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Tula, forme contractée de Tonalan, lieu du soleil, et répondant exactement, sinon par l'étymologie, du moins par le sens à Thule a sole nomen habens. On peut le rendre par Thulites, quoique ce nom, tiré de Procope ', s'applique aux habitants d'une autre Thulé, la péninsule scandinave auxquels il avait été donné aussi à cause des phénomènes et du culte solaires décrits par cet auteur.

Après ces explications on comprendra mieux la portée du nom de Tullan-Tlapallan. Le P. Bernardino de Sahagun est à la vérité le seul qui accole ces deux mots, mais il n'est pas seul à mettre les Toltecs en relations avec Tlapallan. Torquemada les fait aussi venir 3, sinon de ce pays lui-même, du moins d'un autre qui, à en juger par l'épithète de vieux (Huehuetlapallan), était encore plus rapproché du berceau primitif. Mais c'est à Ixtlilxochitl que l'on doit le plus de renseignements sur ces contrées. On parlera plus loin, d'après lui, de la première migration des Toltecs, partis de Huey-Tlapalan (GrandTlapallan) sous la conduite de Huemac. Il ne dit pas expressément que Quetzalcoatl, chef de la seconde, fût originaire du grand, ou du petit, ni de l'ancien, ni même du nouveau Tlapallan, mais cela ressort clairement de ce que ce demi-dieu' s'en

1) De bello gothico, II, 15.

2) On lit bien dans la traduction française de Tezozomoc que Quetzalcoatl se réfugia à Tula ou Tlapallan, situé au delà des mers (ch. cvu); qu'il avait emmené à Tula divers grands personnages et magiciens (ch. cv); qu'il avait promis de revenir de Tula (ch. cv); que les biscuits offerts à Montezuma par Cortès, confondu avec Quetzalcoatl, avaient été envoyés de Tula (ch. cv). (Histoire du Mexique par don Alvaro Tezozomoc, traduit sur un ms. inédit par H. Ternaux-Compans, Paris, 1847, 1849, 2 vol. in-8°, t. II, p. 227, 237, 242), mais nulle part dans le texte publié par Orozco y Berra, Tula n'est identifié avec Tlapallan.

3) Salieron de su patria, que se llamaba Huehuetlapalan (Monarchia Indiana, 1. I, ch. iv, t. I, p. 37).

4) Quetzalcoatl... se volvió par la misma parte de donde habia venido, que fue por la de Oriente, desapareciéndose por la costa de Coatzacoalco (Fernando de Alva Ixtlilxochitl, Historia chichimeca, ch. 1, dans Antiquities of Mexico de lord Kingsborough, t. IX, p. 206. Londres, 1848, in-fo. Cfr., ch. LXIX, p. 276). Este Topiltzin [Quetzalcoatl]... dijo que él queria ir hacia donde sale et sol... Fué á morir en un pueblo que se llama Matlapalan (Id. Novena relacion, dans le t. IX de Kingsborough, p. 388.) Quetzalcohuatl... el que vino de la parte del Oriente... se volvió por la parte de donde vino. (Id., Sumaria

retourna du côté de l'Orient, par où il était venu, et qu'il allait à Tlapallan, l'antique patrie de ses ancêtres 1.

Si Tlapallan était à l'ouest, on pourrait chercher à l'est la vieille, c'est-à-dire la primitive contrée du même nom; ce serait logique et surtout en harmonie avec le cours de l'astre dont ces lieux portent le nom. Mais, c'est au contraire du côté où se lève le soleil que se trouvait Tlapallan; il faut donc admettre que Huehuetlapallan désignait une station plus reculée, soit l'Irlande, l'antique insula sacra, soit la Calédonie, où la plupart des adorateurs du soleil étaient forcés de s'arrêter dans leur pèlerinage vers Thulé et le cercle polaire. L'empereur Constance Chlore lui-même ne put aller plus loin qu'au pays des Pictes pour « contempler le père des dieux... et voir un jour presque sans nuit 3. » Si le Vieux Tlapallan est l'Irlande, la guerre qui désola cette île et qui se termina par l'émigration de sept tribus peut être comparée à la lutte des Fomors et des Tuatha Dé Danann. Les vaincus se réfugièrent à Tlapallanconco (Petit Tlapallan) qui, dans le même ordre d'idées, doit être quelque île septentrionale, peut-être une des

relacion de la historia general de esta Nueva-España, desde el origen del mundo hasta la hora de agora, colegida y sacada de las historias, pinturas y caracteres de los naturales de ella, y de los cantos antiguos con que la observaron, dans le t. IX de Kingsborough, p. 459). Sur la situation orientale de Tlapalan, voy. plus haut, p. 24-25.

