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vergences dogmatiques et disciplinaires qui mettaient souvent aux prises les polémistes syriens et arméniens: un peu auparavant, en effet, Georges, évêque des Arabes († 724), répondait à neuf questions du prêtre syrien Jeschoua; de ces réponses, trois visaient précisément les objections faites au prêtre syrien par un Arménien. Celui-ci avait soutenu qu'on ne pouvait ni mêler de l'eau avec le vin du saint Sacrifice, ni placer des images dans les églises et que, sauf les prêtres, les diacres et les enfants, nul ne devait communier, en dehors de la fête de la Résurrection. Sur ces points, l'Arménien prétendait faire appel à l'autorité de Grégoire Mais l'évêque Georges lui répondait, non sans à-propos: Employer du vin pur dans le saint Sacrifice ou le mélanger de quelques gouttes d'eau, ce n'est point une condition essentielle pour être orthodoxe; au reste, Grégoire n'a point prescrit de ne point méler quelques gouttes d'eau avec le vin destiné au saint Sacrifice; il n'a point ordonné aux adultes de ne communier qu'à Pâques, il n'a pas interdit d'exposer les saintes images dans les églises eut-il donné de tels ordres, son autorité ne saurait prévaloir sur celle des saints apôtres, qui ont transmis aux quatre patriarcats l'usage de verser un peu d'eau dans le vin ». Lagarde,'Analecta syriaca, Londres, 1858, p. 122-128; trad. allem. par Ryssel, Theol. Stud. und Kritik., 1883, p. 339-355, et Georgs des Arab. bisch... Briefe (Leipzig, 1891, p. 54-58).

Désireux d'apaiser ces conflits et de négocier un accord entre les deux communautés, le patriarche et le catholicos projetèrent de réunir un synode à Arzon (Ardzn). Mais Sempad, curopalate et asbed d'Arménie, était partisan déclaré du concile de Chalcédoine; on ne put obtenir de lui l'autorisation d'assembler le synode à Ardzn, et à son défaut, on choisit Manazgherd comme lieu du rendez-vous (726). Athanase envoya six évêques : Constantin d'Édesse, Simon de Harran, Théodore de Germanicia, Athanase de Maipherkat, Simon de Dara, Théodore d'Amasia (?). Ce dernier nom est seulement dans le livre des Épitres (p. 224; voir Michel, XI, c. 20, p. 457-461). L'Église arménienne était représentée par le catholicos et une trentaine d'évêques ou de docteurs (voir, pour l'identification des noms, Ter-Minassiantz, p. 186-189, et Michel, éd. cit.). La lettre synodale, après avoir mentionné leur nom et leur pays, déclare que les membres arméniens du synode souscrivent à la formule de foi envoyée par Athanase, formule qui avait laissé dans le vague les divergences entre les deux Églises. Puis, à leur tour, les Arméniens exposent leur profession de

foi.

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II. Doctrine du synode. Cette profession de foi est catholique au sujet de la Trinité, sauf qu'on déclare le Père source du Saint-Esprit par émanation ou procession, sans affirmer ou nier que le Fils soit co-principe de cette procession. Presque tout l'exposé du mystère de l'Incarnation est pleinement d'accord avec la foi catholique : « Le Verbe Dieu est devenu, dans le sein de la Vierge Marie, homme parfait; c'est-à-dire qu'il a pris de notre race son corps, son âme, son esprit, sans subir aucun changement... Marie est mère de Dieu; car Celui qui est né d'elle est vrai Dieu, qui s'est hypostatiquement uni avec la chair et s'est fait homme; le même est à la fois divinement et humainement un seul Fils, un seul Sei

gneur, une seule hypostase, une seule nature du Verbe Dieu Incarnée ». C'est l'expression de Cyrille esaproμév, qui fait disparaître l'équivoque laissée par le terme d'une seule nature et permet de traduire toute la locution par une personne (subsistence) ayant deux natures » ou par « deux natures subsistant dans une seule personne ». La profession de foi continuait ainsi : « Nous confessons que le même Verbe Dieu qui a fait des miracles comme Dieu, a éprouvé aussi les infirmités humaines comme homme; car c'est le même qui est Dieu parfait et homme parfait... Il a souffert, est mort réellement dans un corps passible, Lui qui par sa nature, en tant que Dieu, était au-dessus de la souffrance. »

