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fouetter son boulenger (a), pour luy avoir servy d'aultre pain que celuy du commun (6). Caton (e) mesme avoit accoustumé de dire de luy que c'estoit le premier homme sobre qui se feust acheminé à la ruyne de son païs. Et quant à ce que ce mesme Caton l'appella un iour un iour yvrongne, cela adveint en cette façon : Estants touts deux au senat, où il se parloit du faict de la coniuration de Catilina, de laquelle Cesar estoit souspeçonné, on luy veint apporter de dehors un brevet (d), à cachetes: Caton, estimant que ce feust quelque chose de quoy les coniurez l'advertissent, le somma de le luy donner; ce que Cesar feut contrainct (e) de faire, pour éviter un plus grand souspeçon: c'estoit, de fortune, une lettre amoureuse que Servilia, soeur de Caton, luy escrivoit. Caton l'ayant leue, la luy reiecta, en luy disant: « Tien, yvrongne ; » Cela, dis ie, feut plustost un mot de desdaing et de cholere, qu'un exprez reproche de ce vice; comme souvent nous iniurions ceulx qui nous faschent, des premieres iniures qui nous viennent à la bouche, quoyqu'elles ne soyent nullement deues à ceulx à qui

(a) On sait que, chez les Romains, tous les artisans étoient des esclaves. E. J.'

(b) SUETONE, Vie de César, §. 48. C.

(c) Id. ibid. §. 53. C.

(d) Un billet doux, une lettre. E. J.

(e) PLUTARQUE, Vie de Caton d'Utique, c. 7. G.

nous les attachons: ioinct que ce vice
que Caton
luy reproche est merveilleusement voisin de celuy
auquel il avoit surprins Cesar; car Venus et Bac-
chus se conviennent volontiers, à ce que dict le
proverbe : mais chez moy Venus est bien plus
alaigre, accompaignee de la sobrieté.

Il étoit singulièrement

ment envers

Les exemples de sa doulceur et de sa clemence envers ceulx qui l'avoient offensé sont infinis; doux et cléie dis oultre ceulx qu'il donna pendant le temps ses ennemis. que la guerre civile estoit encores en son progrez, desquels il faict luy mesme assez sentir, par ses escripts, qu'il se servoit pour amadouer ses ennemis, et leur faire moins craindre sa future domination et sa victoire. Mais si fault il dire que ces exemples là, s'ils ne sont suffisants à nous tesmoigner sa naïfve doulceur, ils nous montrent au moins une merveilleuse confiance et grandeur de courage en ce personnage Il luy est advenu souvent de renvoyer des armees toutes entieres à son ennemy, aprez les avoir vaincues, sans daigner seulement les obliger par serment, sinon de le favoriser, au moins de se contenir sans luy faire la guerre : Il a prins trois et quatre fois tels capitaines de Pompeius, et autant de fois remis en liberté : Pompeius declaroit ses ennemis touts ceux qui ne l'accompaignoient à la guerre ; et luy, feit proclamer (a) qu'il tenoit pour amis touts ceux qui

(a) SUÉTONE, Vie de César, §. 75. C.

ne bougeoient, et qui ne s'armoient effectuellement contre luy : A ceulx de ses capitaines qui se desrobboient de luy, pour aller prendre aultre condition, il renvoyoit encores les armes, chevaulx et equipages: Les villes qu'il avoit prinses par force, il les laissoit en liberté de suyvre tel party qu'il leur plairoit, ne leur donnant aultre garnison que la memoire de sa doulceur et clemence: Il deffendit, le iour de sa grande battaille de Pharsale (a), qu'on ne meist qu'à toute extremité la main sur les citoyens romains. Voylà des traicts bien hazardeux, selon mon iugement: et n'est pas merveilles si, aux guerres civiles que nous sentons, ceulx qui combattent, comme luy, l'estat ancien de leur païs n'en imitent l'exemple; ce sont moyens extraordinaires, et qu'il n'appartient qu'à la fortune de Cesar, et à son admirable pourvoyance, de heureusement conduire. Quand ie considere la grandeur incomparable de cette ame, l'excuse la victoire de ne s'estre peu despestrer de luy, voire en cette tresiniuste et tresinique cause. Pour revenir à sa clemence, nous en avons plusieurs naïfs exemples au temps de sa domination, lors que, toutes choses estant reduictes en sa main, il n'avoit plus à se feindre: Caius Memmius avoit escript contre luy des oraisons trespoignantes, ausquelles il avoit bien aigrement respondu; si ne laissa il bien tost aprez

(a) SUETONE, Vie de César, §. 75. C.

d'ayder à le faire consul (a). Caius Calvus, qui avoit faict plusieurs epigrammes iniurieux contre luy, ayant employé de ses amis pour le reconcilier, Cesar se convia luy mesme (6) à luy escrire le premier; et nostre bon Catulle, qui l'avoit testonné (c) si rudement sous le nom de Mamurra, s'en estant venu excuser à lui, il le feit ce iour mesme souper à sa table: Ayant esté adverty d'aulcuns qui parloient mal de luy, il n'en feit aultre chose que declarer, en une sienne harangue publicque, qu'il en estoit adverty (d). Il craignoit encores moins ses ennemis, qu'il ne les haïssoit: aulcunes coniurations et assemblees qu'on faisoit contre sa vie luy ayant esté descouvertes, il se contenta (e) de publier, par edit, qu'elles luy estoient cogneues, sans aultrement en poursuyvre les aucteurs. Quant au respect qu'il avoit à ses amis, Caius Oppius (ƒ) voyageant avecques luy, et se trouvant mal, il luy quita (g) un seul logis qu'il y avoit, et coucha toute la nuict sur la dure et au descouvert. Quant à sa iustice, il feit mourir un sien serviteur (h) qu'il aimoit singulierement,

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L'ambition effrénée de

pour avoir couché avecques la femme d'un chevalier romain, quoyque personne ne s'en plaignist. Iamais homme n'apporta, ny plus de moderation en sa victoire, ny plus de resolution en la fortune contraire.

Mais toutes ces belles inclinations feurent alteCésar corrom- rees et estouffees par cette furieuse passion ampoit ses plus bitieuse à laquelle il se laissa si fort emporter,

vertueuses in

clinations, et

à tous les gens

de bien.

arendu sa me qu'on peult ay seement maintenir qu'elle tenoit moire odiense le timon et le gouvernail de toutes ses actions: d'un homme liberal, elle en rendit un voleur publicque pour fournir à cette profusion et largesse, et luy feit dire ce vilain et tresiniuste mot, que si les plus meschants et perdus hommes du monde luy avoient esté fideles au service de son aggrandissement, il les cheriroit et advanceroit de son pouvoir, aussi bien que les plus gents de bien: (a) l'enyvra d'une vanité si extreme, qu'il osoit se vanter, en presence de ses concitoyens, << d'avoir rendu cette grande republicque romaine un nom sans forme et sans corps » (¿); et dire (c) << que ses responses devoient meshuy (d) servir de loix; » et recevoir assis le corps du senat venant vers luy; et souffrir qu'on l'adorast et qu'on

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(a) Elle (cette furieuse passion ambitieuse) l'enivra. (b) Nihil esse rempublicam appellationem modo, sine corpore ac specie. SUETON. §. 77. C.

(c) Debere homines pro legibus habere quæ dicat. SUETON. S. 77. C.

(d) Désormais, dorénavant. E. J.

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