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et se détruire. Ce ne fut cependant point un choc qui amena l'anéantissement de l'une d'elles. Il se fit entre la législation civile et la législation canonique, un rapprochement insensible, qui devait aboutir à une fusion complète. L'évolution pouvait se produire dans un sens ou dans l'autre, suivant les tendances du pouvoir civil. A Rome, l'avènement des empereurs chrétiens, chez nous, la conversion en masse de la nation franque précipitèrent le triomphe de la doctrine ecclésiastique.

Sous l'influence de cette doctrine, le droit franc subit une métamorphose, et le défaut de consentement du père finit par devenir un simple empêchement prohibitif. Une formule du VIIIe siècle fait allusion, dans les termes les plus clairs, à cette influence de l'Eglise. Un mari adresse à sa femme ces curieuses paroles : « Dum et te sine voluntate » parentum tuorum rapto scelere in meo sociavi » conjugio, unde vitæ periculum incurrere debui, >> sed intervenientes sacerdotés (sic) vel bonis >> hominibus vitam obtinui (1). » Un certain nombre d'autres textes renferment des déclarations analogues (2). Il ne faut donc pas s'étonner que le clergé, par sa médiation persévérante, ait pu amener à la longue une modification du droit (3).

Au Xe siècle, cette évolution est enfin terminée. L'Eglise exerce un pouvoir souverain et incontesté sur la législation et la juridiction du mariage (4).

(1) E. de Rozière, Recueil général des formules, t. I, p. 290. (2) Ibid., pp. 291 et suiv.

(3) Bouly de Lesdain, Des nullités de mariage (Thèse), p. 127.

(4) En matière de juridiction, la prépondérance de l'Eglise s'était établie, nous l'avons vu, dès le VIe siècle.

Ses lois seules en déterminent les conditions; ses tribunaux seuls en apprécient la validité; la puissance séculière s'est désintéressée de cette partie de la législation (1).

Cette prépondérance de l'Eglise lui fut assurée pendant plus de six siècles : il s'ensuit que pendant le même temps, le consentement des parents ne fut point indispensable à la validité du mariage. Cette règle, d'ailleurs, ne paraît pas avoir soulevé, à cette époque, de sérieuses récriminations (2). L'Eglise, en effet, tout en proclamant la validité des mariages contractés sans le consentement des parents, faisait aux fidèles un impérieux devoir de l'obtenir. Cette prescription et les peines spirituelles qui l'accompagnaient, suffisaient pour empêcher les enfants de se soustraire à l'obligation de conscience qui pesait sur eux. Mais peu à peu le relâchement des mœurs amena l'affaiblissement des idées religieuses, et le jour vint où la crainte des censures ecclésiastiques fut impuissante à faire respecter l'autorité paternelle. Ce jour-là, le pouvoir civil crut devoir intervenir, et dans un édit du mois de février 1556, le roi Henri II jeta les bases d'une théorie nouvelle, qui devait causer dans le monde des théologiens et des juristes, une véritable révolution.

(1) V. Duguit, Op. cit., passim.

(2) Les plaintes avaient alors un caractère plus général; on attaquait surtout la règle qui reconnaissait la validité des mariages clandestins. Le quatrième concile de Latran exigea les publications de mariage, sans en faire, d'ailleurs, une condition de balidité (can. 51). Plusieurs conciles provinciaux essayèrent d'empêcher les mariages clandestins, sans exiger cependant la publicité et la présence du curé comme conditions essentielles : Conciles d'Angers, 1270, can. 3 (Mémoires du clergé, t. V, p. 646); de Narbonne, 1374, can. 22 (Labbe, t. XI, p. 2508); de Paris, 1429, can. 32 (Labbe, t. XII, p. 402); - V. Duguit, loc. cit.