1) Se metió (Quetzalcoalt) la tierra adentro hasta Tiapalan ó segun otros Huey Xalac, antigua patria de sus antepasados. (Ixtlilxochitl, Novena relacion, p. 394 du t. IX de Kingsborough). Dans sa cinquième relation des rois Toltecs, le même dit de Quetzalcoatl qu'il appelle Topiltzin: se iba hacia donde el sol sale a unos reynos y señorios de sus passados... y una noche con algunos Tultecas se partio para Tlapalan (Id., ibid., p. 332); enfin dans sa Tercera relacion de la fundacion de Tula, il l'appelle Tlolpliltzin et rapporte: «< como los habia dicho que habia de volver à cierto tiempo con sus vasallos antiguos de sus pasados... fue morir en la provincia de Tlapalan. » (Id. Ibid., p. 326); Y él se habia de escapar y volver hacia donde sus pasados habian venido (Id., ibid., p. 325).

2) Voy. les deux notes précédentes. Cfr., p. 24-25.

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3) Eumène, Panegyrique de Constantin, § 7 (voy. l'Elysée transalt., p. 284). Dans l'éloge de la Grande-Bretagne, le rhéteur relève les traits suivants: <«<longissimæ dies, et nullæ sine aliqua luce noctes... ut sol ipse, qui nobis videtur occidere, ibi appareat præterire. » (Eumène, ibid., § 9).

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Hébrides, des Orcades, des Shetlands ou des Færeys. Ixtlilxochitl dit bien que cette localité était à soixante lieues de la mère-patrie; nous n'en restons pas moins dans le vague, à cause de la multiplicité des mesures ainsi nommées. Ils ne savaient s'ils devaient s'y fixer ou pousser plus loin, lorsqu'un grand astrologue les tira de leur perplexité. C'était Huemac qui allait désormais les guider, comme chef spirituel, pendant plus de trois cents ans. Il commença par les réconforter en leur rappelant que les grands revers étaient toujours suivis d'années de prospérité. Il avait appris par l'observation des astres que le pays des géants (l'Amérique du nord dans les traditions mexicaines) était à peu près désert, par suite de leur extermination, et qu'il offrait aux Toltecs une demeure agréable et éloignée de celle de leurs ennemis et que leurs descendants y jouiraient de l'âge d'or au moins pendant dix générations. Les détails de cette longue et pénible migration, qui dura deux cycles de cinquante-deux ans, soit cent quatre ans, sont fort obscurs, d'autant plus que, par une contradiction dont il y a beaucoup d'exemples dans ses diverses relations, Ixtlilxochitl place Huey-Tlapallan à l'ouest, tandis que partout ailleurs il place à l'est Tlapalan, le pays d'où étaient venus les ancêtres de Topiltzin (Quetzalcoatl) et de ses Toltecs'. Voici ce que le P. B. de Sahagun nous apprend de la même migration « D'après ce qu'affirment les vieillards aux mains desquels se trouvent les peintures et les mémoires sur les choses anciennes, ceux qui vinrent les premiers peupler ce pays de la Nouvelle-Espagne, procédèrent de la région du nord en marchant à la recherche du paradis terrestre. Ils se faisaient appeler Tamoanchan, contradiction de tictemoa tochan, qui veut dire : « Nous cherchons notre demeure naturelle. » Ils étaient peut-être poussés à croire sur la foi de

1) C'est dans ces groupes d'iles que les Fomors s'étaient aussi retirés (voy. plus haut, p. 23, note 4).

2) Ixtlilxochitl, Rel. dans Kingsborough, Ant. of Mexico, t. IX, p. 322-323. 3) Voy. plus haut les passages cités p. 31, note 1.

quelque oracle et divulgué par des gens estimés parmi eux, que le paradis terrestre était situé vers le sud1. »

Huemac fut pour les Toltecs ce que Saturne avait été pour le Latium; tout en n'étant, comme le dieu anthropomorphisé, que l'associé des rois successifs, il fut le législateur de la nation; il composa le Teoamoxtli (Livre divin) qui traitait du passé et de l'avenir des Toltecs, celui-là sous forme d'annales, celui-ci sous forme de prédictions; de leur gouvernement, de leurs lois, de leurs coutumes, de leurs connaissances astronomiques et de leur comput, et qui contenait en outre des préceptes de morale, et même des instructions agricoles, comme on en attribuait spécialement à Saturne 3. Sa fin n'est pas plus connue que celle du civilisateur du Latium; mais il y a tout lieu de croire qu'il fut détrôné ou pour mieux dire, que les rois du même nom, en qui se personnifie sa civilisation par trop primitive et ses rites sanguinaires, furent supplantés par l'Hercule ou plutôt par l'Ogma mexicain, Quetzalcoatl, le génie du progrès et de l'adoucissement des mœurs.

