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LES ORIGINES

DE L'ACADÉMIE PROTESTANTE

DE MONTAUBAN'

Extrait de l'Histoire de l'Académie protestante de Montauban, par M. M. NICOLAS, qui doit être publiée prochainement.

De très bonne heure, les Réformés français formèrent le projet d'établir des Universités leur appartenant en propre et ne relevant que de leurs Synodes nationaux. Les circonstances leur en faisaient une obligation. Un grand nombre d'Églises manquaient de pasteurs. Pour former des jeunes gens au ministère évangélique, il fallait des écoles de hautes études. Il en fallait encore pour préparer aux professions libérales les jeunes gens de leur culte qui s'y destinaient et qui étaient ou exclus des Universités du royaume ou contraints, en prenant leurs grades, à des actes de catholicisme qui blessaient leur conscience 3. L'Académie de Genève leur offrait, il

1) M. M. Nicolas a bien voulu nous remettre les bonnes feuilles de l'Introduction et du premier chapitre de l'Histoire de l'Académie protestante de Montauban qu'il fera paraître incessamment à la librairie Fischbacher. Nos lecteurs nous sauront gré de les leur communiquer.

*) Aymon, Synodes nationaux, t. 1, p. 70; Histoire de l'Eglise réformée de Nimes, par A. Borel, p. 15. La discipline ecclésiastique des Eglises réformées de France, édition de La Haye, 1760, p. 1633-1666.

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3) Histoire des assemblées politiques des Réformés de France, par L. Anquez, p. 105. Les Réformés protestèrent à plusieurs reprises, soit contre leur exclusion des Universités du royaume, soit contre l'obligation qui leur était imposée, en y prenant des grades, de faire des actes de catholicisme. L'assemblée politique réunie à Montauban en 1573 demanda que toutes les écoles du royaume fussent ouvertes aux Réformés, et que dans chacune d'elles il y eût un régent et un recteur appartenant à la communion protestante. Ce système, qui ne tendait à rien moins qu'à constituer des Universités mi-parties, était irréalisable

est vrai, toutes les ressources d'instruction et toutes les garanties religieuses qu'ils pouvaient désirer'. Mais d'un côté les Églises réformées françaises, sans renoncer aux précieux avantages que cette Académie leur présentait, jugeaient avec raison qu'elles devaient posséder elles-mêmes toutes les institutions nécessaires à leur vie intellectuelle et morale; et d'un autre côté rien n'assurait que le gouvernement français, qui, à plusieurs reprises, ne voulut pas souffrir que des pasteurs d'origine étrangère restassent au service des Églises réformées du royaume, n'interdirait jamais l'exercice, soit du ministère évangélique, soit des professions libérales, à ceux qui auraient fait leurs études en des pays protestants.

C'est pour les mêmes raisons que les assemblées politiques et les Synodes nationaux ne tinrent aucun compte et ne dirent jamais un mot, dans leurs discussions sur ce sujet, ni de l'Académie que Jeanne d'Albret avait fondée à Orthez en 1560, ni de celle que le duc de Bouillon avait établie à Sedan en 1579. Ni le Béarn ni la principauté de Sedan ne faisaient alors partie de la France; leurs Académies se trouvaient par conséquent dans le même cas que celle de Genève par rapport au gouvernement français. Leurs Églises étaient indépendantes des Synodes nationaux de France, et ces vénérables assemblées voulaient avoir des Académies' qui fussent sous leur autorité immédiate et sous leur propre direction.

Enfin, celle qui avait été fondée à Nîmes le 7 avril 1561, par le consistoire et le conseil de cette ville, ne répondait pas tout à fait à ces conditions. Elle dépendait avant tout des corps qui l'avaient établie; elle existait par les subsides qu'elle en recevait; elle échappait en partie par ces deux circonstances, sinon au contrôle religieux et moral, du moins à la direction directe des synodes. Elle se trou

et fut abandonné. Henri III ordonna, il est vrai, par l'article i de l'édit de Beaulieu, de recevoir dans les écoles tous les étudiants français, sans acception de religion. Mais cette clause ne fut pas exécutée, et ne pouvait pas l'être aussi longtemps que la collation des grades était entourée de cérémonies catholiques et n'était pas purement laïque.

