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reellement, en une nuict, à vingt et cinq entre- | nence peculierement en partage, et sur peines prinses, changeant de compaignie, selon son be- dernieres et extremes. soing et son goust;

Adhuc ardens rigidæ tentigine vulvæ,
Et lassata viris, nondum satiata, recessit ';

et que sur le differend advenu à Cateloigne, entre une femme se plaignant des efforts trop assiduels de son mary, non tant, à mon advis, qu'elle en feust incommodee (car ie ne croy les iniracles qu'en foy), comme pour retrencher, soubs ce pretexte, et brider, en ce mesme qui est l'action fondamentale du mariage, l'auctorité des maris envers leurs femmes, et pour monstrer que leurs hergnes3 et leur malignité passent oultre la couche nuptiale, et foulent aux pieds les graces et doulceurs mesmes de Venus; à laquelle plaincte le mary respondoit, homme vrayement brutal et desnaturé, qu'aux iours mesme de ieusne il ne s'en sçauroit passer à moins de dix; interveint ce notable arrest de la royne d'Aragon, par lequel, aprez meure deliberation de conseil, cette bonne royne, pour donner reigle et exemple, à tout temps, de la moderation et modestie requise en un iuste mariage, ordonna, pour Lornes legitimes et necessaires, le nombre de six par iour, relaschant et quittant beaucoup du besoing et desir de son sexe, « pour establir, disoit elle, une forme aysee, et par consequent permanente et immuable 4; >> en quoy s'escrient les docteurs : « Quel doibt estre l'appetit et la concupiscence feminine, puis que leur raison, leur reformation et leur vertu se taille à ce prix ! » considerants le divers iugement de nos appetits; car Solon, patron de l'eschole legiste, ne taxe qu'à trois fois par mois, pour ne faillir point, cette hantise coniugale: Aprez avoir creu, dis ie, et presché cela, nous sommes allez leur donner la conti

Brûlante encore de volupté, elle se retira enfin plus fatiguée qu'assouvie. Juv. Sat. VI, 128. 2 En Catalogne. C.

3 Hergne, qui veut dire ici humeur chagrine, acariâtre, rioteuse, ne signifie plus aujourd'hui qu'une certaine incom

Il n'est passion plus pressante que cette cy, à laquelle nous voulons qu'elles resistent seules, non simplement comme à un vice de sa mesure, mais comme à l'abomination et exsecration, plus qu'à l'irreligion et au parricide; et nous nous y rendons ce pendant sans coulpe et reproche. Ceulx mesme d'entre nous qui ont essayé d'en venir à bout, ont assez advoué quelle difficulté, ou plustost impossibilité, il y avoit, usant de remedes materiels, à mater, affoiblir et refroidir le corps: nous, au contraire, les voulons saines, vigoreuses, en bon poinct, bien nourries, et chastes ensemble; c'est à dire, et chauldes et froides; car le mariage, que nous disons avoir charge de les empescher de brusler, leur apporte peu de refreschissement, selon nos mœurs. Si elles en prennent un à qui la vigueur de l'aage boult encores, il fera gloire de l'espandre ailleurs;

Sit tandem pudor; aut eamus in ius:
Multis mentula millibus redempta,

Non est hæc tua, Basse; vendidisti '. Le philosophe Polemon feut iustement appellé en iustice par sa femme 2, de ce qu'il alloit semant en un champsterile le fruict deu au champ genital. Si c'est de ces aultres cassez 3, les voylà, en plein mariage, de pire condition que vierges et veufves. Nous les tenons pour bien fournies, parce qu'elles ont un homme auprez d'elles; comme les Romains teindrent pour violee Clodia Læta 4, vestale que Caligula avoit approchee, encores qu'il feust averé qu'il ne l'avoit qu'approchee : mais au rebours, on recharge par là leur necessité, d'autant que l'attouchement et la compaignie de quelque masle que ce soit esveille leur chaleur, qui demeureroit plus quiete en la solitude; et à cette fin, comme il est vraysemblable, de rendre par cette circonstance et consideration leur chasteté plus meritoire, Boleslauset Kinge sa femme, roys de Poloigne, la vouerent d'un commun accord, couchez ensem

modité du corps, qu'on nomme hargne ou hergne: mais har-ble, le iour mesme de leurs nopces, et la maingneux, pour querelleux, est encore en usage. C.

