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Au-dessus de ces démons il en est d'autres, que l'on pourrait com parer aux héros de la mythologie grecque ce sont les Dhyan Chohans. Dans la philosophie advâïti, mélange de vedântisme et de çivaïsme, ces esprits supérieurs, « représentant l'intelligence cosmique totalisée », sont tenus pour les artisans immédiats des mondes »>, de véritables démiurges. Comme artisans et ordonnateurs, « ils sont le principe élémentaire de l'univers, quo'qu'ils soient en même temps le résultat de l'évolution cosmique. Comme tels, ils ont dû nécessairement passer par les états successifs que nous avons dits. Semblables aux dieux de l'Olympe ou, du moins, aux héros, ce sont des parvenus, qui ont atteint au sixième principe et conquis par leurs efforts la haute position qu'ils occupent, position à laquelle chacun de nous peut prétendre. Les théosophes en font « les gardiens et les guides des planètes », ce qui rapproche singulièrement la doctrine de la théorie sabéenne sous ce rapport. Chaque planète a son Dhyan-Choan. Le grand Képler ne croyait-il pas à l'esprit de la Terre!

Le Devachan et l'Avitchi répondent partiellement au Ciel et à l'Enfer des chrétiens. Je dis partiellement, car ce ne sont point des localisations fixes et d'une nature uniforme pour tous, mais de simples situations proportionnées, quant à leurs degrés d'élévation ou d'abaissement, au karma de chacun. La vie n'y est donc pas objective, mais subjective. Elle n'y est pas non plus éternelle, et c'est en quoi elle diffère encore de celle de notre Ciel et de notre Enfer. «< Dans le ‹ Devachan, dit M. Sinnet, ce qui survit n'est pas simplement la << monade individuelle, qui traverse tous les changements du cou<< rant évolutionnel et passe de corps en corps, de planète en planète, et ainsi de suite; ce qui survit dans le Dévachan, c'est la person⚫nalité consciente de l'homme. Cette personnalité étant demeurée jusque-là inconsciente de ses transformations, il eût été, ce semble, plus exact de dire, non pas qu'elle survit, mais qu'elle se retrouve enfin dans l'état dévachanique. Et elle s'y retrouve, paraît-il, avec toutes ses affections, avec tout ce qui a fait sa joie et peut assurer son bonheur : «< Dans cet état, ajoute notre auteur, on ignore tout ce << qui se passe sur la terre. Sans cela il n'y aurait pas de vrai bon«heur après la mort. Un ciel d'où, comme du haut d'un observa<«<toire, on pourrait voir les misères, de notre planète, serait vérita⚫blement un lieu de souffrances morales aiguës pour ses habitants «<les plus désintéressés et les plus méritants, un séjour d'autant plus

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« pénible qu'on aurait été plus aimant et meilleur1. » Saint-Anselme me semble avoir eu de la béatitude céleste une idée qui se rapproche de celle-là: « Quiconque, dit-il, méritera de régner avec << Dieu, tout ce qu'il voudra sera au Ciel et sur la terre, et tout ce « qu'il ne voudra pas ne sera ni sur la terre ni au Ciel, parce que la << gloire n'est autre chose qu'un parfait accomplissement de la vo<«<lonté du juste. » Ce qui revient à dire que la vie du juste dans le Ciel, comme celle du Dévachan, est bien une vie subjective.

Ainsi que je le disais plus haut, le Dévachan n'est donc pas un endroit, un lieu, mais un état ; il en est de même de l'Avitchi, son antipode, qu'il ne faut pas confondre avec l'Enfer. La philosophie bouddhique ésotérique reconnaît trois lokas: 1o le Kama loka ou le monde des désirs, des passions, des appétits terrestres; 2o le Roupa loka ou le monde des ombres et des formes, avec objectivité, mais sans substance; 3° l'Aroupa loka ou le monde sans forme, monde dont les habitants, quoique réels, n'ont ni corps, ni couleur, ni rien de saisissable par nos sens, à nous, mortels. Le premier de ces mondes est le nôtre; le deuxième, le Dévachan et l'Avitchi; le troisième. le Nirvana. Comme le travail et le changement sont incessants, tant que l'évolution n'a pas atteint à ce dernier état, ni l'Avitchi ni le Dévachan ne sont des conditions éternelles; on peut en être tiré par son karma, pour renaître, sur la terre ou ailleurs, et continuer le mouvement, soit d'avance, soit de recul.

Il y aurait beaucoup à dire encore, non-seulement sur l'évolution d'outre-tombe, telle que l'entend le Bouddhisme des arhats thibétains, mais sur le reste de la doctrine néo-théosophique. Nous croyons, néanmoins, avoir donné une idée suffisante de cette doctrine, et c'est tout ce que pouvait nous permettre un article de Revue.

J. BAISSAC.

NOTA. Nous avons dit, dans notre premier article, que ni Mme Blavatsky ni M. Mohini ne paraissaient connaître personnellement le mahatma Kout-Houmi. On nous fait observer que, durant les sept années que Mme Blavastsky a passées au Thibet, elle a eu,

1) Esot. Buddh.

au contraire, fréquemment l'occasion de voir Kout-Houmi chez lu.. Quant à M. Mohini, il ne connaissait pas encore son maître, il est vrai, lorsque fut écrit, près de 15 mois avant sa publication, l'article du Theosophist dont nous avions cru pouvoir inférer que le chéla n'avait peut-être jamais vu l'illustre gourou thibétain; mais il nous fait dire qu'il l'a connu depuis et a eu avec lui des rapports de disciple

à maître.

