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ment aux Byzantins, aussi acharnés qu'eux à cette guerre sainte d'extermination, chaque sillon du sol. Parfois ils s'abattaient en tourbillon sur le territoire ennemi, puis revenaient gorgés de butin, laissant un désert derrière eux (1). D'autres volontaires veillaient sur les frontières maritimes. Dans les ports de Phénicie (2), de Syrie et de Cilicie, tout le long de la côte semée de postes d'observation (3), dans les havres battus par la mer et sur les premiers contreforts du Liban (4), partout, on faisait bonne garde.

Or, et ceci était un signe palpable du changement qui s'opérait dans les âmes, cet élan pour la guerre sainte qui avait valu aux musulmans, jusqu'à l'époque de Mutawakkel, de très beaux succès, se trouvait brisé.

Dès 871, l'empereur byzantin Basile I, le fondateur de la dynastie macédonienne, reprend énergiquement l'offensive. En 876-877, à la veille de l'usurpation d'Ibn-Tûlûn, ses troupes ravagent, sans rencontrer de sérieuse résistance, la Cilicie et Syrie supérieure de Tarse à Mar‍aš.

C'est que ce désenchantement politique, qui éloignait insensiblement la Syrie musulmane du califat, avait entraîné, par voie de conséquence, un fléchissement dans le zèle religieux et dans l'orthodoxie doctrinale. Par le fait même qu'ils avaient été acceptés par la majorité des croyants, les 'Abbàsides, ces schismatiques d'hier, étaient, à leur tour, devenus les défenseurs attitrés du sonnisme. Et la Syrie, par un revirement qui ne

(1) A. von Kremer, op. cit., I, 203. Cf. G. Schlumberger, Nicéphore Phocas, p. 193 et passim, pour une époque où, sous l'impulsion imprimée par le Hamdanide Saif-ad-Daula, la Syrie du Nord était de nouveau soulevée par la passion et la guerre sainte.

(2) Par exemple à Tyr qu'une chaîne de fer défendait contre l'approche des vaisseaux ennemis (cf. Muqaddasi), à Tripoli d'où les corsaires s'élançaient pour la chasse aux chrétiens.

(3) Les géographies arabes parlent longuement de ces postes qu'ils appellent ribat. Dès qu'un navire grec paraissait à l'horizon, sur toutes ces tours de garde s'allumaient successivement des feux dans la nuit, ou bien des cornes au son perçant retentissaient, portant rapidement la nouvelle jusqu'au poste central. (4) Dans beaucoup de villes côtières, dès les premiers jours de la conquête, des colonies perses avaient été transplantées (cf. Yà'qûbî, Z.D.P.V, iv, 87; ROC. IV, 1902, 477). Sortis de ces garnisons perses (P. L. Cheikho S. J., Tarikh Beiroût, p. 27-28 n.) ou Arabes émigrés loin de leurs déserts (Dr von Oppenheim, Von Mittelmeer zum Persischen Golf, 1899), les Tanúkh avaient été établis par les 'Abbasides dans l'émirat libanais du Garb.

peut étonner ceux qui ont étudié de près l'Islamisme, la Syrie, si longtemps hostile aux 'Alides, si fervente hier pour l'orthodoxie, se prenait presque, par réaction, par haine jalouse contre des maîtres qui la dédaignaient, à nourrir des sentiments à demi chiites.

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Les 'Abbasides se sont-ils attiré du moins la sympathie des chrétiens encore nombreux dans cette province tourmentée? -Les Nestoriens, ralliés par tradition et par tendance à tout gouvernement favorable aux Perses, ont moins à souffrir que sous les Omayyades (1). Ils fournissent aux 'Abbasides des médecins influents, des traducteurs et des secrétaires. C'est probablement sous le patriarcat de Timothée (m. 823) que l'évêché nestorien de Damas est élevé à la dignité de métropole (2). Les Jacobites furent plus durement traités. Les chroniques de Denys de Tellmahré et de Barhebraeus en font foi. Cependant, comme ils donnaient aussi au service des califes des médecins célèbres et des savants, comme ils étaient peu suspects de faire des vœux pour les Byzantins, ils furent, sans aucun doute, moins harcelés que les melkites (3). Pour ces derniers, la tolérance fut l'exception. On peut distinguer assez facilement trois périodes dans leur triste histoire. A l'origine, sous les premiers califes 'abbâsides jusqu'à l'avènement de Mâ'mùn (813), l'exaspération des luttes religieuses qui se livraient aux frontières leur fut fatale. Théophane trace en traits fort noirs le tableau de la persécution exercée contre ses coreligionnaires par les califes Manşûr (754-775) et Mahdy (775-785) (4). Une lettre adressée par les appsis de l'Orient au patriarche de Constan

