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§ 2. Oppositions au mariage

La véritable utilité de la proclamation des bans était de faire naître les opositions au mariage.

Le droit de former opposition à la célébration d'un mariage appartenait : 1° à la personne qui se prétendait unie à l'un des futurs époux; 2o aux personnes ayant quelque autorité sur eux ; 3° enfin à tous leurs parents sans exception.

Ce droit, qui était à peu près illimité quant aux personnes, était complètement illimité quant aux causes. Le prêtre devait surseoir à la célébration du mariage, du moment où il en était requis par une personne compétente, quel que fût le motif allégué par celle-ci pour justifier son opposition. S'il passait outre, il encourait une suspension de trois ans prononcée par l'official, sans préjudice des dommages-intérêts prononcés par le juge laïque.

L'opposition se faisait par acte judiciaire et par ministère d'huissier, entre les mains du curé qui avait publié les bans. Les curés tenaient un registre sur lequel ils transcrivaient les oppositions, ainsi que les désistements donnés par les parties ou les mainlevées prononcées par jugement. C'est au juge séculier qu'il appartenait de statuer sur les oppositions, sauf quand elles étaient fondées sur l'existence d'un mariage antérieur ou d'un contrat de fiançailles.

L'opposition au mariage d'un mineur ne pouvait être levée qu'après avis des parents réunis devant le juge royal. Mais le désistement pouvait résulter

d'une approbation tacite de la famille; ainsi l'intervention des parents au contrat de mariage, pour y faire une donation aux futurs époux, équivalait à une mainlevée régulière.

SECTION III

Sanction de l'obligation imposée aux mineurs

L'obligation imposée aux mineurs d'obtenir le consentement paternel se trouvait garantie par une triple sanction.

Tout d'abord le mariage par eux contracté sans ce consentement était déclaré nul.

En second lieu, cette nullité étant fondée sur la présomption d'un rapt de séduction, ils étaient passibles des peines du rapt.

Enfin ils encouraient l'exhérédation.

A.

§ 1. Nullité du mariage

Fondement et caractères généraux
de la nullité

La nullité du mariage, unanimement reconnue par la doctrine et la jurisprudence, apparait comme la conséquence naturelle et pratique de la théorie du rapt de séduction. Le mariage n'est pas annulé pour défaut d'autorisation; il est nul parce que le

défaut de consentement fait présumer la séduction, que la séduction doit être assimilée au rapt, et que le rapt est considéré par les lois de l'Eglise aussi bien que par les lois de l'Etat comme un empêchement dirimant. On voit quel immense progrès s'était accompli en un siècle, dans la législation du mariage. Les ordonnances royales, ajoutant aux décisions des conciles, avaient édicté des peines sévères contre les enfants qui se marieraient sans l'autorisation paternelle. La jurisprudence des parlements, ajoutant à son tour aux dispositions des ordonnances, s'était emparée d'une fiction inventée par les jurisconsultes, pour prononcer la nullité du mariage.

Toutefois, le principe qui servait de base à cette jurisprudence, devait en limiter singulièrement l'application. Du moment où l'on fondait la nullité du mariage sur la présomption d'un rapt de séduction, il fallait exiger la réunion de certaines conditions qui rendissent cette supposition vraisemblable.

La première de ces conditions, la seule même, peut-on dire, était la minorité de l'enfant. « La » séduction, dit Pothier, se présume de droit lors» qu'un mineur s'est marié sans le consentement de » ses père, mère, tuteur ou curateur (1). » Il est même généralement admis par les anciens auteurs que la présomption du rapt de séduction n'a lieu que de majeur à mineur, et non lorsque les parties sont toutes deux majeures ou toutes deux mineures. Les deux parties sont-elles majeures, on présume assez de force de caractère dans l'une et

(1) Traité du contrat de mariage, nos 228 et 229.

dans l'autre, pour résister aux attraits de la séduction. Les deux parties sont-elles mineures, on les présume incapables des réflexions étudiées et des artifices médités que prépare et met en œuvre la séduction. Il faut donc, pour donner lieu à la présomption de rapt de séduction, que l'une des parties soit majeure et l'autre mineure. C'est naturellement la première qui est présumée la partie séductrice, et la seconde la partie séduite.

A cette règle l'ancien droit apportait quelques exceptions. Il semble bien résulter de certains arrêts que le rapt de séduction pouvait être invoqué même entre parties majeures, lorsque la subornation avait commencé en minorité. Basnage rapporte en ce sens un arrêt du parlement de Rouen du 30 juillet 1683, qui fit défense à un sieur Danfernet du Quesnoy, quoiqu'âgé de plus de 30 ans, de contracter mariage avec la fille d'un valet de coche, parce que la subornation était prouvée avoir commencé en minorité par un premier arrêt de défense de contracter mariage avec la même fille, que le père du sieur du Quesnoy avait obtenu lorsque celui-ci n'avait que 24 ans (1). A l'inverse, il pouvait se trouver des circonstances assez fortes pour faire présumer le rapt de séduction entre deux mineurs. C'est du moins l'avis que Joly de Fleury exprimait en 1704, devant le Parlement de Paris, et celui-ci paraît l'avoir ratifié par la cassation du mariage (2).

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(1) Basnage, cout. de Normandie, art. 369. V. aussi deux arrêts du 13 mars 1723 et du 10 juillet 1733, Journal de PoullainDuparc, T. I, ch. 88.

(2) Arrêt du 12 avril 1704, J. des Audiences, T. V, liv. 4, ch. 7.

Ces exceptions ne détruisent point le principe général que nous avons posé, et que l'on peut considérer comme la véritable expression de notre ancien droit. Toutefois, quelques auteurs critiquaient cette règle, se refusant à croire qu'une fille de vingt ans ne fût pas aussi capable de suborner un jeune homme de vingt-cinq ans, que celui-ci de la séduire. L'un d'eux dit fort ingénieusement à ce sujet : « Les >> lois de la bienséance ont établi que les hommes >> attaquent, il est vrai, mais elles sont subordonnées » à celles de la nature, qu'ils sont forcés de subir » d'abord. Leur attaque est précédée de leur défaite; » ils parlent les premiers, mais c'est quand ils ne » sont plus maîtres de se taire, et s'ils deviennent » quelquefois vainqueurs, c'est toujours après avoir » été vaincus (1). » C'est le cas de dire avec le chancelier d'Aguesseau, que la « subornation qui vient du sexe le plus faible est souvent la plus dangereuse (2). »

Cette distinction de majorité dans le ravisseur et de minorité dans la personne ravie n'avait pas lieu pour le rapt de violence. Il va de soi, en effet, qu'un mineur peut s'en rendre aussi bien coupable que le majeur le plus robuste, et qu'une fille majeure peut en être aussi facilement la victime que la mineure la moins expérimentée. C'était là une des différences essentielles qui séparaient le rapt de violence du rapt de séduction. Mais celui-ci avait avec le premier ce point de commun, qu'il devait avoir pour but le mariage de la personne ravie. L'enlèvement d'une

(1) Mémoire sur l'art. 497 de la cout. de Bretagne.

(2) Préambule de la Déclaration de 1730.

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