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jeune fille libidinis explendæ causa, ne formait pas, suivant les lois canoniques, un empêchement dirimant. Ce n'était pas qu'on ne punît des peines les plus sévères le rapt quiavait pour unique but la jouissance illicite de la personne ravie, car le déshonneur apporté dans une famille ne devait pas moins l'affliger qu'un mariage contraire à ses vues; mais l'Eglise faisait une distinction fondamentale entre le cas où le ravisseur n'avait eu pour but que la satisfaction d'une passion criminelle, et celui où il s'était proposé d'épouser la personne ravie. Dans le premier cas, le ravisseur pouvait, revenant sur son intention primitive, contracter un mariage valable; dans le second cas, au contraire, le rapt par lui commis faisait obstacle à la réalisation de ses projets. Il est facile de comprendre que cette intention matrimoniale qui devait accompagner le rapt pour qu'il fût un empêchement de mariage, ne pouvait être exigée qu'en théorie, au cas de rapt de séduction résultant du défaut de consentement des parents. Dans la pratique, en effet, la jurisprudence qui présumait le rapt lui-même, devait naturellement présumer aussi qu'il avait eu lieu, dès le principe, ineundi matrimonii causa et non pas seulement libidinis explendæ causa. Aussi avions-nous raison de dire que la minorité de l'enfant était, à proprement parler, la seule condition nécessaire pour appliquer la théorie du rapt de séduction au mariage contracté sans l'autorisation des parents.

En résumé, la simple circonstance du défaut de consentement des parents au mariage d'un enfant mineur suffisait à faire présumer le rapt de séduc

tion. On tenait pour certain, par une fiction en faveur de l'autorité paternelle, qu'il y avait eu une séduction de la volonté, un « enlèvement du bon sens, » qui ôtait au mineur le plein usage de sa liberté. C'est ce qu'on appelait le Raptus in parentes. Cependant, s'il n'y avait pas pour la personne séduite un désavantage réel dans ce mariage, et qu'on n'aperçût dans la résistance des parents d'autre motif que le désir de venger leur autorité méconnue, la présomption de rapt devait être mise à l'écart, parce qu'elle eût été entièrement déraisonnable. C'est apparemment ce que veut faire entendre Théveneau, lorsqu'après avoir dit que « s'il y a rapt ou défaut de consentement à cause de l'âge, par le moyen de la subornation, en ce cas les père et mère peuvent faire casser le mariage, » il ajoute : « mais non sur le défaut seul de leur consentement. » On trouve, d'ailleurs, un grand nombre d'arrêts qui confirment cette solution, comme nous le verrons en étudiant les exceptions à la nécessité du consentement paternel.

Les lois sur la nécessité de requérir le consentement des parents faisaient partie du statut personnel et suivaient les enfants de famille partout où ils se trouvaient. La présomption de rapt opérait donc la nullité du mariage contracté par un Français mineur en pays étranger, comme s'il eût été contracté en France (1). Toutefois, cette jurisprudence ne paraît dater que du XVIIIe siècle; les arrêts antérieurs semblent considérer les lois rela

(1) D'Héricourt, Lois ecclésiastiques, 3e part., ch. 5, art. 11, no 74.

tives au mariage des enfants mineurs comme se rattachant au statut réel (1).

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On sait que pendant très longtemps les tribunaux ecclésiastiques furent seuls compétents pour connaître des questions de mariage, mais qu'à partir du XVIe siècle, les officialités perdirent peu à peu le monopole de la juridiction matrimoniale. Dans le dernier état du droit, deux voies était ouvertes pour se pourvoir en cassation (2) d'un mariage contracté en violation des lois. Les parties pouvaient, à leur choix, porter leur demande devant l'official, c'est-à-dire devant le vicaire délégué par l'évêque pour exercer la juridiction contentieuse, ou saisir, par la voie de l'appel comme d'abus, la grand'chambre des parlements. Toutefois, on ne pouvait plaider devant l'official que le foedus matrimonii; les intérêts temporels échappaient à sa compétence (3). Hâlonsnous d'ajouter que la jurisprudence lui refusait en outre le droit de connaître de certaines demandes, notamment de celles fondées sur le défaut de consentement des parents (4). Une seule voie était

(1) Paris, 26 mars 1621, J. des Audiences t. 1, p. 21; Aix, 11 juin 1662, Boniface, Arrêts notables de la cour du parlement de Provence, t. I, p. 316.