1) L'Académie de Genève date du mois de juin 1559. Avant cette époque, la République n'avait que son collège de Rive. La France protest., 2o édit., t. 1, col. 76, note 2.

2) Les Églises réformées du Béarn ne furent réellement unies à celles de la France qu'en 1631, et non sans de grands et longs débats. Aymon, Synodes nation., t. 1, p. 476 à 483. Et celles de la principauté de Sedan, même après la réunion de cette principauté à la France en 1642, ne furent représentées ni au Synode national de Charenton en 1645, ni à celui de Loudun en 1659.

vait par là comme une institution particulière à la ville de Nîmes et aux Églises environnantes, qui en subissaient l'influence et qui, par la force même des choses, en étaient presque des annexes et des dépendances. Cet état de choses dura jusqu'à l'établissement du régime de l'édit de Nantes, qui la fit entrer naturellement sous la complète autorité des synodes nationaux; elle fut mise alors sur le même pied que les deux Académies que ce nouveau régime permit à ces assemblées de pouvoir fonder directement elles-mêmes.

Jusqu'à la promulgation de l'édit de Nantes, les synodes nationaux et les assemblées politiques se consumèrent en efforts impuissants; ils ne perdirent cependant jamais l'espoir de pouvoir fonder des Académies réformées; ils en parlèrent toujours comme d'institutions d'une absolue nécessité; on n'y admit pas un seul moment qu'on pût s'en passer. Bien longtemps avant que la moindre possibilité de les établir vînt luire aux yeux des Réformés français, ils en regardaient l'existence comme certaine et même comme prochaine. Le Synode national réuni à Lyon en août 1563 en était tellement. persuadé, qu'il détermina les attributions des professeurs qui y enseigneraient, et qu'il décida qu'ils pourraient être membres des consistoires et députés aux Synodes. Celui qui fut tenu à Nîmes en mai 1572, au moment même où se méditait la ruine du protestantisme en France, règlementa le mode de leur nomination et fixa les obligations qui leur seraient imposées.

L'assemblée politique réunie à la Rochelle en 1580 vota l'établissement d'une Université dans cette ville, pour former des jeunes gens au ministère évangélique; et comme elle n'avait point de fonds ni pour l'établir ni pour l'entretenir, elle décréta qu'il serait fait un prélèvement de mille écus sur les revenus du clergé catholique 3. Cette décision resta sans résultat. La Rochelle eut toutefois, quatorze ans après, l'espérance d'avoir une Académie. En 1594, Henri IV, cédant aux instances réitérées des Réformés, créa, par lettres patentes, une Université dans cette ville, une autre à Nîmes et une troisième à Montélimart. Mais ces lettres patentes n'étaient pas encore enregistrées en avril 1598, et elles ne le furent jamais,

1) Aymon, Synodes nationaux, t. 1, p. 33.

*) Aymon, Ibid., t. 1, p. 115.

3) L. Anquez, Histoire des assemblées politiques des Réformés de France, p. 455.

malgré la promesse qui en fut faite dans le trente-septième des articles secrets de l'édit de Nantes 1.

Fatigué de ces lenteurs, le Synode national tenu à Saumur en juin 1596, comprenant que les Réformés ne devaient compter que sur leurs propres efforts, « avertit les provinces de s'efforcer d'établir chacune un collège, et toutes ensemble au moins deux Académies. » Duplessis-Mornay ne fut certainement pas étranger à cette résolution. Depuis 1590 il cherchait lui-même à fonder une Université à Saumur3, et le Synode national de 1596, d'accord avec lui, << jugea cette ville propre à y dresser un collège, et quand Dieu en donnera le moyen, une Académie. Sur quoi nous avons prié M. le gouverneur de ce lieu (Duplessis-Mornay) de continuer la bonne volonté qu'il a témoignée pour cela, et chacun de cette compagnie est prié d'y exhorter ceux de sa province. »

Quand l'édit de Nantes eut donné aux Réformés une position légale en France et qu'un subside annuel leur eut été alloué par Henri IV pour l'entretien de leurs Églises, on se trouva enfin en mesure de mettre à exécution le projet poursuivi depuis si longtemps avec tant de constance, et, sans plus de retard, la fondation de deux Universités fut décrétée au quinzième synode national, tenu à Montpellier du 26 au 30 mai 1598, un mois à peine après la signature de l'édit. L'une de ces Académies fut placée à Saumur et l'autre à MonLauban".