J. B.

LA FILLE AUX MAINS COUPÉES

Je veux m'occuper d'une légende assez étrange qui a déjà été l'objet de travaux importants de MM. d'Ancona et Wesselofski. Le sujet dont je me propose de parler n'est donc pas nouveau et je serai obligé, plus d'une fois, de revenir aux études de mes savants prédécesseurs; isolées des leurs, les recherches, les découvertes que j'ai faites moi-même demeureraient incomplètes et obcures. Je n'ai, du reste, pas la prétention de dire le dernier mot sur le conte de La fille aux mains coupées ni de signaler tous les rapprochements auxquels il peut donner lieu, car à chaque instant on découvre de nouvelles références.

Le conte de La fille à la main ou aux mains coupées, existe sur des points fort éloignés les uns des autres; les évènements qui amènent la mutilation sont souvent fort différents et dans la plupart des rédactions,ce conte se développe par l'agrégation de plusieurs autres récits. Je rencontrai pour la première fois cette singulière histoire, quand, en 1866, je m'associai à M. Albert de Circourt, pour traduire le livre. de Gutierre Dias de Gamez qui, au xve siècle, sous le titre de Victorial, raconta la vie accidentée de don Pero Nino, chevalier aventureux et un peu aventurier dont il était l'Alferez. Venu en France à la suite de ce seigneur, Gamez apprit,il ne dit pas comment,un épisode par lequel il prétendait exposer les causes des longues guerres qui se produisirent entre ce royaume et l'Angleterre. C'est cette version dont je veux d'abord parler et qui servira comme de base à ce petit travail.

Gamez raconte qu'un duc de Guienne conçut, après la mort de sa femme, une affreuse passion pour sa fille. Je me borne à indiquer rapidement cette répugnante situation, mais je pense devoir donner le reste de la légende: «La damoiselle appela un sien serviteur à qui elle se fiait et lui raconta toute la chose, et comment son père lui avait baisé les mains. Et pour empêcher un si grand péché, elle lui dit: Je

veux que tu coupes mes mains et tu lieras mes bras afin que je ne meure pas. Le serviteur se défendit de faire telle chose, mais elle lui dit: Tu me les couperas, ou je me tuerai avec ce couteau. Je puis bien vivre sans mains, ou autrement tu ne me verras plus, ni toi, ni personne.

<< Et la damoiselle prit un bassin d'argent et un couteau qu'elle tenait tout près et bien aiguisé et posa les mains sur le bassin et dit; - Coupe sans crainte, et ainsi le serviteur les lui trancha et les plaça dans le bassin avec le couteau et le sang; il lui lia les bras, puis couvrit le bassin avec un drap, le mit de côté et s'en fut. Le lendemain le duc vint pour voir sa fille et s'assit près d'elle sur l'estrade; et la regardant, il la vit très-pâle, telle que jamais elle ne l'avait été, et lui voulut prendre les mains, comme il avait coutume de le faire. Elle, alors, leva ses bras qui étaient liés, et quand il ne vit point de mains il fut fort étonné et dit : Qu'est-ce ceci, fille?

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<«< Elle répondit: - Seigneur père, ce n'est pas sans raison; par vous je fus engendrée, vous baisiez mes mains; et les mains baisées par un père, voilà ce qu'elles méritent. Alors le duc très courroucé contre sa fille, fit appeler ceux de son conseil et leur raconta la chose, et il dit que puisque sa fille n'avait point eu pitié de lui, on ne devait pas avoir pitié d'elle et qu'il voulait qu'elle mourût, mais qu'il demandait avis sur le genre de mort qu'elle devait subir. Les conseillers répondirent: La loi n'est pas qu'elle meure; la loi ordonne qu'une femme de lignage royal qui a commis une faute ne soit pas mise à mort, mais qu'on la place sur un vaisseau toute seule et sans nulle compagnie; et si elle a des enfants conçus contre l'honneur, qu'on les y place près d'elle, qu'on lui donne son trousseau et tout ce qui lui appartient, et ce dont elle peut avoir besoin pour se substanter, et que l'on conduise le vaisseau en mer si loin que la terre ne se voie plus, qu'alors on déploie les voiles et qu'on la laisse ainsi seule sur les flots.

Et de la sorte il fut fait incontinent. On appareilla une nef et on mit la damoiselle dedans avec tout ce qui lui appartenait ainsi que le bassin contenant les mains et le sang, et des hommes entrèrent dans d'autres vaisseaux pour conduire la nef. Quand ils eurent perdu la terre de vue, laissant la damoiselle toute seule, ils revinrent au rivage. Tout ce jour et toute la nuit, la damoiselle ne fit que pleurer, appelant Dieu et Sainte-Marie, les priant de la secourir et conduire à bon port, et d'avoir merci de son âme. Et comme elle était très

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