(1) J. Labourt, De Timotheo I, Paris, 1904, p. 33-37, note que le calife Hårún, prêt à entrer en campagne contre les Grecs, recommandait aux prières du patriarche nestorien le succès de son expédition. Cependant le même auteur, Le christianisme dans l'empire Perse, Paris, 1904, p. 349, signale dans l'histoire des Nestoriens au 1x siècle quelques persécutions de courte durée sous les califes Hårùn ar Rašid et Mutawakkel Cf. du même auteur, RHL R, 1905, p. 390 sq. (2) Cf. Assemani, B. O., III2, p. 431. Voir les restrictions apportées par M. Labourt, De Timotheo I, p. 39, et surtout RHLR, 1905, p, 397, note 1.

(3) Nous ne disons rien des Maronites. Duwaihi, et après lui le récent historien maronite de la Syrie, Mr Debs (cf. Hist de la Syrie, texte arabe, t. V, p. 26), déplore pour cette période l'absence de documents. Il y a eu, dit Duwaihi pour expliquer ce silence, si peu d'écrivains et tant de vicissitudes où a péri ce qu'il y avait de livres, tant d'émigrations...

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(4) Théophane, an. 6248 et sq. Le R. P. Pargoire, op. cit., p. 277 sq., énumère les principaux actes de cette persécution.

tinople Taraise peint au vif leurs épreuves, leurs terreurs continuelles (1). On ne voit pas que les rapports liés dès 797 entre Hârûn-ar-Rašid et Charlemagne (2) aient amélioré d'une façon sensible ou durable la condition des persécutés. Théophane assure que Harûn lui-même « fit souffrir beaucoup de maux aux chrétiens (3) ».

L'accalmie fut plus sérieuse sous les califes Mu'tazilites (4). Toutes leurs rigueurs étaient pour les musulmans orthodoxes, pour les adorateurs du Coran (5). D'ailleurs Ma'mûn (813-833), pour tirer de son «engourdissement et de son long sommeil » (6) l'esprit des Arabes, n'avait pas craint de faire appel à des éducateurs chrétiens. C'est à des chrétiens également qu'il confiait le soin de révéler à ces intelligences incultes, par des traductions faites souvent sur un intermédiaire syriaque, les trésors philosophiques de la Grèce (7). Seul, parmi les califes Mu'tazilites, Wâteq (842-817) fut également dur pour les chrétiens et pour les musulmans qui ne partageaient pas leurs idées (8).

Enfin une troisième phase s'ouvre pour les chrétiens avec l'avènement de Mutawakkel (847-881). Le calife, en revenant à l'orthodoxie des premiers 'abbàsides, revint à leurs traditions d'intolérance. Par ses ordonnances de 849 et de 851 il renché

(1) Migne, P. G., t. XCVIII, col. 1468 sq.

(2) M. A. Gasquet, l'Empire byzantin et la monarchie franque, Paris, 1888, p. 291-294, renvoie aux principales sources.

(3) Cf. dans le même sens un extrait du Kitâb al Kharâj, cité par J. de Goeje, p. 142-3. Les premiers califes furent aussi impitoyables pour une secte très curieuse et imparfaitement connue, celle des Zanddiqa, à demi manichéens, à demi mazdéens, qui habitaient au nord de la Syrie (cf. Weil, op. cit., II, 105). Ce nom, abhorré des vrais croyants, fut appliqué plus tard à tous les incroyants (cf. A. Müller, op. cit., 1, 496). C'était une secte entièrement secrète (cf. Macdonald, op. cit., p. 134). Ils ne reconnaissaient aux religions révélées qu'une valeur relative et proclamaient les droits d'une morale indépendante ». (Cf. Chantepie de la Saussaye, Th. Houtsma, op. cit., 291.)