4 Nicolas Bohier (Boerius), jurisconsulte de Montpellier, mort en 1553, raconte ce fait dans ses Décisions du parlement de Bordeaux, dont il était président : Decisiones in senatu Burdegalens, discuss, ac promulgatæ ; Decis. 317, n. 9, p. 563 de l'édition de Lyon, 1579. Unde, dit-il, naïvement, de potentia viri non tantum mirari oportet, quantum de querela uzoris. Les Décisions de Bohier ont été traduites en francais (1611, in-4°) par le fameux Jacques Corbin, nommé dans V.Art poétique de Boileau. J. V. L.

C.

5 PLUTARQUE, traité de l'Amour, t. II, p. 769, éd. de 1824.

6 Que les femmes sont plus ardentes aux effects de l'amour que nous. C'est ce que Montaigne prétend une quarantaine de lignes plus haut; et l'on ne trouve qu'ici la fin de cette période, dont le sens a été longtemps suspendu. A. D.

teindrent à la barbe des commoditez maritales. Nous les dressons dez l'enfance aux entremises

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phrases d'Amadis et des registres de Boccace et de l'Aretin, pour faire les habiles: nous employons vrayement bien nostre temps! Il n'est ny parole, ni exemple, ny desmarche, qu'elles ne scachent mieulx que nos livres ; c'est une discipline qui naist dans leurs veines,

:

Et mentem Venus ipsa dedit',

que ces bons maistres d'eschole, nature, ieunesse et santé, leur soufflent continuellement dans l'ame; elles n'ont que faire de l'apprendre, elles l'engendrent:

de l'amour; leur grace, leur attifleure, leur science, leur parole, toute leur instruction ne regarde qu'à ce but leurs gouvernantes ne leur impriment autre chose que le visage de l'amour, ne feust qu'en le leur representant continuellement pour les en desgouster. Ma fille (c'est tout ce que l'ay d'enfants) est en l'aage auquel les loix excusent les plus eschauffees de se marier; elle est d'une complexion tardifve, mince et molle, et a esté par sa mere eslevee de mesme, d'une forme retiree et particuliere, si qu'elle ne commence encores qu'à se desniaiser de la naïfveté de l'enfance: elle lisoit un livre françois devant moy; le nom de Fouteau s'y rencontra, nom d'un arbre cogneu; la femme qu'elle a pour sa conduicte, l'arresta tout court un peu rudement, et la feit passer par dessus ce mauvais pas. Ie la laissay faire, pour ne troubler leurs reigles; car ie ne m'empesche aulcunement de ce gouvernement; la police feminine a un train mysterieux, il fault le leur quit-à cet accouplage; c'est une matiere infuse par tout; ter: mais, si ie ne me trompe, le commerce de vingt laquays n'eust sceu imprimer en sa fantasie, de six mois, l'intelligence et usage et toutes les consequences du son de ces syllabes scelerees', comme feit cette bonne vieille par sa reprimande et son interdiction.

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Motus doceri gaudet Ionicos
Matura virgo, et frangitur artubus
Iam nunc, et incestos amores

De tenero meditatur ungui3.

Qu'elles se dispensent un peu de la cerimonie, qu'elles entrent en liberté de discours : nous ne sommes qu'enfants au prix d'elles en cette science. Oyez leur representer nos poursuittes et nos entretiens; elles vous font bien cognoistre que nous ne leur apportons rien qu'elles n'ayent sceu et di

Nec tantum niveo gavisa est ulla columbo
Compar, vel si quid dicitur improbius,
Oscula mordenti semper decerpere rostro,
Quantum præcipue multivola est mulier 2.
Qui n'eust tenu un peu en bride cette naturelle
violence de leur desir, par la crainte et honneur
dequoy on les a pourveues, nous estions diffamez.
Tout le mouvement du monde se resoult et rend

c'est un centre où toutes choses regardent. On
veoid encores des ordonnances de la vieille et sage
Rome, faictes pour le service de l'amour; et les
preceptes de Socrates à instruire les courtisanes :

Necnon libelli stoïci inter sericos
Iacere pulvillos amant 3:

