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lamisme orthodoxe, le sonnisme (1) officiel que les Seljoucides avaient essayé en Syrie de relever par la force (2).

Ces divisions politiques et religieuses qui facilitèrent l'œu

(1) On sait qu'après la bataille de Şiffin (657), où deux familles qoraïchites, les Omayyades et les Hachimites, deux hommes, Mu'awiya et ‘Ali, deux principes, le principe électif et le principe légitimiste s'étaient trouvés en présence, la communauté musulmane fut scindée en trois mondes irréconciliables: d'un côté, les partisans de Mu'awiya, les sonnites, qui, après s'être battus pour le système de l'élection dans la tribu qoraïchite, acceptèrent pourtant - incapables de discuter le fait accompli que le vainqueur de Siffin fit sortir de sa famille la dynastie des Omayyades, et reconnurent ces princes, dont l'orthodoxie était pourtant suspecte, pour les représentants attitrés et les défenseurs de la sonna, de la règle de croire; de l'autre, les 'alides, les vaincus, les mécontents, ceux qu'on devait appeler plus tard les chi'a ou chiites, les schismatiques de l'Islam, sans doute parce qu'ils étaient trop fidèles à son fondateur et ne voulaient reconnaître pour leur Imàm ou leur chef qu'un descendant de sa race; - enfin les kharijites ou les séparatistes, qui, même avant la fin de la lutte, avaient fait scission et voulaient choisir librement leur maître. De politique, le dissentiment, d'après une loi constante de l'histoire orientale, ne devait pas tarder à devenir religieux. C'est sur le tronc chiite que seront greffées les sectes ismaéliennes de Syrie. Cf. D. B. Macdonald, Muslim Theology, London, 1903, p. 4-34; Bo Carra de Vaux, le Mahometisme, Paris, 1897, p. 111-140; Chantepie de la Saussaye (Th. Houtsma), Manuel d'histoire des Religions (trad. H. Hubert), 1904, p. 286-287, etc.

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(2) Ces missionnaires armés n'avaient dù réussir bien souvent qu'à faire des hypocrites, préparant en secret leur revanche. Ibn al Atir raconte à ravir une anecdote très instructive qui eut pour théâtre la ville d'Alep, au début de l'invasion seljoucide (463 H ou 1070 de l'ère chrétienne). Elle jette un jour inattendu sur la sincérité de ces conversions imposées par la force. A cette époque, le mirdàside Maḥmùd, qui reconnaissait pour la Syrie du Nord la suzeraineté des Fàtimites, faisait faire, dans toutes les mosquées de la capitale, la prière publique selon le rite 'alide. Soudain on annonce l'approche du seljoucide Alp-Arslàn. A tout prix, il faut fléchir le terrible défenseur de l'orthodoxie. Le petit roitelet réunit à la hâte ses conseillers et leur dit : Tandis que nous vivons dans la crainte, la dynastie des seljoucides devient de jour en jour plus forte. Nos croyances 'alides leur sont odieuses... Mon avis est que nous fassions la Khutbah sonnite (la prière selon le rite orthodoxe), avant que, sans profit d'aucune sorte pour nous, nous y soyons contraints par la force. L'avis était prudent, on se hate de le suivre. Cheikhs et muezzins chiites revêtent sans scrupule la livrée noire des ‘abbasides. On nomme à la prière le calife de Bagdad Qà'im et le sultan seljoucide Alp-Arslan. On roule avec entrain, dans les mosquées, les nattes compromettantes, les nattes sur lesquelles on avait fait les prostrations au nom de 'Ali A. Taleb; on en apporte de plus orthodoxes. Qà'im sut la nouvelle et fit savoir sa satisfaction à ces néophytes empressés. Alp-Arslan fut d'humeur plus difficile. Il exigea que le mirdàside vint prier sur sa natte. Mahmûd eut un instant de révolte. Il refusa, puis se ravisa. Cachant sa honte dans les ténèbres de la nuit, il se rendit à la dérobée au camp du seljoucide et se présenta devant lui dans une humble attitude. Alp-Arslan eut le bon esprit de ne pas lui en demander davantage.

