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du pouvoir civil; le sacrement, tout entier dans le domaine ecclésiastique. On sait, d'ailleurs, qu'il y a dans tout sacrement une matière et une forme. Or, quelle est ici la matière du sacrement? C'est, dit-on, le contrat; il s'ensuit que le pouvoir civil étant appelé à réglementer le contrat, devient, par le fait, le maître du sacrement (1).

Si l'ancien droit eût été logique, il eût tiré de ce principe toute la théorie moderne du mariage civil. Il se contenta d'en déduire au profit de l'Etat le droit de poser des empêchements distincts de ceux. de l'Eglise. Le pouvoir civil n'usa même de cette prérogative qu'avec la plus grande modération, et la lutte se concentra sur deux hypothèses principales. Le mariage de François de Montmorency avec Jeanne de Piennes sans le consentement de son père, celui de Gaston d'Orléans avec Marguerite de Lorraine sans le consentement du roi, furent, à un siècle environ d'intervalle, le point de départ d'un double empêchement non reconnu par la discipline ecclésiastique.

Dans une ordonnance de 1556, Henri II frappait des peines les plus sévères, les enfants mineurs. assez hardis pour contracter mariage sans le consentement de leurs parents. Cet édit ne fit, d'ailleurs, qu'inaugurer une série de dispositions nouvelles, de plus en plus rigoureuses, tendant à faire du

(1) L'Eglise protesta, dès l'origine, contre cette théorie, ne lui reconnaissant d'autre mérite que celui de l'ingéniosité. La doctrine ecclésiastique repose, en effet, sur l'indivisibilité du contrat et du sacrement. Tous les papes l'ont successivement proclamé et Léon XIII a condamné une dernière fois l'opinion contraire le 10 février 1880 (Encyclique Arcanum).

défaut de consentement paternel un empêchement dirimant de mariage.

En 1635, sur les instances de Louis XIII, l'assemblée générale du clergé déclarait solennellement « que la coutume de France ne permettait pas à un prince du sang de se marier sans le consentement du roi, bien moins encore contre sa volonté et sa défense. »

En dehors de ces deux empêchements: défaut de consentement des parents et défaut de consentement du roi, le pouvoir civil n'innova point en matière matrimoniale. Il sut respecter et sanctionner au besoin les empêchements de la législation canonique, et jusqu'à l'époque de la Révolution, l'Eglise demeura maîtresse incontestée de la législation du mariage.

Quelques hardis novateurs souhaitaient une réforme plus radicale et revendiquaient pour l'Etat seul, le droit de régler les conditions du mariage. Cette doctrine, enseignée par le théologien Launoy, dans un ouvrage (1) qui fit beaucoup de bruit et qui encourut même les foudres de la congrégation de l'Index, ne rallia jamais qu'une faible minorité de jurisconsultes. Quant au pouvoir civil, il refusa constamment de s'y associer.

Telle est l'histoire sommaire de la législation du mariage dans notre ancien droit. Mais il ne suffit pas d'établir des empêchements, il importe d'en assurer le respect. Or, si l'on veut bien se rappeler que depuis le VIe siècle, l'Eglise avait le monopole de la juridiction du mariage, on se rendra facilement

(1) Regia in matrimonium potestas, Paris, 1674.

compte de l'inutilité des empiètements de l'Etat sur le pouvoir législatif de l'Eglise. La législation, en effet, ne saurait aller sans la juridiction. Cette formule ne nous fera point accuser d'enseigner la confusion des pouvoirs; ce que nous voulons seulement dire, c'est que dans la notion du pouvoir doivent se rencontrer à la fois, pour se compléter, la puissance législative et la puissance de juridiction. Assurément ce ne seront point les mêmes qui feront la loi et qui la feront appliquer sous la double forme de l'exécution et la décision judiciaire ; mais ce sera le même pouvoir, la même autorité, unique dans son principe, bien que multiple dans ses fonctions et surtout dans ses organes, qui, après avoir créé la loi, en maintiendra le respect par la voie administrative ou par la sentence des tribunaux. Or, l'Etat s'était mis à légiférer sur le mariage; donc il devait s'arroger aussi le pouvoir de juridiction sur les cas litigieux. Ainsi le voulait la logique; les juristes furent assez habiles pour le comprendre, et de bonne heure ils s'occupèrent de battre en brèche les officialités.