Zenon, parmy ses loix, reigloit aussi les escarquil-
lements et les secousses du despucellage. De quel
sens estoit le livre du philosophe Strato 4, de la
phrastes en ceulx qu'il intitula, l'un l'Amoureux,
Coniunction charnelle? et dequoy traictoit Theo-
l'aultre de l'Amour? dequoy Aristippus, au sien
des Anciennes delices? que veulent pretendre les
descriptions si estendues et vifves en Platon, des
l'Amoureux, de Demetrius Phalereus ‘? et Cli-
amours de son temps plus hardies? et le livre de

geré sans nous. Seroit ce, ce que dict Platon, qu'elles ayent esté garsons desbauchez aultrefois? Monnias, ou l'Amoureux forcé, de Heraclides Ponaureille se rencontra un iour en lieu où elle pou-fants, ou des Nopces; et l'aultre, du Maistre ou ticus 7? et d'Antisthenes, celuy De faire les ende l'Amant? et d'Aristo 9, celuy des Exercices amoureux? de Cleanthes 1o, un de l'Amour, l'aultre

voit desrobber aulcuns des discours faicts entre elles sans souspeçon : que ne puis ie le dire? Nostre Dame 4 (feis ie), allons à cette heure estudier des

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de l'Art d'aimer? les Dialogues amoureux de Sphæreus1? et la fable de Iupiter et de Iuno, de Chrysippus, eshontee au delà de toute souffrance? et ses cinquante epistres si lascifves? Ie veulx laisser à part les escripts des philosophes qui ont suyvy la secte d'Epicurus, protectrice de la volupté. Cinquante deitez estoient, au temps passé, asservies à cet office 3; et s'est trouvé nation 4 où, pour endormir la concupiscence de ceulx qui venoient à la devotion, on tenoit aux temples des garses et des garsons à iouyr, et estoit acte de cerimonie de s'en servir avant venir à l'office : nimirum propter continentiam incontinentia necessaria est; incendium ignibus exstinguitur 5.

le couchent en arriere, et ensepvelissent soubs
leur coeffure. Les plus sages matrones, à Rome,
estoient honnorees d'offrir des fleurs et des couron-
nes au dieu Priapus; et sur ses parties moins hon-
nestes faisoit on seoir les vierges, au temps de
leurs nopces'. Encores ne sçay ie si i'ay veu en
mes iours quelque air de pareille devotion. Que
vouloit dire cette ridicule piece de la chaussure de
nos peres, qui se veoid encores en nos Souysses?
à
quoy faire la monstre que nous faisons à cette
heure, de nos pieces, en forme, soubs nos gregues;
et souvent, qui pis est, oultre leur grandeur na-
turelle, par faulseté et imposture? Il me prend
envie de croire que cette sorte de vestement feut
inventee aux meilleurs et plus conscientieux sie-
cles, pour ne piper le monde, pour que chascun
rendist en publicque compte de son faict; les na-
tions plus simples l'ont encores aulcunement rap-
portant au vray : lors on instruisoit la science
de l'ouvrier, comme il se faict de la mesure du
bras ou du pied. Ce bon homme qui, en ma ieu-
chastra tant de belles et antiques statues
en sa grande ville, pour ne corrompre la veue',
suyvant l'advis de cet aultre ancien bon homme,

nesse,

En la pluspart du monde, cette partie de nostre corps estoit deïfiee : en mesme province, les uns se l'escorchoient pour en offrir et consacrer un loppin; les aultres offroient et consacroient leur semence : en une aultre, les ieunes hommes se le perceoient publicquement et ouvroient en divers lieux entre chair et cuir, et traversoient, par ces ouvertures, des brochettes les plus longues et grosses qu'ils pouvoient souffrir; et de ces brochettes faisoient aprez du feu, pour offrande à leurs dieux; estimez peu vigoreux et peu chastes, s'ils venoient à s'estonner par la force de cette cruelle douleur : ailleurs, le plus sacré magistrat estoit reveré et recogneu par ces parties là : et en plusieurs ceri-forclose, que ce n'estoit rien advancer, s'il ne faisoit encores chastrer et chevaulx, et asnes, et nature enfin :

monies, l'effigie en estoit portee en pompe, à l'honneur de diverses divinitez; les dames ægyptiennes, en la feste des Bacchanales, en portoient au col un de bois, exquisement formé, grand et poisant, chascune selon sa force; oultre ce que la statue de leur dieu en representoit un qui surpassoft en mesure le reste du corps 6. Les femmes mariees, icy prez, en forgent, de leur couvrechef, une figure sur leur front, pour se glorifier de la iouïssance qu'elles en ont; et venants à estre veufves,

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3 Dans l'édition de 1588, fol. 375, cette phrase suit immédiatement celle où l'on trouve quelques lignes plus haut, que Zenon par ses lois reigloit los.... secousses du despucellage. L'addition que Montaigne a faite depuis, a rompu la liaison des idées, et l'on ne voit pas d'abord à quoi se rapportent les mots, à cet office. A. D.