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vre conquérante des premiers croisés, jusqu'au jour où les Ayyoubites provoquèrent, dans cette même Syrie si travaillée par le chiisme, « la renaissance de la sonna » (1), il ne serait pas sans intérêt, croyons-nous, d'en éclaircir les origines historiques. Comment sont nées au sein du califat et de l'islamisme, comment ont grandi ces féodalités, ces hétérodoxies rivales, entre lesquelles les armées chrétiennes allaient pouvoir se glisser sans trop de difficulté - jusqu'au terme de leur héroïque pèlerinage?

Pour ne pas sortir du cadre ordinaire de la Revue et ne pas imposer à nos lecteurs une trop longue série d'articles sur le même sujet, nous ne répondrons ici qu'à la première de ces questions. Nous dirons comment les germes des discordes futures ont été semés. D'ailleurs, dans les belles études que M. G. Schlumberger a consacrées aux empereurs byzantins du Xe siècle (2), on trouvera réunis de très riches matériaux sur l'histoire ultérieure des dynasties syriennes. Il suffirait presque de les exploiter pour donner une idée complète des alternatives par lesquelles passe ce malheureux pays jusqu'à la veille des Croisades. Le savant byzantiniste n'avait pas à raconter le premier épisode de cette évolution. Nous essayerons de le faire.

Deux faits importants dominent la courte période (878-905) dont nous nous proposons d'esquisser l'histoire un schisme politique sépare alors pour la première fois la Syrie du califat, un schisme religieux est provoqué, par l'apparition des Carmathes, dans la population des campagnes, autrefois convertie du paganisme à la religion chrétienne, mais dont une partie au moins, plus de deux siècles après l'Hégire, devait avoir passé à l'islamisme (3). Un Turc, Ahmed b. Tûlûn consomme le

(1) Van Berchew, Corp. Insc. Arab., I, p. 46, 106.

(2) Cf. G. Schlumberger, Un empereur byzantin, Nicéphore Phocas, 1890, p. 154 et sq.; L'épopée byzantine à la fin du Xe siècle : 1, Jean Tzimiskes, p. 219 sq.; II, Basile II, ch. 2, 8, 11, etc.

(3) C'est du moins l'hypothèse à laquelle nous nous rangeons comme plus probable. Il nous a toujours semblé que les fellaḥs syriens, dont un grand nombre appartenaient aux hétérodoxies chrétiennes, c'est-à-dire à des sectes où les poctrines, les superstitions, les coutumes nationales et païennes avaient été moins combattues, dont beaucoup aussi n'avaient qu'une orthodoxie languissante, ont dù en adoptant, dans une progression assez lente mais continue, la religion de leurs vainqueurs, introduire dans le cadre flottant de la doctrine coranique

premier. Un Persan 'Abdallah b. Maïmûn, mort en 874-5, c'est-à-dire quelques années avant que les Túlûnides aient occupé la Syrie, prépare le second. Aḥmed ouvre audacieusement la voie aux aventuriers qui voudront imiter sa fortune et vivre, comme lui, en parasites du califat. 'Abdallah met en circulation. des idées philosophiques et religieuses qui entraîneront, après la sienne, d'innombrables défections doctrinales au sein de l'islam.

Sans prétendre à la richesse d'informations qui donnent tant de valeur aux travaux publiés par M. G. Schlumberger, nous nous attacherons à décrire, le plus exactement qu'il nous sera possible, la révolution profonde qui s'opéra alors dans les destinées de la Syrie.