CHAPITRE III

Edit de Henri II, de 1556

L'Edit de Henri II marque une date solennelle dans l'histoire des rapports de l'Eglise et de l'Etat en matière de mariage. Il ne crée pas, à vrai dire, un empêchement nouveau; nous verrons, en effet, que, sans toucher à la validité des mariages contractés malgré la volonté des parents, il se borne à les considérer en quelque sorte comme des délits et à les frapper d'une pénalité sévère. Mais il est le premier acte législatif relatif au mariage, émanant du pouvoir royal français. L'Eglise avait jusqu'alors exercé le droit exclusif de légiférer sur le mariage : en 1556, le roi de France émet une prétention rivale et affirme son droit de créer des empêchements non reconnus par la discipline ecclésiastique. Un conflit va s'élever ainsi entre le pouvoir séculier et la puissance spirituelle, en même temps qu'une ère nouvelle va s'ouvrir dans la législation du mariage. L'importance de l'édit de 1556 est donc capitale; en voici la teneur :

«< Henry, par la grâce de Dieu, roy de France : à » tous présens et à venir, salut. Comme sur la >> plainte à nous faite des mariages, qui journelle»ment par une volonté charnelle, indiscrète et » désordonnée, se contractaient en notre royaume

» par les enfants de famille, au déçu et contre le » vouloir et consentement de leurs père et mère, » n'ayant aucunement devant les yeux la crainte de » Dieu, l'honneur, révérence et obéissance qu'ils >> doivent en tout et partout à leursdits parents, » lesquels reçoivent très grand regret, ennuy et déplaisir desdits mariages, nous eussions (long» temps à) conclu et arresté sur ce faire une bonne »loy et ordonnance, par le moyen de laquelle ceux » qui pour la crainte de Dieu, l'honneur et révé»rence paternelle et maternelle, ne seraient détour» nés et retirés de mal faire, fussent par la sévérité » de la peine temporelle, révoquez et arrêtez. Tou» tefois, pour ce que notre intention n'a été encore » exécutée, nous avons connu par évidence de fait, » que ce mal invétéré pullule et accroît de jour à » autre, et pourra augmenter, si promptement n'y » est pas par nous pourveu.

» Pour ces causes, et autres bonnes et fortes >> considérations à ce nous mouvans, par avis et » délibérations de notre conseil, auquel assistaient >> aucuns princes de notre sang, et autres grands et » notables personnages, pour notre regard, et en » tant qu'en nous est exécutant le vouloir et >> commandement de Dieu, avons dit, statué et » ordonné, disons, statuons et ordonnons par édit, >> statut et ordonnance perpétuels et irrévocables:

>> Que les enfants de famille ayant contracté, et qui >> contracteront ci-après mariages clandestins (1),

(1) Observons, une fois pour toutes, que l'expression mariage clandestin appliquée à notre hypothèse n'est pas exacte. On appelait, à proprement parler, mariages clandestins les mariagės contractés sans publicitė. – V. supra, p. 155, note 2.

» contre le gré, vouloir et consentement, et au déçu » de leurs pères et mères, puissent pour telle irré» vérence et ingratitude, mépris et contemnements » de leursdits pères et mères, transgressions de la

loy et commandement de Dieu, et offense contre le » droit de l'honnêteté publique, inséparable d'avec » l'utilité, être par leursdits pères et mères, et >> chacun d'eux, exhérédez et exclus de leurs suc» cessions, sans espérance de pouvoir quereller » l'exhérédation, qui ainsi aura esté faite.

» Puissent aussi lesdits pères et mères, pour les » causes que dessus, révoquer toutes et chacunes les » donations et avantages qu'ils auraient faits à leurs » enfants. Voulons aussi, et nous plaist, que lesdits >> enfants, qui ainsi seront illicitement conjoints par » mariages, soient déclarés audit cas d'exhéréda» tion, et les déclarons incapables de tous avantages, >> profits et émoluments qu'ils pourraient prétendre » par le moyen des conventions apposées ès con>>tracts de mariages, ou par le bénéfice des coutumes » et lois de nostre royaume, du bénéfice desquelles » les avons privez et déboutez, privons et dé» boutons par ces présentes, comme ne pouvans >> implorer le bénéfice des lois et coutumes, eux » qui ont commis contre la loy de Dieu et des >> hommes.

» Et d'abondant avons ordonné et ordonnons, que >> lesdits enfans conjoints par la manière que dessus, » et ceux qui auront traité tels mariages avec eux, >> et donné conseil et aide pour la consommation » d'iceux soient sujets à telles peines qui seront » avisées, selon l'exigence des cas, par nos juges,

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