Si l'histoire légendaire des Toltecs n'était pas embrouillée d'une manière inextricable, il ne serait certes pas permis de prendre aux Huemac, quasi-historiques, les traits mythiques qui leur sont attribués pour les reporter sur le Huemac surnaturel, celui qui vécut plus de trois cents ans. Mais il est évident que, soit par la faute des traditionnaires nationaux,

1) Hist. gén. des choses de la Nouvelle-Espagne, trad. Jourdanet et Rémi Siméon, prol. du 1. VIII, p. 495; cfr. prol. du 1. I, p. 9 et 1. X, ch. xxix, § 12, p. 674. Ces deux derniers passages paraissent pourtant plutôt s'appliquer à la seconde migration toltèque, conduite par Quetzalcoatl.

2) Ixtlilxochitl, Rel. dans Kingsborough, t. IX, p. 325-6. *) Nat. Comes, Myth., p. 113-114.

A la vérité Ixtlilxochitl ne dit pas qu'il fût particulièrement sanguinaire, mais on peut le conclure de ce que Montezuma ne lui adressait pas de prières sans y joindre de nombreuses peaux d'hommes écorchés (voy. la fin de ce mémoire), et surtout de ce que, d'après Torquemada (Mon. Indiana, 1. III, ch. vi, t, I, p. 256); « Huemac... venia destruiendo, y talando todas las cosas que hallaba por las provincias, por donde pasaba y haciendo muchas crueldades y tiranias... Hiço grandes matanças en todos los que pudo aver de la tierra, y à tanto llegó el temor que le cobraron, que se hiço adorar por dios. » - Cfr. plus loin, p. 36.

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soit par celle de leurs commentateurs et traducteurs espagnols, les quatre personnages de ce nom ont été confondus entre eux. Ainsi, Torquemada nous donne deux listes différentes des rois Toltecs, dont le troisième est nommé Huetzin dans la première et Huemac dans la seconde 2. Or le nom de Huetzin, composé de l'adjectif Huey3 grand, et de la particule honorique tsin, signifie grand seigneur; et celui de Huemac est expliqué dans Ixltilxochitl par main grande et puissante; sous la forme Huematzin', il signifie le seigneur à la main grande. L'un et l'autre paraissent n'être que des qualifications données à un même personnage, l'avatar ou si l'on veut le représentant humain, le grand-prêtre de Tezcatlipoca; ils correspondent à l'épithète de Tout-Puissant, fort justement appliquée à ce dieu, qui passait pour être le maître du ciel et de la terre'. Ils rentrent d'ailleurs parfaitement dans la théorie que l'on développe ici et qui fait de Tezcatlipoca le pendant de Tethra. C'était en effet la coutume des Gaëls de donner à beaucoup de leurs dieux ou héros un surnom dans la composition duquel entrait le mot lam (main); on peut citer

p. 37.

1) Mon. Indiana, 1. I, ch. xiv, t. I,
2) Mon. Indiana, 1. III, ch. vi, t. I, p. 254.

3) L'abbé Brasseur de Bourbourg (Hist. des nat. civil, t. I, p. 235), rendant hue par vieux (huehue), pensait que le surnom de Huetzin aurait été donné à Texcaltepocatl, à cause de l'âge avancé où il parvint, et il fait de celui-ci un frère du Mixcohua-Camaxtli, ou en d'autres termes de Tezcatlipoca, comme le dit fort bien M. H. Bancroft (The native races, t. V, p. 250). S'il en est ainsi, l'épithète s'applique parfaitement à Huemac qui vécut plus de 300 ans. Otros quieren décir que significa él de mano grande y poderosa (Hist. chichimeca, ch. 1, dans le t. IX de Kingsborough, p. 206.

Dans son

5) En nahua, en effet, hucy signifie grand et maitl main, bras. édition de Tezozomoc, lord Kingsborough (Antiq. of Mexico, t. IX) a partout écrit Huecmac, peut être par suite d'une mauvaise lecture de Hueimac, qui pouvait être la forme adoptée dans son manuscrit comme elle l'est dans l'Hist. de las Indias du P. Duran, ch. LXXIX, t. II, p. 72, 77, 78. 6) Cfr. notre dicton: avoir le bras long.

7) Aussi donnée par Ixtlilxochitl (Segunda relacion de los Tultecas, p. 323). Ici la consonne finale du radical a été assimilée par la première lettre de la particule honorifique tzin,

8) Todopoderoso (Sahagun, Hist. gén., 1. III, ch. 11). 9) Id., ibid. - « Il faisait tout ce qu'il voulait et personne ne pouvait le contredire dans ses actions, ni dans le ciel, ni sur la terre... On disait plus: que je jour où il lui plairait de renverser le ciel,il le ferait » (trad. Jourdanet, p. 207).

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