4 Babylone: HÉRODOTE, I, 199; STRABON, XVI, p. 1081; JEREMIE, ap. Baruch, VI, 42, 43.- Cypre: HÉRODOTE, ibid. ATHÉNÉE, XII, p. 516. · Héliopolis en Phénicie: EUSEBE, Vie de Constantin, III, 58; SOCRATE, Hist. ecclésiast. I, 18.

Sicca Veneria: VALÈRE MAXIME, II, 6, 15, etc. J. V. L. 5 Parce que l'incontinence est nécessaire pour la continence, et que l'incendie s'éteint par le feu.

HERODOTE, II, 48, dit seulement : Où moλλų téw ếλaooov ἐὲν τοῦ ἄλλου σώματος. Ε.

Flagitii principium est, nudare inter cives corpora 3: se debvoit adviser, comme aux mysteres de la bonne deesse toute apparence masculine en estoit

Omne adeo genus in terris, hominumque, ferarumque,
Et genus æquoreum, pecudes, pictæque volucres,
In furias ignemque ruunt 4.

Les dieux, dict Platon 5, nous ont fourny d'un
membre inobedient et tyrannique, qui, comme
un animal furieux, entreprend, par la violence de
son appetit, de soubmettre tout à soy: de mesme
aux femmes le leur, comme un animal glouton et
avide, auquel si on refuse aliments en sa saison,
il forcene, impatient de delay; et soufflant sa
rage en leur corps, empesche les conduicts, ar-
reste la respiration, causant mille sortes de

I LACTANCE, Divin. Instit. I, 20; SAINT AUGUSTIN, de Civit. Dei, VI, 9, etc. J. V. L.

2 Edit. de 1588, fol. 375 verso: « La veue des dames du pais. >>

3 C'est une cause de déréglements, que d'étaler en public des nudités. ENNIUS apud Cic. Tusc. quæst. IV, 33.

4 Amour, tout sent tes feux, tout se livre à ta rage,
Tout, et l'homme qui pense, et la brute sauvage,
Et le peuple des eaux, et l'habitant des airs.
VIRG. Georg. III, 244. (Trad. de Delille.)

5 Vers la fin du Timée, d'où a été pris tout ce que Montaigne

dit ici jusqu'au paragraphe suivant. C.

6 Il extravague, il devient hors de sens. E. J.

maulx, iusques à ce qu'ayant humé le fruict de la soif commune, il en aye largement arrousé et ensemencé le fond de leur matrice.

veilleux effort de tentation à la nudité, qui ont mis en doubte, Si les femmes, au iugement universel, ressusciteront en leur sexe, et non plustost au nostre, pour ne nous tenter encores en ce sainet estat. On les leurre, en somme, et acharne, par touts moyens; nous eschauffons et incitons leur imagination sans cesse : et puis nous crions au ventre. Confessons le vray, il n'en est gueres d'entre nous qui ne craigne plus la honte qui luy vient des vices de sa femme, que des siens; qui ne se soigne plus (charité esmerveillable!) de la conscience de sa bonne espouse, que de la sienne propre; qui n'aymast mieulx estre voleur et sacrilege, et que sa femme feust meurtriere et heretique, que si elle n'estoit plus chaste que son mary: inique estimation de vices! Nous et elles sommes capables de mille corruptions plus dommageables et des

sons et poisons les vices, non selon nature, mais selon nostre interest; par où ils prennent tant de formes ineguales.