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Qu'on rapproche cet exposé des passages suivants de la Lettre de Léon le Grand à Flavien, regardée, en cette matière, comme le critérium de l'orthodoxie Sans aucun détriment, dit-il, pour les propriétés de l'une et l'autre nature, unies en une seule personne, l'humilité a été prise par la majesté, l'infirmité par la force, la mortalité par l'éternité; et pour payer la dette de notre condition, la nature inviolable a été unie à notre nature passible, afin que, portant le remède assorti à nos maux, un seul et même Médiateur de Dieu et des hommes, le Christ Jésus (fait) homme, pût mourir par l'un (selon une nature) et ne pùt pas mourir par l'autre (selon l'autre nature)... Le Dieu impassible n'a pas dédaigné d'être un homme souffrant, l'immortel de se soumettre à la mort... Chaque forme (nature) en union avec l'autre, fait ce qui lui est propre, le Verbe (la nature divine subsistante) accomplissant ce qui est du Verbe; la chair (c'est-à-diré la nature humaine assumée et régie par la personne du Verbe comme un instrument qui lui est uni, qui ne s'appartient pas et n'a jamais eu, en fait, l'indépendance, la complétude essentielle à la personne), la chair accomplissant ce qui est de la chair: l'un (le principe d'activité incréée, la nature divine subsistant dans le Verbe) fait éclater sa puissance par les miracles; l'autre (le principe d'activité humaine, qui ne s'appartient pas, n'a pas sa subsistence propre) succombe sous les outrages... car Il est le même (une seule personne) vraiment Fils de Dieu et vraiment fils de l'homme. » — « Salva igitur proprietate utriusque naturæ, et in unam coeunte personam, suscepta est a majestate humilitas, a virtute infirmitas, ab æternitate mortalitas; et ad resolvendum conditionis nostræ debitum, natura inviolabilis naturæ est unita passibili, ut quod nostris remediis congruebat, unus atque idem mediator Dei et hominum, homo Christus Jesus, et mori posset ex uno, et mori non posset ex altero... Impassibilis Deus non, dedignatus est esse homo passibilis; et immortalis, mortis legibus subjacere... Agit enim utraque forma cum alterius communione, quod proprium est; Verbo scilicet operante quod proprium est Verbi et carne exsequente quod carnis est: unum horum coruscat miraculis, aliud succumbit injuriis... Unus enim, idemque est (quod sæpe dicendum est) vere Dei Filius, et vere hominis filius... »

Les dix anathèmes joints à la profession de foi du synode de Manazgherd en corroborent la doctrine : « Quiconque ne confesse pas que le Christ a enduré dans son corps humain toutes les souffrances humaines, hormis le péché, mais déclare que la divinité a été sujette aux souffrances,

ou affirme que son corps n'a point participé aux passions (souffrances) humaines, mais pense qu'un corps corruptible les a endurées (ce dernier membre de phrase manque dans le texte arménien), qu'il soit anathème » (Anath. VIII). « Quiconque ne confesse pas que le Christ a subi les passions (enduré les souffrances) d'une manière incorruptible (et volontiers, gamau, d'après le texte arménien) ou regarde ses souffrances (sa passion) comme une corruption, dans un sens autre que celui employé par les prophètes, les apôtres et les Pères orthodoxes, qu'il soit anathème » (Anath. IX). Par contre, la Lettre synodale, après avoir déclaré qu'il n'y a qu'un Fils, un Seigneur, une Hypostase, proclame une nature mais une nature du Verbe incarnée, sɛozpzwpév. Cette dernière expression, nous l'avons déjà dit, peut lever l'équivoque des deux premiers termes uía púst, et laisser entendre que nature (pósts) exprime ici ou l'hypostase, la personne unique du Christ, ou bien la nature divine subsistant avec la nature humaine dans l'unité d'une même personne, celle du Verbe.