L'ACADÉMIE

PREMIÈRE PARTIE

DE MONTAUBAN (1598-1659)
ET DE PUYLAURENS (1659-1695).

CHAPITRE I.

ORGANISATION INTÉRIEURE ET ORDRE DES ÉTUDES.

Les Académies que le Synode national tenu à Montpellier en 1598 avait décidé d'établir à Montauban et à Saumur devaient être de véritables Universités. La théologie devait sans doute y occuper la

1) L. Anquez, Ibid., p. 106.

*) Aymon, Synodes nationaux, t. 1, p. 197.

3) Vie de Duplessis-Mornay, Leyde, 1647, p. 157.

') Aymon, Synodes nationaux, t. 1, p. 197.

5) Aymon, Ibid., t. 1, p. 225.

") Le mot Académie était entendu alors dans le même sens que le mot Uni

plus large place; mais il était bien entendu que, à côté d'elle, on y enseignerait aussi le droit, la médecine, les sciences, les langues et ce qu'on appelait alors les humanités, c'est-à-dire les belles-lettres. Les Synodes nationaux et les assemblées politiques n'avaient pas eu seulement l'intention, en travaillant si longtemps à fonder des Académies, de préparer des ministres aux Eglises; ils avaient voulu aussi éviter aux jeunes gens de leur culte qui se destinaient à des carrières libérales la nécessité de fréquenter les Universités de l'Etat, où les titres de maître ès-arts, de docteur en droit, de docteur en médecine, ne pouvaient être acquis qu'en prenant part à des cérémonies catholiques.

L'Académie de Montauban fut établie sur ce plan. On en a la preuve dans ses règlements, qui, élaborés de 1598 à 1600, furent publiés et lus publiquement au Grand Temple le 22 octobre de cette dernière année'. Il est dit dans le prologue: « L'Académie qui se dresse à Montauban, par la permission du roi, à la requête et supplication des Eglises réformées de France, sera composée de docteurs et professeurs publics en théologie, jurisprudence, médecine, mathématiques, langues hébraïque et grecque; de professeurs qui enseigneront la physique, la logique, l'éloquence et la grammaire. › Et dans le corps des règlements, après avoir déterminé quel sera l'enseignement des professeurs de théologie, on ajoute: «Le professeur de jurisprudence lira, en cette Académie, les Institutes de Justinien et autres livres de droit civil; le professeur en médecine lira Hippocrate, Galien et autres; le professeur en mathématiques enseignera Euclide, Ptolémée et autres.» Puis il est question professeurs en langue hébraïque et grecque; et plus loin, de l'enseignement de la philosophie et de la physique. Enfin, il est supposé

des

versité. Mais on ne peut douter qu'il n'ait été choisi par les Réformés français du XVIe siècle dans l'intention spéciale de marcher sur les traces de Genève, où l'Université a été appelée, depuis Calvin jusqu'à nos jours, du nom d'Académie.

1) Voyez appendice no A.

2) Il devait en être de même à l'Académie de Nîmes. Les Academiæ Nemausensis leges (Nemausi, 1582, in 4o) contiennent cet article: «Jurisperitus institutionum imperalium libros pure et perspicue, habita tyronum ratione, edoceto.» Il y est dit ensuite que le professeur de jurisprudence expliquera les termes de droit et qu'il donnera quelques notions du droit naturel et du droit des gens, qu'il en fera connaître du moins les sources. Nous savons qu'à l'Académie de Sedan il y eut jusqu'à la fin un enseignement du droit; on connait même les noms des professeurs qui y donnèrent cet enseignement.

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