Or se debvoit adviser aussi mon legislateur', qu'à l'adventure est ce un plus chaste et fructueux usage, de leur faire de bonne heure cognoistre le vif, que de le leur laisser deviner selon la liberté et chaleur de leur fantasie: au lieu des parties vrayes, elles en substituent, par desir et par esperance, d'aultres extravagantes au triple; et tel de ma cognoissance s'est perdu, pour avoir faict la descouverte des siennes en lieu où il n'estoit encores au propre de les mettre en possession de leur plus serieux usage. Quel dommage ne font ces enormes pourtraicts que les enfants vont semant aux passages et escalliers des maisons royales? de là leur vient un cruel mespris de nostre portee naturelle. Que sçait on, si Platon ordon-naturees que n'est la lascifveté : mais nous fainant, aprez d'aultres republiques bien instituees, que les hommes et femmes, vieux, ieunes, se presentent nuds à la vue les uns des aultres, en ses gymnastiques, n'a pas regardé à cela ? Les Indiennes, qui veoyent les hommes à crud, ont au moins refroidy le sens de la veue; et quoy que dient les femmes de ce grand royaume du Pegu, qui, au dessoubs de la ceincture, n'ont à se couvrir qu'un drap fendu par le devant, et si estroict, que quelque cerimonieuse decence qu'elles y cherchent, à chasque pas on les veoid toutes, que c'est une invention trouvee aux fins d'attirer les hommes à elles et les retirer des masles, à quoy cette nation est du tout abbandonnee, il se pourroit dire qu'elles y perdent plus qu'elles n'advancent, et qu'une faim entiere est plus aspre que celle qu'on a rassasiee, au moins par les yeulx: aussi disoit Livia, qu'à une femme de bien un homme nud n'est non plus qu'une image3. » Les Lacedemoniennes, plus vierges femmes que ne sont nos filles, veoyoient touts les iours les ieunes hommes de leur ville despouillez en leurs exercices; peu exactes elles mesmes à couvrir leurs cuisses en marchant, s'estimants, comme dict Platon, assez couvertes de leur vertu sans vertugade". Mais ceulx là desquels parle sainct Augustin, ont donné un mer

Le bon homme, c'est-à-dire, le pape dont il a précédemment parlé. Le passage que Montaigne a intercalé depuis l'édition de 1588, a fait disparaître la liaison des deux phrases. A. D. 2 De là vient que les femmes ont un cruel mépris, etc. 3 DION, 7ibère, p. 112, édit. de Robert Estienne. C.

4 Platon ne parle pas des femmes lacédémoniennes, mais des femmes en général. République, V, p. 457. C.

5 Sans vertugadin. - Vertugale et vertugadin, cotte gonflée avec un cercle, de l'espagnol vertugala. BOREL, Thresor des recherches gaulo.ses.

6 De Civit. Dei, XXII, 17. C.

L'aspreté de nos decrets rend l'application des femmes à ce vice plus aspre et vicieuse que ne porte sa condition, et l'engage à des suittes pires que n'est leur cause: elles offriront volontiers d'aller au palais querir du gain, et à la guerre, de la reputation, plustost que d'avoir, au milieu de l'oisifveté et des delices, à faire une si difficile garde1; veoyent elles pas qu'il n'est ny marchand, ny procureur, ny soldat, qui ne quitte sa besongne pour courre à cette aultre, et le crocheteur, et le savetier, touts harassez et hallebrenez2 qu'ils sont de travail et de faim?

Num tu, quæ tenuit dives Achæmenes,
Aut pinguis Phrygiæ Mygdonias opes,
Permutare velis crine Licymniæ,

Plenas aut Arabum domos,

Dum fragrantia detorquet ad oscula
Cervicem, aut facili sævitia negat,
Quæ poscente magis gaudeat eripi,
Interdum rapere occupet 3?

1 « La continence est une chose tres difficile, et de tres penible garde : il est bien mal aysé de resister du tout à nature; or c'est icy qu'elle est plus forte et ardente, etc. etc. » CHARRON, De la Sagesse, III, 41.

Hallebrené, ou, comme écrit Nicot, halbrené ; c'est, dit-il, un terme de fauconnier, qui appelle un faucon halbrené, cil qui a une ou plusieurs pennes rompues. Ce mot n'est pas encore tout à fait hors d'usage dans le sens figuré que Iri donne ici Montaigne, comme on peut voir dans le Dictionnaire de l'Académie française, au mot Halbrené. C.

3 Les richesses de l'Arabie et de la Phrygie, les trésors d'Achémène, pourraient-ils vous payer un seul cheveu de Licymnie, dans ces doux moments où répondant à vos baisers, elle tourne la tête vers vous; puis par un doux caprice, refuse ce qu'elle veut se laisser ravir, et bientôt vous prévient elle-mème? HOR. Od. II, 12, 21.

rosme.