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(4) On appelle ainsi certains califes 'abbàsides, qui, adoptant la manière de voir moins étroite de certains philosophes ainsi surnommés, persécutèrent avec beaucoup de sévérité les orthodoxes outranciers qui professaient le dogme de la divinité du Livre.

(5) Cf. G. Weil, op. cit., II, p. 260-263; Clermont-Ganneau, RAO, II, 334. (6) Barhebraeus, Târikh mukṭaşar ad duwal, Beyrouth, 1890, p. 235.

(7) Cf. R. Duval, La littérature syriaque, Paris, 1899, p. 15; J. de Boer, Gesch. der Philos. im Islam, Stuttgart, 1901, etc.

(8) Les Jacobites ne furent pas épargnés. Cf. la fin de la Chron. de Tellmahré, citée par Barhebraeus.

rit sur leurs exigences tyranniques. Les dimmis chrétiens, en majorité, devaient donc, vers la fin du 1x siècle, soupirer eux aussi, et plus encore que les musulmans, après un changement de régime politique.

En somme, si l'on éclaire les uns par les autres tous ces . indices fournis par l'histoire de Syrie pendant les trois premiers siècles de l'Hégire, on peut dire que, vers 878, cette contrée si longtemps fidèle au califat, est mûre pour la défection. Chrétiens et musulmans ne portent qu'à regret le joug odieux des 'Abbasides. Et le spectacle de ce vaste empire qui se désagrège autour d'eux, sous l'influence de causes analogues à celles qui jettent dans leur pays ces germes de révolte, les invite à le secouer.

Une première fois, entre 866 et 869, à une date que nous aurons à fixer ultérieurement, il y eut comme une répétition de la scène qui allait se jouer, plus en grand, en 878. Un émir que les historiens arabes désignent quelquefois sous le nom d'Ibn Cheikh eut l'audace de se déclarer indépendant en Syrie. Avant de raconter cette révolte, qui décida la première intervention de Ahmed b. Tülûn dans les affaires syriennes, il convient de présenter ce dernier aux lecteurs.

Cantorbéry.

Fr. BOUVIER.

ORIENT CHRÉTIEN.

LES MONNAIES MONGOLES

DE LA COLLECTION DECOURDEMANCHE

Les trente-huit (1) monnaies mongoles qui sont décrites dans le présent article ont été données au Cabinet des médailles par M. Decourdemanche.

Elles appartiennent pour la majeure partie aux séries monétaires qui furent émises dans l'Iran, dans l'Irak Arabi et le pays de Roum par les princes de l'oulous de Touloui-Khan dont le fils, Houlagou, fut envoyé faire la conquête définitive de ces vastes contrées par l'empereur Mongké-Kaan; le reste appartient aux séries monétaires des princes de l'oulous de Djoutchi-Khan qui ont régné sur la Russie. Ces pièces comblent d'une façon fort heureuse les lacunes de la série mongole du Cabinet de France, où l'on ne trouvait, avant le don que M. Decourdemanche a bien voulu faire de cette partie de sa collection de monnaies, aucune pièce frappée au nom du sultan Oltchaïtou. Parmi les pièces les plus importantes de la collection Decourdemanche, je signalerai un dirhem d'Ahmed Takoudar avec légende mongole (no3), un dirhem d'Arghoun avec légende mongole et l'inscription: Au nom du Père et du Fils et de l'Esprit de Sainteté » (no 4), deux dirhems de Mahmoud Ghazan avec légendes trilingues, n° 7 et 10, ce dernier presque à fleur de coin, les piécettes de cuivre 15-18, la pièce n° 19, les deux dirhems bilingues d'Oltchaïtou Khorbanda, nos 20 et 21, un dinar d'Abou Saïd Behadour-Khan, n° 22.

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Ces monnaies se divisent en deux séries: celles sur lesquelles le prince régnant en Perse se reconnait comme le vassal du Khaghan, ou Kään que les Chinois ont rendu par le titre d'empereur, Hoang-ti, qui régnait à Karakoroum et à Khanbaligh comme suzerain des quatre oulous. Plusieurs des

(1) Le don de M. Decourdemanche comprend en réalité 39 pièces, mais il y en a une en cuivre portant une légende très effacée que je ne sais comment classer et que je ne comprends pas dans cet article.

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