Il est vrai que le quatrième anathème contient les expressions suivantes qui, de prime abord, semblent bien teintées de monophysisme : « Si quelqu'un ne dit pas que cette unique nature de la divinité et de l'humanité, c'est-à-dire du Christ, qui a été formé de la divinité et de l'humanité, est unie dans une union sublime, ineffable, sans mélange, sans division, sans confusion, qu'il soit anathème ». Sans doute, la première partie de cette formule est suspecte; mais il semble aussi que la seconde partie de cet anathème soit, au contraire, en contradiction avec la première et incompatible avec un réel monophysisme; car cette union de la divinité et de l'humanité qui se fait sans mélange, ni fusion, et pourtant sans division, peut-on l'appeler autrement qu'une union hypostatique, terme consacré par l'enseignement catholique ? · Le texte arménien peut s'interpréter de la même manière et plus facilement, peut-être, que le texte précédent, traduit du texte syriaque de Michel. Voici le sens du texte arménien : « Si quelqu'un ne reconnaît pas que Dieu le Verbe Incarné (qui est formé ou composé) de l'humanité et de la divinité, est une seule nature après l'union ineffable dans la divinité, mais (estime) ou que, selon sa nature (par sa seule nature divine), ou par confusion, ou par altération, il (le Verbe-Dieu Incarné) est une nature, que celui-là soit anathème ». (Voir Remarque 36, au sujet de Samuel d'Ani par Ter-Mikelian, Etschm., 1893, p. 287; Ter-Minassiantz, p. 193).

Quoi qu'en dise le docte Minassiantz (p. 76), il ne semble pas davantage que le docétisme de Julien d'Halicarnasse soit reproduit dans le canon VI, dont voici la teneur : « Si quelqu'un ne confesse pas que le corps du Christ était, dès sa naissance de la Vierge, incorruptible à jamais, non point par nature, mais d'après l'ineffable union (ouotch esd pnouthiéan, aïl esd andjarr Miaaourouthéian), et s'il pense au contraire que, jusqu'à la résurrection, ce corps fut corruptible, non glorieux et non parfait, et qu'après la résurrection il est devenu incorruptible et glorieux dans un sens autre que celui des Apôtres et des Pères, que celui-là soit anathème. » — Pour apercevoir nettement dans ces paroles la doctrine de l'incorrupticole Julien, il faudrait d'abord être sûr du sens exact que présentait la pensée

ondoyante de ce dernier; la doctrine de Julien, comme celle de plusieurs monophysites, et surtout de demi-monophysites, se dérobait le plus souvent sous le vague des expressions. Contentons-nous donc de considérer en elle-même la doctrine qui ressort de l'anathème VI: à vrai dire la formule employée se prête presque également à une interprétation demimonophysite et à une interprétation orthodoxe. On pourrait l'entendre, en effet, en ce sens que le Verbe, après s'être uni son corps, n'aurait souffert, dans celui-ci, ni la faim, ni les tourments: Ainsi comprise, la déclaration de Jean Otznetsi rappellerait vraisemblablement celle de Julien ; car Julien paraît avoir admis l'impassibilité du corps du Christ après l'union, pour n'être point obligé d'admettre en la personne du Christ deux natures. Mais il ne nous semble pas que telle ait été la pensée des Arméniens réunis à Manazgherd. Voici sur quoi se base notre opinion: Cette doctrine monophysite, qui dote le corps du Christ d'une absolue impassibilité après l'incarnation, paraît précisément exclue par les canons que nous avons mentionnés. Il y a plus: les canons II et III sont en réalité plus favorables au corrupticole Sévère qu'à l'incorrupticole Julien; on condamne, en effet, ceux qui affirment que le Christ s'est uni un corps non réel, ou même un corps semblable à celui d'Adam avant le péché, corps immortel, impeccable, incorruptible. De là, serait-il téméraire de conclure que la doctrine contenue dans le canon VI se rapproche moins de la doctrine des monophysites que de celle des catholiques, dont elle ne diffère que par quelques termes équivoques provenant de certains malentendus?

La doctrine des Pères de l'Église en effet, ou, si l'on veut, la doctrine de l'Eglise catholique est celle-ci I, Le corps du Christ, en lui-même, abstraction faite de son union avec le Verbe-Dieu, était passible, mortel, corruptible; II, en vertu de l'union hypostatique, le corps du Christ est devenu, en droit, inaccessible à toutes les infirmités; III, mais le Christ a soumis librement son corps à la souffrance, à la mort, tout en le gardant à l'abri de la maladie proprement dite et de la corruption, c'est-àdire de la décomposition.

