qui vefcut long temps aprés luy, & dont la parole fut changée en des hurlemens par l'excés de fa douleur.

du trop

Pour parler de quelques exemples, que nous avons veus, je paffe le Roy de Pont, & Crefus Roy de Lydie, qui fut adverti par le Sage Solon de ne juger point du bonheur

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