I

le ne sçay si les exploicts de Cesar et d'Alexan- | l'honneur ne sont pas retrenchez du tout si court: dre surpassent en rudesse la resolution d'une belle il a dequoy se relascher; il peult se dispenser ieune femme, nourrie, en nostre façon, à la lu- aulcunement, sans se forfaire ; au bout de sa miere et commerce du monde, battue de tant frontiere, il y a quelque estendue, libre, indifd'exemples contraires, et se maintenant entiere ferente et neutre. Qui l'a peu chasser et acculer au milieu de mille continuelles et fortes poursuit-à force, iusques dans son coing et son fort, c'est tes. Il n'y a point de faire plus espineux qu'est un mal habile homme s'il n'est satisfaict de sa ce non faire, ny plus actif: ie treuve plus aysé fortune : le prix de la victoire se considere par de porter une cuirasse toute sa vie, qu'un pucel- la difficulté. Voulez vous sçavoir quelle impreslage; et est le vœu de la virginité le plus noble sion a faict en son cœur vostre servitude et vosde touts les vous, comme estant le plus aspre: tre merite? mesurez le à ses mœurs: telle peult Diaboli virtus in lumbis est', dict sainct Ie- donner plus, qui ne donne pas tant. L'obligation du bienfaict se rapporte entierement à la volonté de celuy qui donne; les aultres circonstances qui tumbent au bien faire, sont muettes, mortes et casuelles : ce peu luy couste plus à donner, qu'à sa compaigne son tout. Si en quelque chose la rareté sert d'estimation, ce doibt estre en cecy; ne regardez pas combien peu c'est, mais combien peu l'ont : la valeur de la monnoye se change selon le coing et la marque du lieu. Quoy que le despit et l'indiscretion d'aulcuns leur puisse faire dire sur l'excez de leur mescontentement, tousiours la vertu et la verité regaigne son advantage: i'en ay veu, desquelles la reputation a esté long temps interessee par iniure 3, s'estre remises en l'approbation universelle des hommes par leur seule constance, sans soing et sans artifice; chascun se repent et se desment de ce qu'il en a creu; de filles un peu suspectes, elles tiennent le premier reng entre les dames d'honneur. Quelqu'un disoit à Platon : « Tout le monde mesdict de vous. Laissez les dire, feit il4, ie vivray de façon que ie leur feray changer de langage. Oultre la crainte de Dieu, et le prix d'une gloire si rare, qui les doibt inciter à se conserver, la corruption de ce siecle les y force et si l'estois en leur place, il n'est rien que ie ne feisse plustost que de commettre ma reputation en mains si dangereuses. De mon temps, le plaisir d'en conter (plaisir qui ne doibt gueres en doulceur à celuy mesme de l'effect) n'estoit permis qu'à ceulx qui avoient quelque amy fidele et unique : à present, les entretiens ordinaires des assemblees et des tables, ce sont les vanteries des faveurs re

Certes, le plus ardu et le plus vigoreux des humains debvoirs, nous l'avons resigné aux dames, et leur en quittons la gloire. Cela leur doibt servir d'un singulier aiguillon à s'y opiniastrer; c'est une belle matiere à nous braver, et à fouler aux pieds cette vaine preeminence de valeur et de vertu que nous pretendons sur elles elles trouveront, si elles en prennent garde, qu'elles en seront non seulement tres estimees, mais aussi plus aymees. Un galant homme n'abbandonne point sa poursuitte, pour estre refusé, pourveu que ce soit un refus de chasteté, non de chois: nous avons beau iurer, et menacer, et nous plaindre; nous mentons, nous les en aymons mieulx; il n'est point de pareil leurre que la sagesse non rude et renfrongnee. C'est stupidité et lascheté, de s'opiniastrer contre la haine et le mespris; mais contre une resolution vertueuse et constante, meslee d'une volonté recognoissante, c'est l'exercice d'une ame noble et genereuse. Elles peuvent recognoistre nos services iusques à certaine mesure, et nous faire sentir honnestement qu'elles ne nous desdaignent pas; car cette loy qui leur commande de nous abominer, parce que nous les adorons, et nous haïr de ce que nous les aymons, elle est, certes, cruelle, ne feust que de sa difficulté pourquoy n'orront elles nos offres et nos demandes, autant qu'elles se contiennent soubs le debvoir de la modestie? que va lon devinant qu'elles sonnent au dedans quelque sens plus libre? Une royne de nostre temps disoit ingenieusement, « que de refuser ces abords, c'est tesmoignage de foiblesse, et accusation de sa propre facilité; et qu'une dame non tentee ne se pouvoit vanter de sa chasteté. » Les limites de

'Car la vertu du diable est aux roignons. SAINT JÉRÔME, contre Jovinien, l. II, t. II, p. 72, édit. de Bále, 1537. - Cette traduction est de Montaigne lui-même, et se trouve à la marge d'un des exemplaires corrigés de sa main. N.

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