Le septième anathème se prête aussi, à la rigueur, à une interprétation orthodoxe : « Quiconque ne reconnaît pas que le corps réel du Christ (en arménien : du Seigneur) est, par nature, passible et mortel, tandis qu'il est impassible et immortel, en tant qu'il est Dieu (dans le texte arménien en tant qu'il est Verbe par l'union); mais dit qu'il (le corps du Seigneur) est passible et mortel dans la nature divine, et impassible et immortel selon la nature humaine, qu'il soit condamné. » Puisque les auteurs de cette déclaration n'admettent aucune altération, ni dans le Verbe, ni dans le corps qu'il s'unit, ne pourrait-on pas dire que cette expression vraiment étrange: le corps réel en tant qu'il est Dieu, n'exclut pas, d'une façon absolue, tout sens catholique? Pour lui enlever toute saveur hérétique, il suffit de regarder le terme de corps comme un nom concret aussi bien que celui de Dieu : si Dieu le Verbe, selon l'expression de saint Jean, est devenu chair, la chair est aussi devenue Dieu, ou comme l'indique le texte arménien, la chair, par son union avec une personne divine, est devenue nature de Dieu.

Enfin, dira-t-on que les auteurs des décrets de Manazgherd sont clairement monophysites, par cette raison qu'ils se réclament des conciles de Nicée, de Constantinople et d'Ephèse, et ne mentionnent pas celui de Chalcédoine? Mais, si suspect que soit ce silence, il n'équivaut pas à une condamnation formelle: nulle part, en effet, les Chalcédoniens ne sont expressément désignés, tandis que le phthartodocétisme attribué à Sévère, et l'aphthartodocétisme attribué à Julien, sont plusieurs fois condamnés. (Voir aussi les œuvres de Jean Otznetsi, Venise, 1833, Discours contre les Phantasiastes, p. 48-80; et la polémique du maître de Jean Otznetsi, Theodore Ketnavor, contre le moine arménien Mairagometsi, qui était, il est vrai, un Julianiste extrême; cette pièce est imprimée à la suite des écrits d'Otznetsi, pp. 147-158).

Peut-être achèverait-on d'écarter de Jean Otznetsi tout soupçon d'hérésie, si on prouvait son identité avec le savant dyophysite arménien Jean le philosophe, loué par Nersès le Gracieux, à la fin de sa première conférence avec Théorianos, et par Nersès de Lampron, dans son discours synodal (p. 94) prononcé au concile œcuménique de Tarse en 1196 (et non en 1179, comme l'a cru le P. Aucher, Oraz. sinod., Venise, 1812, p. 169, note 1). Ce personnage n'est point Vahan, comme le croit à tort Lequien (I, 1394, n. LVIII); ce n'est pas non plus Jean Mantagouni, puisque Nersès de Lampron mentionne ce dernier avant Jean le Philosophe. Voilà de sérieux indices qui nous inclinent à croire que Jean le Philosophe, le dyophysite, dont les deux Nersès proclament l'orthodoxie, n'est autre que Jean Otznetsi.

Susceptibles d'une interprétation catholique, les décrets de Manazgherd gardent néanmoins une couleur quelque peu suspecte. Encore plus suspectes sont les déclarations de Jean Otznetsi, rapportées par Galano: « Anathème à ceux qui ne reconnaissent pas au Christ une nature unique et immortelle (mi pnouthioun anmah), ou lui attribuaient une nature corruptible et passible (mahganatzou iev tchartcharéli) ou établissaient quelque distinction entre la nature et la personne » (Galano, pars II, t. I, p. 78, 79). Mais ces expressions ne sont pas entièrement conformes aux anathèmes de Manazgherd, tels que le rapporte Michel le Syrien. S'il fallait donc apprécier du point de vue dogmatique les décrets de Manazgherd, nous serions moins sévères que Galano. Il faut, croyons-nous, se garder également contre deux jugements extrêmes; ne rangeons pas l'auteur des décrets de Manazgherd parmi les catholiques avérés; mais défions-nous encore plus des auteurs grégoriens qui font de Jean Otznetsi un tenant du monophysisme. C'est dire qu'on ne peut, par exemple, accepter sans réserves le résumé suivant des actes de Manazgherd : : « Par l'ordre du chef des émirs, et du consentement du khalife de Bagdad, Jean III le Philosophe réunit à Manazgherd un concile, auquel assistèrent six évêques syriens, et qui posa unanimement pour règle de confesser une seule nature, une seule volonté et une seule opération chez le Christ; il défendit l'emploi de l'eau dans le mystère de la messe, prescrivit de rompre le jeûne du carême le jour du grand samedi, de ne point donner la communion au peuple le jour du grand jeudi, tout en disant

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