Mais, avant d'aborder le sujet principal de cette étude, il ne sera pas inutile, pour éclairer le sens et la portée des événements, de consacrer la fin de cet article à une brève indication. des causes lointaines qui les ont préparés. Nous jetterons un rapide coup d'œil en arrière sur le passé de la Syrie, depuis son union au califat. Cet essai de synthèse nous aidera à mieux voir pourquoi son loyalisme à l'égard de ses vainqueurs est allé de jour en jour s'affaiblissant, jusqu'à l'époque où Ahmed b Tûlûn et 'Abdallah b. Maimoûn consommèrent la défection.

II. VARIATIONS D'ATTITUDE EN SYRIE (1) (661-878).

L'ÉGARD DU CALIFAT

Arrachée par une rapide conquête (631-638) à la mauvaise administration des Byzantins (2) et à la tyrannie religieuse que

leurs propres rêveries et contribuer, pour une bonne part, à la création des hétérodoxies musulmanes. Il y a au moins des indices historiques en faveur de cette théorie. Nous admettons aussi des infiltrations manichéennes dans ces sectes. (1) Dans cette étude et dans celles qui suivront, nous entendons sous le terme un peu flottant de Syrie les contrées limitées au Nord par l'Amanus et le Sarùj, à l'Est par l'Euphrate, — au Sud par une ligne théorique, qui passerait au sud de Boşra et de l'Arabie syrienne pour toucher ensuite Bànias, le Carmel et aboutir enfin à la Méditerranée vers la moderne Caiffa. Nous ne parlons des événements qui se sont déroulés en dehors de ces frontières à peu près naturelles que par voie d'allusion, ou parce que l'intelligence du récit le réclame. (2) Pour être juste, il faut dire pourtant qu'Héraclius travaillait depuis quel

faisaient peser les basiléis sur les nations chrétiennes réfractaires à leur manière de comprendre la foi (1), — devenue, depuis 661, le centre du califat omayyade et de l'expansion musulmane, la Syrie s'était facilement accoutumée à ses nouveaux maitres. Assez vite, elle s'était trouvée en communauté de langue, de mœurs et de tendances avec ces Arabes du désert (2). L'hellénisme, quoi qu'on ait dit, et surtout le byzantinisme, cet hellénisme raffiné et maladif, n'avait jamais pénétré jusqu'au cœur de la nation (3). Le fond de la population syrienne était plutôt araméen, et l'était resté sous un vernis de civilisation occidentale. Le remous des invasions asiatiques ou des grandes expéditions militaires avait en outre déposé, à ce confluent de tant de races diverses, des représentants de toutes les civilisations orientales (4). Il ne déplaisait pas à l'Orient de se retrouver lui-même et de secouer enfin le joug des Barbares de la Grèce ou de Byzance (5).

Maintenant qu'ils étaient partis, ces monarques étrangers (6), les Syriens ne se souciaient guère de les voir revenir. Les chrétiens eux-mêmes (7), sauf peut-être les melki

ques années à relever les ruines faites en Syrie par l'invasion perse. Mais, quand les Arabes surprirent son imprévoyance, il n'avait pas eu le temps de mener à bonne fin cette restauration.

(1) Cf. A. S. Butler, The Arab conquest of Egypt, Oxford, 1902, p. 156-159; J. de Goeje, Mémoire sur la Conquête de la Syrie, Leyde, 1900, p. 123 sq. (2) Guy le Strange, Palestine under Moslems, London, 1890, préface. (3) Th. Nöldeke, Z. D. M. G., 1885, p. 333 sq.

(4) G. Adam Smith, The historical geography of the Holy Land, London, 1897, p. 3 sq.

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(5) Waddington, C. R. A., 1865. D'après lui les causes (qui expliquent en partie la facilité de la conquête musulmane)... ce sont la communauté de race et de genre de vie entre les anciens habitants et les nouveaux venus, l'étroite affinité entre les dialectes qu'ils parlaient, enfin les nombreuses émigrations venues du Yémen ».

(6) L'exode de la population vraiment byzantine dut suivre de près l'invasion musulmane. On signale, vers cette époque, des colonies d'émigrés, chassés de Syrie par 'approche des Arabes et qui viennent s'établir dans l'Afrique byzantine (cf. Ch. Diehl, L'Afrique byzantine, Paris, 1896, p. 405), en Gaule (cf. Grégoire de Tours Migne, P. L., t. LXXI, col. 558).