(2) C'était le terme alors usité.

(3) Fevret, Traité de l'abus, liv. 5, chap. 2, nom. 23.

(4) Claude Le Prestre, dans ses Questions notables de droit.... cite en ce sens, d'après Fevret, plusieurs arrêts, en date des 16 juillet 1584, 14 mars 1585, 29 avril 1595, 8 janvier 1601, 31 janvier et 14 février 1628, 17 mars 1651.

donc ouverte dans notre matière: l'appel comme d'abus devant le parlement.

Deux genres de vices pouvaient porter atteinte à la validité d'un mariage: les uns absolus, les autres relatifs ou respectifs, comme on disait alors. Il y avait conséquemment deux catégories de moyens d'abus: les uns absolus, ouverts à tous intéressés, même aux parents collatéraux; les autres relatifs, ouverts seulement aux personnes en faveur desquelles ils avaient été créés. C'est parmi les moyens relatifs qu'il faut ranger le rapt de séduction résultant du défaut de consentement des parents.

Seuls les père et mère dont le consentement n'avait pas été obtenu, pouvaient donc, en principe, demander la nullité du mariage. Cependant, il est permis de croire qu'il pouvait se trouver des circonstances assez graves pour faire admettre les collatéraux à proposer, du vivant mème des père et mère, le moyen d'abus relatif résultant du défaut de consentement des parents. Par un arrêt du 17 janvier 1692, un collatéral qui prétendait exercer le droit des père et mère, fut débouté, sur les conclusions de l'avocat général d'Aguesseau; mais on laissa entendre que dans le cas d'une alliance indigne, d'un mariage déshonorant pour la famille, les collatéraux pouvaient avec succès faire valoir ce moyen d'abus, quoique relatif (1).

Après la mort des père et mère, le droit de consentir au mariage passant au tuteur et aux autres parents, c'est à eux qu'incombait naturellement le droit de demander la nullité du mariage.

(1) J. des Audiences, T. IV, liv. 7, ch. 11.

Toutefois, il importe de remarquer qu'un très large pouvoir d'appréciation était alors donné aux tribunaux. Les cours n'annulaient le mariage d'un mineur en tutelle, que s'il y avait eu surprise et que le mariage était désavantageux pour le mineur, par suite de l'inégalité des conditions ou des fortunes (1).

Les parents qui pouvaient invoquer la présomption de rapt, étaient, bien entendu, ceux de la partie mineure et séduite. Les parents de la partie majeure et séductrice ne pouvaient pas plus s'en prévaloir que cette partie elle-même, pour faire prononcer la nullité du mariage (2).

Quant aux enfants mineurs, si leurs parents refusaient d'agir, ils ne pouvaient demander eux-mêmes la nullité du mariage par eux contracté au mépris de l'autorité paternelle. C'était, en effet, aux seules personnes qui avaient reçu l'offense, qu'il appartenait de s'en plaindre; on faisait aux enfants l'application du principe: Nemo auditur turpitudinem suam allegans (3).

Enfin la règle Quod Deus conjunxit homo non separet défendait aux parties de rompre le lien sacré du mariage par un consentement mutuel. Aussi l'acquiescement que l'une d'elles donnait à la demande, ne dispensait pas le juge d'examiner scrupuleusement les preuves de l'empêchement dirimant.

Il nous reste à dire quelques mots des fins de nonrecevoir opposables à l'action en nullité. Lorsque, au moment du mariage, les parents l'avaient expres

(1) Pothier, Traité du contrat de mariage, no 336.

(2) Arrêt du 18 août 1707, J. des Audiences, t. V, liv. 7, ch. 16. (3) Ferrière, Dictionnaire du droit, V° Mariage des mineurs.

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