Dès le XVe siècle, l'Etat s'empara des questions pécunaires relatives au mariage, les disjoignit du procès et s'en réserva le jugement. Ce fut un premier pas, qui devait être suivi de tentatives moins justifiables. A l'origine, par exemple, l'Eglise connaissait de la séparation de biens comme accessoire de la séparation de corps; un siècle plus tard, les rôles étaient renversés et le juge civil connaissait de la séparation de corps, « sous prétexte, dit Fleury dans ses Nouveaux Opuscules, que cette séparation en

traîne toujours celle des biens. » Le pouvoir civil s'avançait ainsi par degrés, d'une marche lente mais sûre, vers la scission complète du mariage en deux parties le contrat civil d'un côté, livré à la puissance séculière, le sacrement de l'autre, abandonné à la puissance ecclésiastique. C'est la théorie des légistes appliquée au pouvoir de juridiction. Elle fournit à l'Etat le moyen de prononcer des nullités de mariage, sans rompre ouvertement avec la doctrine catholique.

Dans sa lutte contre les juridictions ecclésiastiques, le pouvoir civil se servit d'une arme précieuse : l'appel comme d'abus. Cette institution d'origine ancienne, tombée depuis longtemps dans l'oubli, fut ressuscitée par les légistes du XVIe siècle, soucieux d'assurer le respect des lois civiles sur le mariage. Quand une juridiction ecclésiastique s'était arrogé, par exemple, la connaissance d'une question pécuniaire, appel comme d'abus était porté de la sentence de l'official devant le parlement. Il en était ainsi, d'une façon générale, toutes les fois que la sentence de l'official était contraire aux prescriptions de la législation civile. Bientôt même l'appel devint plus expéditif on appela directement de la célébration du mariage, sans attendre la sentence du tribunal ecclésiastique.

C'est ainsi que les juridictions civiles s'élevèrent peu à peu à côté des juridictions de l'Eglise. Les officialités n'en subsistèrent pas moins jusqu'à la Révolution; il importe donc de remarquer que si l'indépendance du pouvoir civil était établie en principe, on ne tirait de ce principe que des conséquen

ces fort peu redoutables pour la juridiction parallèle.

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Un mot encore de la célébration des mariages. Jusqu'en 1563, le mariage se célébrait sans aucune formalité, ou, pour parler plus exactement, il n'y avait point de célébration légale du mariage. On appliquait dans toute sa rigueur le vieux principe romain nuptias solus consensus facit. Sans doute l'usage s'était introduit de bonne heure parmi les chrétiens, de faire bénir leur union par l'Eglise ; nous avons même vu qu'un empereur bysantin, Léon le Philosophe, avait prescrit la bénédiction nuptiale à peine de nullité. Mais la jurisprudence canonique de l'Occident ne fut nullement influencée par cette décision, et il faut descendre jusqu'au concile de Trente, pour rencontrer une modification radicale aux doctrines de l'Eglise sur la forme du mariage.

De contrat consensuel, le mariage devient alors contrat formel. Son existence même sera subordonnée à sa célébration in facie Ecclesiæ. A peine de nullité, tout mariage devra être reçu par le propre curé des parties, en présence de deux ou trois témoins.

On pourrait croire que la législation civile reçut le contre-coup immédiat de cette innovation canonique. Il n'en fut rien. Rappelons-nous que nous sommes au XVIe siècle, c'est-à-dire à l'époque où commence le conflit entre les deux puissances rivales, et où l'Etat prétend dire son mot dans la législation du mariage. Malgré les efforts du saint-siège, les canons du concile de Trente ne furent donc pas

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