(7) Barhebraeus (Abù l'Faraj), Chron. Ecc., I, col. 271-4, témoigne que plus d'un jacobite, en voyant arriver les Arabes, se félicita d'avoir échappé à la sévérité des Romains et à l'amertume de leur haine ». Un évêque nestorien, vers 635, exprime les mêmes sentiment (cf. A. J. Butler, op. cit., p. 158, n. 1). Les traditions nationales des Maronites, à la vérité assez tardives et assez confuses, semblent du moins supposer, à l'origine, dans cette nation chrétienne, un état d'hostilité

tes (1), les juifs surtout qui avaient à venger de récents massacres (2), la plupart des tribus arabes du désert Syrien (3) avaient salué avec enthousiasme, ou tout au moins sans amertume, le nouveau régime. Ce sont probablement des chrétiens renégats qui ont formé les Arabes à l'art de la navigation et se sont élancés avec eux à l'assaut de Byzance (4). A tout le moins, la population syrienne resta neutre dans la lutte ardente qui s'engage dès lors entre les anciens possesseurs de la Syrie jaloux de recouvrer la province perdue et les musulmans avides d'étendre leurs conquêtes en pays grec. Le dernier vestige de l'occupation byzantine fut effacé sans secousse du sol syrien, le jour où, sous le califat d'Abd el Malek, le basileus Justinien II consentit à retirer du Liban, où son prédécesseur Constantin IV les avait introduits, ses auxiliaires Mardaïtes (5).

D'ailleurs, sous les califes de Médine et les premiers Omayyades, le sort des peuples conquis fut assez supportable. Les impôts n'étaient pas exagérés, et de l'aveu même des auteurs byzantins, l'opération du cadastre fut conduite selon les règles de la justice (6). On laissait à chaque fraction chrétienne tout ce qu'elle possédait au moment de la conquête (7) et les musulmans consentaient même à partager avec eux les édifices du

assez prononcé contre les Byzantins, c'est-à-dire peut-être contre les Mardaïtes, leurs auxiliaires, en garnison dans le Liban. Cf. Anquetil-Duperron, Recherches sur les Migrations des Mardes (Mém. de l'Ac. des Inscr., ancienne série, 1793, t. 45, p. 93 et sq.). Enfin J. de Goeje, op. cit., p. 123 et sq., rapporte que, dans certaines villes de Syrie, les chrétiens dissidents étaient sortis au-devant des Musulmans au son des tambourins, comme pour une fête.

(1) Même dans les rangs melkites, il dut y avoir des défections qui n'entraînaient pas nécessairement l'apostasie. Cf. H. Lammens S. J., Un poète royal à la cour des Omiades. R. O. C. 1904, p. 54, n. 2.

(2) Cf. Butler, op. cit., p. 159-161.

(3) Il semble que la religion nouvelle dut faire facilement des adeptes dans cet élément de la population syrienne plus accessible à la contagion apportée par les tribus de leur pays d'origine. Le parti qaisite ou des Arabes du Nord de la Syrie comptait assez de musulmans. - Les Taglibiles restèrent pourtant jacobites (cf. H. Lammens, op. cit., p. 32 et sq.). Dans le Ḥauran, les Gassan chrétiens préférèrent s'expatrier. Ils vinrent fonder une colonie en Géorgie (Wetztein, Z. D. P. V., XXI, 36 sq.).

(4) Cf. A. von Kremer, Culturgesch. des Orients unter den Chalifen, Wien, 1875 7, I, p. 248.

(5) « C'était, dit Théophane (an. 6178-79), mutiler la puissance byzantine... renverser un mur d'airain. »

(6) Cf. Théoph., an. 6131.

(7) Cf. Barhebraeus, op. cit., p. 274.

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